BILAN – Le scandale Cahuzac a accéléré en France la lutte contre l’évasion fiscale. En trois ans, l’Etat a récolté plus de 4 milliards d’euros de la seule poche des évadés fiscaux. Alors que l'ancien ministre a été condamné à trois ans de prison jeudi 8 décembre, LCI fait le point.
Dévastatrice pour la classe politique, l’affaire Cahuzac aura eu le mérite d’accélérer la lutte contre l’évasion fiscale. En plus de trois ans, la pression sur les évadés fiscaux a rapporté à l’Etat la bagatelle de 4,5 milliards d’euros, contribuant largement à permettre au gouvernement de boucler son budget.
Lorsque le scandale éclate, fin 2012, les négociations pour s’attaquer enfin aux paradis fiscaux, entamées entre des Etats rincés par la crise financière, sont déjà bien amorcées. A la baguette, l’austère ministre du Budget Jérôme Cahuzac, qui avouera quatre mois plus tard détenir 600.000 euros sur un compte caché à l’étranger. Face à l’énormité de la révélation, l’exécutif se doit de réagir vite et fort. Dans le contexte de la crise, ce scandale va jouer le rôle de catalyseur.
Un arsenal punitif accru
En quelques mois, le gouvernement accouche de deux projets de loi : l’un sur la transparence de la vie publique, l’autre sur la lutte contre la fraude fiscale. Les deux textes seront votés avant la fin de l’année 2013. Si le premier vise à s’assurer de l’intégrité des responsables politiques, le second s’attaque, lui, au cœur du problème et pourrait rapporter gros, escompte le gouvernement qui ne lésine pas sur les moyens.
Parmi l’arsenal dont se dote la loi sur la fraude fiscale, on trouve : la création d’un parquet national dédié à cette mission, une taxation des avoirs dissimulés revue à la hausse à 60%, tout comme les délais de prescription des infractions pénales et les sanctions, soit sept ans de prison et 2 millions d’euros d’amendes pour les cas les plus graves, contre cinq ans et 750.000 euros jusqu’alors. De quoi inciter les contribuables égarés à rentrer au bercail.
2,4 milliards d’euros de recettes attendus cette année
Parallèlement, le gouvernement transforme la cellule de dégrisement de Bercy, instaurée en 2009, en un Service de traitement des déclarations rectificative (STDR). Entre juin 2013, date de sa création, et fin 2015, le service qui gère les régulations fiscales a traité 44.894 demandes. Sur la même période, le STDR a encaissé 4,5 milliards d’euros. L’année 2015 a constitué un record en la matière avec 2,65 milliards de recettes fiscales récoltées, dont 900 millions d’euros d’amendes et de pénalités. Et ce n’est pas fini. Pour 2016, le gouvernement table sur 2,4 milliards d’euros de rentrées. Une bouffée d’air pour l’Etat, toujours confronté à de faibles rentrées fiscales en raison d’une activité économique qui tourne au ralenti.
Fort de ce succès, Bercy poursuit la lutte tous azimuts. Sur le plan international, plus de 50 Etats ont d’ores et déjà signé un accord d’échange d’informations fiscales à l’image de celui passé entre la France et la Suisse. Le gouvernement met désormais l’accent sur la fraude des entreprises avec, à la clé, des dizaines de milliards d’euros à récupérer. En juillet dernier, la loi Sapin II sur la transparence de la vie économique a été adoptée par le Sénat. Elle prévoit notamment la création d’une agence anticorruption chargée de contrôler les pratiques des entreprises et un statut pour les lanceurs d’alerte. Quant aux évadés fiscaux non repentis, ils pourraient prochainement ne plus pouvoir venir frapper à la porte de Bercy pour signaler leur situation et tenter d’obtenir une réduction des sanctions. Le gouvernement envisagerait en effet de fermer le STDR à la fin de l’année. A bon entendeur…