Jean-Luc Mélenchon et le régime chaviste : économie, Poutine, Constituante... les points communs, les différences

par Antoine RONDEL
Publié le 3 août 2017 à 9h45, mis à jour le 3 août 2017 à 10h28
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Source : JT 20h WE

SI PROCHES, SI LOIN - Alors que ses opposants politiques rappellent depuis quelques jours son admiration pour Hugo Chavez, que partageait vraiment Jean-Luc Mélenchon avec le défunt président vénézuélien ?

Que n'avait dit Jean-Luc Mélenchon quand, en 2013, quelques temps après la mort de Hugo Chavez, le président du Venezuela, il convint, dans les pages de L'Humanité, que "la révolution bolivarienne [initiée par le défunt leader, ndlr] est pour nous une source d'inspiration" ? Depuis que le Venezuela et son leader, le président Nicolas Maduro, sont livrés à une forte contestation populaire, le député de la France insoumise s'est vu rappeler ces paroles, en date de 2013, lorsqu'il avait salué la victoire du successeur d'"El Comandante"

Pendant la campagne présidentielle, déjà, alors qu'il gravissait les échelons dans les sondages, Jean-Luc Mélenchon s'était vu reprocher cette proximité idéologique avec le régime chaviste. Qualifié de "Chavez français" par Le Figaro et par des médias anglo-saxons tels que Bloomberg, de "risque" par Les Echos, Jean-Luc Mélenchon inquiétait les tenants d'une politique économique libérale, effrayés par les grandes difficultés que traversait le Venezuela.

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Les troubles sanglants rencontrés par Nicolas Maduro (que le député ne porte pas dans son coeur) et le fait que le candidat, silencieux à ce sujet et pétri de la culture révolutionnaire sud-américaine, cite encore le chavisme comme référence, nécessite d'éclaircir les points communs et les divergences politiques entre les deux hommes.

La Constituante : LE point commun

"Le lien entre les deux est évident", assurait au cours de la campagne à LCI Olivier Tonneau, enseignant-chercheur à l'université de Cambridge. S'il arrive à l'Elysée, Jean-Luc Mélenchon convoquera une Constituante pour écrire une nouvelle Constitution. Exactement ce que fit Hugo Chavez, une méthode approuvée, référendum après référendum. Avec une volonté commune de "politiser les citoyens". "Chez les deux, il y a la volonté de parler du peuple contre l'oligarchie, plutôt que de la lutte des classes et de faire la promotion d'une démocratie basée sur l'éthique." Une volonté comparable qui se retrouve jusqu'à la mise en place d'un référendum révocatoire, utilisé une fois contre Chavez - sans succès - et que l'opposition vénézuélienne a essayé d'utiliser contre le très contesté Nicolas Maduro.

Des investissements d'Etats ambitieux : oui, mais...

"Pour Mélenchon comme pour Chavez, expliquait Olivier Tonneau, la mobilisation populaire est inséparable d’une politique sociale." Une des premières mesures de Hugo Chavez fut de vouloir ouvrir l'école et l'éducation à chaque citoyen. Considérée alors comme "un désastre" par l'Unicef, l'école vénézuélienne est rendue gratuite. Résultat, selon les derniers chiffres de l'Unicef valables pour la période 2008-2012, les taux d'alphabétisation et de scolarisation, tous âges et sexes, naviguent de 95 à 100% (avec des taux parfois supérieurs à ceux des Etats-Unis). L'Avenir en commun, le programme économique de Jean-Luc Mélenchon, chiffré par ce dernier à 273 milliards d'euros, ne néglige pas non plus l'éducation, à laquelle il entend consacrer 24 milliards d'euros, soit près de 10% de son budget. Pas de quoi mettre les deux hommes sur le même niveau, précisait Olivier Tonneau : "Chavez voulait transformer la condition de son peuple. Mélenchon, au contraire, mise sur le haut niveau d’éducation des Français ."

Economie : stratégie différente, objectifs convergents

Mélenchon, convaincu que les médias sont injustes envers Chavez, refuse en général de le critiquer. Mais s’il existe des points communs entre le programme économique de la France insoumise et les réformes mises en place chez Chavez (redistribution des richesses, investissements massifs), il y a aussi des différences. Hugo Chavez s'est reposé sur la rente pétrolière (2,6 millions de barils/jour), sans développer avec succès d'autres activités. La politique a eu des effets contre la misère sans l'annihiler (en 2010, un tiers des Venezuéliens vivait sous le seuil de pauvreté), mais a fini par générer une forte inflation et des crises de pénurie. "Quand Mélenchon reproche à Chavez d'être passé à côté des enjeux écologiques, il critique indirectement cette dépendance au pétrole", analysait Olivier Tonneau.

La méthode de Jean-Luc Mélenchon, chez qui la place de l'écologie est centrale, est donc différente. Pour financer ses investissements, il veut lutter contre la fraude fiscale et instaurer un impôt progressif et mener une politique de relance keynésienne.

Diplomatie : le pro-russe et le non-aligné

C'était, pendant la campagne, une des critiques favorites des adversaires de Jean-Luc Mélenchon. Le candidat serait un admirateur de Vladimir Poutine, en raison de son anti-américanisme et de son refus de "participer au choeur des excités qui passent leur temps à espérer qu'on déclenche un conflit avec les Russes". La vision du candidat, qui avait répété combattre "absolument la politique de monsieur Poutine" et revendique le "non-alignement" de Mitterrand et De Gaulle en matière de diplomatie, se résumait alors ainsi : "Vladimir Poutine, il est là, donc je parle avec lui". Une vision, qui n'est pas sans faire penser à la position du président Macron, et plus modérée que celle du défunt leader du Venezuela, anti-américain viscéral, tiers-mondiste, qui se présentait en allié de Vladimir Poutine et à qui Jean-Luc Mélenchon fait un reproche, nous rappelait Olivier Tonneau : "Avoir fait de l'Iran d'Ahmadinedjad un observateur de l'Alliance bolivarienne. Il pense que c'était une grosse erreur."

Nationalisations

Jean-Luc Mélenchon partage aussi avec Hugo Chavez la volonté de procéder à un programme de nationalisations : "la branche Energies marines d'Alstom" pour favoriser le "développement industriel" de la filière d'énergie marine ou les chantiers navals STX de Saint-Nazaire et, bien sûr, les autoroutes, dont il décrit le système de péages comme "un système d'impôt privé". De l'autre côté de l'Atlantique, Hugo Chavez avait lui aussi usé, à plusieurs reprises, de cette arme pour que les énormes gisements pétrolifères du pays reviennent entièrement dans le giron de l'Etat. Des proximités trop évidentes pour que Jean-Luc Mélenchon ne se voie pas intimer une condamnation sans réserve du régime.


Antoine RONDEL

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