Que signifie "l'identité heureuse", thème de campagne cher à Alain Juppé ?

Publié le 14 septembre 2016 à 6h26
Que signifie "l'identité heureuse", thème de campagne cher à Alain Juppé ?
Source : FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

DEFINITION - Raillé par ses adversaires pour cette vision jugé trop optimiste ou naïve de l'avenir, Alain Juppé défendait ce mardi soir, à Strasbourg, son "identité heureuse". Mais que recouvre cette formule et quel est son objectif ?

C'est le fil rouge de la campagne d'Alain Juppé, lancé depuis deux ans dans la bataille pour la présidentielle. Il lui consacre un discours mardi soir à Strasbourg. "L'identité heureuse", le slogan politico-philosophique du maire de Bordeaux, est si efficace qu'il aura forcé plusieurs concurrents à la primaire à se positionner par rapport à lui au cours des dernières semaines. Ainsi, Bruno Le Maire s'en est pris à "l'immobilité heureuse" de son aîné. Quant à Nicolas Sarkozy, il a cru bon de le coucher noir sur blanc dans son dernier livre, Tout pour la France : "Il n’y a pas d’identité heureuse tant qu’on ne réaffirme pas que l’identité de la France est toujours plus importante que les identités particulières." Puis : "Il n’y a pas d’identité heureuse lorsqu'on accepte des accommodements 'raisonnables' par souci prétendu d’apaisement…", lançait-il en référence aux débats sur la laïcité et l'islam. Fustigé par l'aile droite des Républicains pour sa "naïveté", Alain Juppé persiste et signe. Mais que recouvre cette formule ?

D'où vient-elle ?

Dans une contribution à un ouvrage collectif publié en septembre 2014, Les 12 travaux de l'opposition, nos projets pour redresser la France, Alain Juppé publiait un chapitre consacré à "l'identité heureuse". Déjà candidat à la primaire de la droite et du centre, le maire de Bordeaux y proposait une définition de l'identité française prenant le contrepied des débats du quinquennat Sarkozy - et notamment celui de l'assimilation -, appelant à comprendre les liens entre certains Français et leur culture d'origine et vantant la diversité des origines comme une richesse pour la société française. La formule faisait référence à L'identité malheureuse, l'ouvrage polémique d'Alain Finkielkraut paru en 2013 et décrivant la France comme une "auberge espagnole", et mettant en cause l'impact de l'immigration sur la société française. Avec sa formule en contrepied, Alain Juppé a rouvert volontairement le débat sur l'identité nationale. 

Le contrepied de Nicolas Sarkozy

Au-delà de l'ouvrage d'Alain Finkielkraut, l'objectif d'Alain Juppé était de viser directement le bilan du quinquennat de Nicolas Sarkozy, et notamment les débats engendrés par la création du ministère de l'Identité nationale sous la houlette d'Eric Besson. Plus généralement, l'optique d'Alain Juppé était de prendre à revers le pessimisme affiché de Nicolas Sarkozy, perçu comme une forme de repli sur soi. Voici comment il défendait son argumentaire sur son blog en mai dernier :

Je refuse d’avoir l’identité malheureuse, frileuse, anxieuse, presque névrotique. Pour moi , identité ne rime pas avec exclusion ni refus de l’autre. Je veux faire rimer identité avec diversité et unité : respect de notre diversité, affirmation de notre unité
Alain Juppé

Plus il est critiqué pour cette formule, plus il persiste. D'ailleurs, Alain Juppé a fait sa rentrée politique et lancé sa campagne, fin août, avec ce mot d'ordre : "N'écoutez pas les prophètes de malheur". S'il reconnaît que la France actuelle "n'est pas celle dont il rêve", le favori de la droite veut montrer qu'il se projette vers l'avenir. 

Le message à la jeunesse

Depuis le début de sa campagne pour la primaire, l'ex-Premier ministre cible tout particulièrement la jeunesse. Et pour cause : comme Jacques Chirac en 1995 - la fameuse campagne "Mangez des pommes", elle aussi résolument optimiste -, Alain Juppé surfe sur une certaine popularité en son sein. Un sondage Ifop publié par Le Monde au printemps dernier montrait que les 18-25 ans accorderaient 65% de leurs suffrages au maire de Bordeaux au second tour de l'élection présidentielle. Alain Juppé n'oublie probablement pas que son mentor, Jacques Chirac, a appuyé une partie de sa victoire de 1995 sur la jeunesse. 

Pas étonnant, donc, qu'il leur ait adressé son premier discours de campagne, à Chatou, fin août. Avec ce message, où "l'identité heureuse" ne se cantonne plus à la question de l'immigration et de l'intégration : 

Ne vous laissez pas abattre par le défaitisme des prophètes de malheur. Soyez les pionniers d’une France qui va retrouver le chemin d’une identité heureuse
Alain Juppé


Vincent MICHELON

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