"Beasts of No Nation" : une enfance à feu et à sang

Mehdi Omaïs
Publié le 23 octobre 2015 à 17h30

CRITIQUE – Talentueux réalisateur de "Sin Nombre" et des huit épisodes de la première saison de "True Detective", Cary Fukunaga décrit dans "Beasts of No Nation" le parcours d’un enfant soldat en Afrique de l’Ouest. Il s'agit là du premier film estampillé "Netflix".

Quelque part en Afrique de l’Ouest, dans un pays anglophone qui pourrait s’apparenter au Libéria ou à la Sierra Léone, les tensions font rage et poussent les habitants à la fuite. A l’instar du jeune Agu, environ dix ans, dont le père et le frère ont été impitoyablement fusillés par des membres des forces gouvernementales. Esseulé, les yeux encore gonflés par les larmes, ce dernier est recueilli en pleine brousse par la brutale armée du "Commandant" (Idris Elba), tête brûlée jupitérienne passée maître dans l’"art" de transformer les enfants en soldats sataniques.

Comme dans son premier long métrage Sin Nombre, qui relatait le sauve-qui-peut de jeunes gens confrontés à la violence endémique du Honduras, Cary Fukunuga évoque dans Beasts of No Nation la perte brutale et irrémédiable de l’innocence. Celle d’un môme broyé par une implacable machine de guerre, forcé de subir et de commettre des atrocités quotidiennes. Drogue, maniement des armes, crimes à la machette, viol… Le cinéaste effeuille hélas ces étapes sans relief ; la faute à un scénario convenu, surtout pour ceux qui ont déjà vu Johnny Mad Dog ou Rebelle, deux œuvres chocs qui s’étaient déjà focalisées sur l’embrigadement d’enfants sacrifiés.

Visuellement puissant

Au-delà des interprétations convaincantes d’Idris Elba et du jeune Abraham Attah, le long métrage redresse heureusement la barre grâce au talent déconcertant de Cary Fukunaga, également directement de la photo sur le projet. Sa mise en scène impressionne. Elle est à la fois cartésienne dans la circonscription de la violence et métaphysique quand l'âme vagabonde du héros témoigne de la dégénérescence environnante. On retiendra notamment ces séquences fortes où Agu évolue entre les arbres rougis et les tranchées argileuses, sortes de routes sanguines des enfers d’où émerge une déchirante question : "Soleil, pourquoi brilles-tu au-dessus de ce monde ?"


Mehdi Omaïs

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