Manifestation contre le FN place de la République, à Paris : 2002-2017, la jeunesse n'est plus dans la rue

par Sibylle LAURENT
Publié le 24 avril 2017 à 23h31, mis à jour le 3 mai 2017 à 11h12
Manifestation contre le FN place de la République, à Paris : 2002-2017, la jeunesse n'est plus dans la rue

REPORTAGE - Dans la foulée de la qualification au second tour de Marine Le Pen, plusieurs associations, dont SOS racisme et des syndicats étudiants avaient appelés à un rassemblement pour se mobiliser contre le Front national. LCI est allé parler aux jeunes qui se sont mobilisés.

Ça n’a pas été un raz-de-marée. Ni ce qu’on pourrait appeler une grande mobilisation citoyenne. Ou alors tout juste une vaguelette. 300 personnes - à tout casser -, à se rassembler place de la République, ce lundi à 18 h, "contre le FN", contre "Marine le Pen". Ils sont tous venus à l’appel de SOS Racisme, et de syndicats étudiants et lycéens et CFDT. Mais là, à 18 h, c’est un constat : le FN au second tour, ce n’est plus, comme lors du 21 avril 2002, un séisme. 

Pas de force de l’ordre visible, tout est calme sous le petit soleil de fin de journée. Public mélangé : militants à drapeaux, quinquas cravatés, bobos parisiens, syndiqués dans la force de l’âge. Quelques banderoles – deux ou trois à vue de nez -, avec le traditionnel "la jeunesse emmerde la Front national". Mais surtout... La jeunesse, elle est où ? Il faut un peu la chercher, sur cette place de la République étonnamment paisible.  

Thierry Paul Valette  a fondé un mouvement qui s'appelle l'Egalité nationale.
Thierry Paul Valette a fondé un mouvement qui s'appelle l'Egalité nationale. - SL/LCI

Ceux qui ont plus de 20 ans se rappellent pourtant de ce temps. En 2002, sitôt connu les résultats du premier tour des présidentielles – Jean-Marie Le Pen contre Jacques Chirac -, des mouvements lycéens s’étaient élancés, dans la foulée, battre le pavé. Dès le lundi, des cours étaient suspendus, les jeunes dans la rue. Avant une grande manifestation de rassemblement le 1er mai. Les slogans étaient choc, le message clair. "Le Pen t'es foutu, la jeunesse est dans la rue !" Ce lundi 24 avril, rien de tout ça, place de la République.

Alors oui, c’est peut-être l’heure fixée, un peu tôt pour les sorties de boulot. "Les gens sont au travail, mais ils vont arriver", veut croire Laurence, brunette habillée en noir. Peut-être aussi la date du rassemblement, calée à la va-vite. Peut-être que la mobilisation va prendre, et monter en puissance, lors des 15 prochains jours. Laurence est venue seule. Elle est étudiante en art. Confesse "bien aimer le programme de Mélenchon". A trouvé "important" d’être là ce soir. "On est le pays des droits de l’homme !, dit-elle. Le FN, c’est l’inverse de l’image que les étrangers se font de la France. Marine Le Pen, c’est un courant raciste, homophobe, xénophobe. C’est important de montrer que non, on ne veut pas d’une présidente comme ça, et que les votes pour elle sont le fait d’une minorité." Oui, elle est venue seule. "Mes amis ? Ils avaient sans doute autre chose à faire", glisse-t-elle. Elle ne sait pas vraiment, en fait, pourquoi ils ne sont pas venus. 

