Intox contre Mediapart et Le Canard enchaîné, journalistes au pilori : la stratégie anti-"merdias" de Fillon et ses soutiens

Publié le 10 février 2017 à 16h52, mis à jour le 10 février 2017 à 22h00
Intox contre Mediapart et Le Canard enchaîné, journalistes au pilori : la stratégie anti-"merdias" de Fillon et ses soutiens
Source : Martin BUREAU / AFP

ATTAQUES - Subsides versés par l'Etat au Canard enchaîné, emploi d'Eve Plenel (fille du patron de Mediapart) par la mairie de Paris, sifflets à l'encontre "des journalistes"... François Fillon et son entourage s'en prennent à la presse. Tour d'horizon de la contre-offensive contre la profession.

Il a tout de suite annoncé sa défiance envers la presse. François Fillon s'est dit "lynché" par une presse qui en a "trop fait", "un tribunal médiatique", lors de sa conférence de presse du 6 février, dans laquelle il s'expliquait sur les emplois de son épouse et de deux de ses enfants dans le cadre de son activité parlementaire. 

Les soutiens du (toujours) candidat de la droite et du centre à l'élection présidentielle n'ont pas tardé à lui emboîter le pas. D'abord dans les meetings et sur les réseaux sociaux, où l'emploi du mot "merdia" pour désigner la profession a connu un pic d'activité. La contre-offensive vise les médias en général, certains titres en particulier et même l'entourage d'un patron de presse. Juste retour de bâton ou arguments fallacieux ? Tour d'horizon.

Mediapart : l'emploi (réel) de la fille d'Edwy Plenel à la mairie de Paris

Sur les réseaux sociaux, des soutiens du candidat LR s'attaquent à la fille d'Edwy Plenel, co-fondateur de Mediapart (qui a enquêté sur l'affaire Fillon). Il est inscrit sur un photomontage qui circule sur les réseaux sociaux "Eve Plenel, fille du patron de Mediapart : 3000 euros par mois pour un emploi à mi-temps à la mairie de Paris en vivant à... Berlin".

Une accusation qualifiée de "calomnie" par Edwy Plenel dans un billet publié sur le site d'investigations ce jeudi 9 février. Il s'agit, selon lui, du relais d'un '"mensonge diffusé par la fachosphère [...] insinuant que ce pourrait être un emploi fictif". 

Quel est le poste d'Eve Plenel ? Depuis avril 2016, elle occupe un emploi à mi-temps à la mairie de Paris, qui n'a rien de fictif. Ce qu'a confirmé Bernard Jomier, l'adjoint chargé de la Santé, dans un message publié ce jeudi sur Facebook : "J'ai souhaité recruter Eve Plenel [...], actrice engagée et reconnue de la lutte contre le sida pour coordonner le programme vers Paris sans Sida  [...]. Depuis son arrivée, elle n'a compté ni son temps, ni son énergie pour mettre en place les premières actions".

Elle était alors directrice de l'Association de Recherche, de communication et d’action pour l’accès aux traitements (Arcat) et du Kiosque Infos Sida. Contacté par LCI.fr, Jean-Marc Borello, le président de SOS dont dépendent ces deux organismes, confirme qu'"Eve Plenel était salariée du groupe à temps plein pendant quatre ans jusqu'au 31 mars 2016. Puis à mi-temps du 1er avril au 4 novembre pour prendre son poste, avec notre autorisation, également à mi-temps à la mairie de Paris avec un statut de collaborateur extérieur. Elle a quitté l'organisation à son initiative en novembre".

Son salaire ? "1682 euros net pour un temps partiel qu'elle effectue à Paris, ayant un bureau à la mairie", assure Edwy Plenel. Le fait qu'elle habite en Allemagne ? "Son déménagement date de 2014. Il n'a pas eu d'influence sur son travail et son implication", nous assure le président de SOS. "Ses déplacements depuis Berlin, où travaille son compagnon et où sont scolarisés ses enfants, sont totalement à sa charge", précise encore son père.  

Le Canard enchaîné : des subsides versés à La Poste pour... le distribuer

Le 8 février, la députée LR Virginie Calmels s'attaque au Canard enchaîné, qui a publié le 25 janvier les premiers éléments donnant naissance à l'"affaire Fillon". Invitée sur La chaîne parlementaire, l'élue compare les aides accordées à la presse aux salaires versés aux proches des parlementaires. En référence à la présentation cumulée des salaires de Penelope Fillon, celle-ci proclame que l'hebdomadaire satirique est "un journal qui reçoit des subsides de l'Etat. Si on les cumulait sur 20 ans, on dirait que ça ferait 10 millions d'euros. Je pense que ça choquerait aussi les Français".

Calmels : "Le Canard enchaîné reçoit des subsides de l'Etat"Source : Sujet JT LCI
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Qu'en est-il de ces aides ?  Le journal "n'a jamais reçu la moindre subvention directe de l'Etat" mais il est bien aidé de façon indirecte puisque "la Poste a reçu pour l'acheminement du palmipède une aide de 413.922 euros, soit 0,02 euro par exemplaire", assure Le Canard enchaîné dans son édition du 8 février.

Ce coup de pouce est donné à l'opérateur postal "comme à 200 autres journaux [...] au titre de sa mission de service public de transport de la presse", précise l'hebdomadaire. Un dispositif qui a vocation à favoriser "le principe du pluralisme de la presse [dont] l'Etat est le garant", lit-on sur le site du ministère de la Culture et de la communication. Si le ministère n'a pas répondu à nos sollicitations, il n'y a sur son site aucune trace de subventions directes allouées au Canard pour l'année 2015.

Les journalistes : Raffarin provoque les sifflets en les évoquant au meeting de Fillon

A l'instar de l'ensemble du camp Fillon, qui a multiplié les sorties anti-médias et les théories du complot pour alimenter la thèse d'une presse instrumentalisée par le pouvoir, Jean-Pierre Raffarin n'a pas résisté à l'idée de s'en prendre aux journalistes présents à Poitiers, à l'occasion de son discours introductif, lors du meeting de François Fillon, jeudi 9 février. L'ancien Premier ministre a ainsi eu "un petit mot tout particulier pour dire merci aux nombreux journalistes" présents dans l'assistance. Tout en ironie, l'ancien Premier ministre a salué leur envie de montrer "combien il était important de mieux comprendre, de mieux connaître le Poitou et le Futuroscope". Une raffarinade qui a entraîné les sifflets d'un public très soudé contre la profession, et très soudé autour de son champion.

Les journalistes sifflés pendant le discours de Jean-Pierre RaffarinSource : Sujet JT LCI
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Les militants et les soutiens pro-Fillon allument les médiasSource : Quotidien

Laurence VALDÉS

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