Un an après l’attentat de Nice (5/5) : les enquêteurs s'interrogent sur les "indices" laissés par le tueur

par William MOLINIE
Publié le 14 juillet 2017 à 8h00, mis à jour le 14 juillet 2017 à 14h34
Un an après l’attentat de Nice (5/5) : les enquêteurs s'interrogent sur les "indices" laissés par le tueur

ENQUÊTE – LCI a pu consulter l'intégralité de la procédure judiciaire de Nice. Un an après, nous revenons sur les zones d'ombre et les progrès de l'enquête. Dans ce cinquième et dernier volet, nous nous intéressons aux multiples indices, impliquant des complices, laissés sur son téléphone dans les heures précédant son passage à l’acte. Atteint de troubles de la personnalité, Bouhlel s’est-il inventé lui-même un commando dans sa tête ? Ou a-t-il sciemment orienté les policiers vers certaines de ses connaissances pour les lancer sur une fausse piste ?

"Chokri et ses amis sont prêts pour le mois prochain." Ce SMS a été envoyé à 22h27 le 14 juillet 2016. Un SMS écrit par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel 18 minutes avant qu’il ne s’élance sur la Promenade des Anglais à Ramzi A., un dealer niçois auprès de qui il s’était procuré une arme. Message qui laisserait présager une action future. Si au début de l’enquête, les policiers ont soupçonné un autre attentat, qu’ils avaient imaginé au 15 août, un an après, aucun élément n’est venu corroborer et transformer ces soupçons en réalité.

Au contraire, la multiplication des indices laissés par Bouhlel au cours des heures précédant son passage à l’acte interrogent désormais les enquêteurs. D’abord, la photographie d’une feuille de papier retrouvée dans son mobile, sur laquelle figurent 10 numéros de téléphone, plusieurs noms et adresses. Dont certains de ceux qui sont désormais mis en examen dans le dossier, comme Chokri C., présenté par les policiers comme pouvant être un "mentor influent". Un cliché pris quelques heures avant son passage à l’acte.

"Brouiller les pistes ?"

De la même façon, plusieurs selfies versés à la procédure, pris par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel au cours des jours précédents l’attaque, le montrent souriant, notamment devant le camion, aux côtés de plusieurs individus qui finiront par être mis en examen dans le dossier. Mais sur la plupart de ces images, que nous avons pu consulter, le terroriste de Nice est le seul à regarder l’objectif du téléphone. "Il m’a pris par surprise. Il ne m’a pas demandé si j’étais d’accord. Il a rigolé, il a continué à me faire faire le tour du camion et il est parti", raconte devant le juge Hamdi Z., un proche du terroriste.

Cette accumulation d’indices laissés par le tueur de Nice laisse les enquêteurs interrogateurs. "Est-ce qu’il était tellement instable psychologiquement qu’il s’est inventé dans sa tête un commando ? Ou est-ce que tout cela est fait exprès pour brouiller les pistes et mettre à l’abri ceux qui pourraient à nouveau passer à l’acte", questionne une source proche de l’enquête. Une chose est certaine, un an après le début de l’enquête, la justice n’a pas encore répondu à cette question.

Plusieurs pistes de travail en cours

Plusieurs pistes sont toujours explorées pour tenter d’établir la présence d’un "réseau" autour de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. L’une d’entre elles s’est arrêtée en Italie. Car un an avant l’attentat de Nice, le terroriste avait été contrôlé à Vintimille, ville frontière, avec trois individus. Parmi eux, un certain Omar H., qui lui, était connu des services de renseignements pour sa proximité avec l’islam radical. Pour l’heure, on ne sait pas si cet homme a joué un rôle dans la radicalisation du terroriste ou l'inspiration de son passage à l'acte.

Autre élément inquiétant, au cours d’écoutes téléphoniques ciblant son entourage,  et dont LCI s’est procuré les retranscriptions, les enquêteurs ont surpris une conversation de l’un d’entre eux faisant référence à un mystérieux "groupe d’Allah" alors qu'il découvrait dans Nice-Matin des noms de complices. "Le groupe d’Allah, ils sont sur le… sur le truc… sur le journal", lâche cet homme de 57 ans au téléphone à son interlocutrice. Cette dernière précise qu’il "y a certains dont ils ne parlent pas du tout dans leur discours". 

Cette discussion surprise par les policiers de la Sdat laisse envisager la présence d’un groupe d’individus radicalisés dans l’entourage du tueur de Nice, ce qui à l’heure actuelle n’a toujours pas été prouvé dans le dossier. "On a bon espoir que l’enquête tire d’autres ficelles. Qu’en prison, par exemple, les langues se délient et que l’on remonte d’autres filières, par exemple", conclut une source proche de l’enquête.


William MOLINIE

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