A côté, Judith, cheveux vert prairie, Léa, coupe courte et piercing, deux copines étudiantes, ont voté Philippe Poutou. Familles de gauche, toutes deux plutôt investies dans les mouvements du NPA, dans leur fac de Nanterre et Paris XIII. "Marine" au second tour, "honnêtement", elles s’y attendaient "un peu". "Ce n’est pas vraiment une surprise ces résultats, mais je crois que je ne voulais pas réaliser", dit Léa. "Mais moi personnellement, j’ai peur et je ne trouve pas ça normal qu’un parti comme celui de Marine Le Pen puisse passer." Jusqu’au bout quand même, elles ont voulu y croire. Quitte à s’illusionner, un peu. "Sur les réseaux sociaux, je suis beaucoup les sphères féministes, antiracistes, de gauche, dit Judith. Du coup, je suis tombée de haut. A force de côtoyer les gens de sphères militantes, pas forcément représentatifs, je pensais qu’il y aurait quand même quelqu’un de gauche au second tour."

Là encore, "honnêtement", ce soir, elles s’attendaient à "plus de monde". Même si en y repensant, "mes camarades de fac, je les ai trouvés vachement passifs", murmure Léa. Qui cherche une explication. "Il y a beaucoup de gens blasés. Ils ont tellement entendu qu’elle serait au second tour, que ça devient normal. Ils disent 'on savait que ça arriverait, pourquoi lutter ?'". Mais les deux refusent de rendre les armes. "N’importe quel extrême, c’est toujours effrayant ! Le FN, c’est un parti qui divise, qui milite pour la haine." Elles ont pensé à ne pas voter, parce que Macron, "honnêtement... " Mais seront bonnes élèves, citoyennes : "Il faut rester mobilisés, rester vigilant, le FN crédité de 30 à 40% au second tour."

Quoi qu’il se passe, c’est la merde
Mélissa, jeune manifestante

C’est justement à ça qu’appellent, au micro, les intervenants dans leurs traditionnelles allocutions, brèves ce soir. Dominique Sopo, président de SOS Racisme, veut que "la mobilisation soit massive le 7 mai", pour "mettre une raclée électorale à Marine Le Pen". Après lui, Laurent Berger, de la CFDT, confesse au micro : "Nous constatons beaucoup moins d’émotion qu’il y a 15 ans ! Mais les fondamentaux du FN sont les mêmes ! Nous devons, le 7 mai, mettre un bulletin dans l’urne."

Ça c’est sûr, l’émotion est bien moindre. Les manifestants sont rassemblés, gentiment, écoutent, applaudissent timidement. C’est calme, ça discute dans les coins. Sur les marches de la statue, des jeunes écoutent, approuvent, mais regardent de loin.  

"Il faut être clair : ça ne vaut pas une acceptation totale du programme du concurrent de Marine Le Pen", poursuit, au micro Laurent Berger. Qui tente de lancer un élan. "Il faudrait que cet esprit du 21 avril 2002 qui a fait que les gens sont descendus pour dire 'non' à la haine perdure, continue d’illuminer ce pays !" Dans un coin, Mélissa et Théo écoutent. "Macron ou Le Pen, c’est la peste et le choléra. Quoi qu’il se passe, c’est la merde, tranche Mélissa, décoratrice sur les plateaux de cinéma, à la frange carrée et aux grands yeux clairs. Je n’ai pas envie de choisir. Mon vote est trop important." Théo, dreadlocks et grand sourire, n’a pas ce problème de conscience : il a 17 ans. 

Le Front républicain, dont se targue Emmanuel Macron, se fera. Mais mollement.  "En 2002, les gens parlaient de grosse surprise, de séisme. Ça avait chamboulé l’opinion", se souvient Ludo, drapeau des Jeunes socialistes bien en main. Lui avait 12 ans. Mais s’en rappelle encore. Et mesure d’autant plus le changement. "Soyons réalistes : tout le monde s’y attendait. Ça montre à quel point c’est devenu complètement banal." Les intervenants ont fini. Avant de partir, ont appelé à se rassembler "tous les jours, pendant 15 jours". Et annoncé un "meeting concert" dimanche prochain, à 15 h, sur la place. La sono retentit, envoie du Diam’s, du Tiken Jah Fakoly, du Mano Solo, du "La jeunesse emmerde le Front national" des Berurier noir. Il y a quand même des choses qui ne changent pas.

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Sibylle LAURENT

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