Redoine Faïd, braquo "repenti" : le grand illusionniste

par Maud VALLEREAU
Publié le 28 février 2016 à 10h00
Redoine Faïd, braquo "repenti" : le grand illusionniste

GRAND BANDITISME – Il se disait braqueur repenti. Il comparaît mardi devant la cour d'assises de Paris pour tentative de braquage en état de récidive aux côtés de sept autres personnes. Redoine Faïd est soupçonné d'être le cerveau de l'opération commando qui projetait d'attaquer un fourgon blindé le 20 mai 2010. Projet avorté qui s'est achevé en fusillade au cours de laquelle la policière municipale Aurélie Fouquet a perdu la vie.

Sur sa fiche Wikipedia, il est écrit "braqueur français spécialisé dans les attaques de fourgons blindés". Il a eu droit à sa fiche Interpol "Wanted" avec photo en noir et blanc sur fond rayé, comme les bandits américains. Et quantité d'articles sur sa spectaculaire évasion de la prison de Sequedin il y a trois ans. Il doit être content, Redoine Faïd, de lire tout ça. Il a bossé dur pour en arriver là. A désiré plus que tout cette "ascension sociale dans le monde de la délinquance". Et s'y est attelé tôt, "en autodidacte", certifie-t-il. La légende qu'il s'est fabriquée dit qu'à six ans, il volait déjà des chariots de bonbons chez Cora. Qu'à neuf, il dévalisait avec son frère l'école maternelle de Creil où la fratrie Faid a grandi. Et qu'un peu plus tard, il cambriolait des magasins. 80, selon ses estimations.

Son "école du gangstérisme" à lui, c'est le cinéma. Pas les "Pretty woman ou les films romantiques" mais ceux "qui parlent aux voleurs" : Scarface, Point Break, Reservoir Dogs. Il les visionne mille fois. Se fait appeler "Doc", en référence au personnage incarné par Steeve McQueen dans Guet-apens. Puis un jour, à Villepinte, il braque un fourgon avec un masque de hockeyeur comme les malfaiteurs de Heat. "Clin d'œil" au réalisateur Michael Mann. Il admire Jacques Mesrine et se prend même un peu pour lui. Avec sa bande, ils se qualifient de "gentlemen braqueurs". L'anecdote fait sourire quelques flics qui se souviennent plus volontiers de ses vols ultra-violents et intimidations peu glorieuses.

Repenti provisoire

Convoi de fonds, banque, prise d'otages, bijouterie, trois ans de cavale en Suisse et en Isräel, dix ans de mitard... On dirait que Redoine Faïd a tout fait, tout vu, tout vécu. Si l'on connaît si bien son œuvre criminelle, c'est qu'il l'a racontée en 2010 dans un livre d'entretiens avec le journaliste Jérôme Pierrat et dans lequel il explique s'être rangé des voitures. Il court alors les plateaux télé pour assurer sa promotion. "Je suis jeune mais j'ai préféré prendre ma retraite. Mes vieux démons ne sont pas endormis mais morts", jure-t-il dans nos colonnes. Les policiers le surnomment ironiquement "l'Ecrivain".

C'est en 2010 aussi qu'une équipe de malfaiteurs, dérangés dans leur projet de braquage, ouvre le feu sur des policiers municipaux de Villiers-sur-Marne. Aurélie Fouquet, 26 ans, maman d'un petit garçon, est tuée. Première policière municipale à perdre la vie dans l'exercice de ses fonctions. Si Redoine Faïd ne semble pas impliqué directement dans l'homicide, les enquêteurs soupçonnent le gangster retraité, reconverti en bête médiatique, d'être le "cerveau" du braquage avorté. "C'est lui qui menait la danse. Le jour de la fusillade, il devait attendre le reste de la bande dans un autre véhicule près du lieu initial où était prévu le coup. Mais le plan ne s'est pas passé comme prévu", nous explique une source policière. Les enquêteurs forgent leur conviction sur les images de vidéosurveillance enregistrées la veille du drame dans une station essence. Redoine Faïd est filmé au volant d'une Megane volée qui semble ouvrir la route à un fourgon et au Renault Trafic utilisé au cours de la fusillade. Il est mis en examen pour tentative de braquage et association de malfaiteurs en état de récidive. Et est également soupçonné dans une nouvelle attaque de fourgon blindé à Arras en mars 2011.

"Prédateur social"

Jérôme Pierrat, lui, ne croit pas en la double vie du gangster repenti. Dans un reportage de Sept à Huit, le journaliste explique qu'en 2010, Redoine Faïd travaillait régulièrement avec lui à l'écriture du livre : "Il a alors un emploi du temps très chargé, de monsieur tout-le-monde. La vie de truand est chronophage, c'est un boulot à plein-temps. Ça ne colle pas avec les affaires qu'on lui reproche". Dans la fusillade de Villiers-sur-Marne, "on souhaite lui prêter un rôle de pseudo-organisateur qui n'est absolument pas le sien, abonde son avocate Rajae Izem interrogée par metronews. Redoine Faïd n'est pas non plus un tueur de flics contrairement à ce que beaucoup voudraient faire croire". Une source proche du dossier estime à l'inverse que "son passage médiatique lui a permis de donner le change et de détourner l'attention". 

Le psychiatre qui a expertisé Redoine Faïd le décrit comme un homme "doué pour la manipulation". "C'est un prédateur social, il utilise les qualités de sa personnalité - charme, charisme, intelligence... - pour contrôler les autres et obtenir ce qu'il souhaite". En 2013, le détenu modèle de la prison de Sequedin a refait la une de l'actualité. Une évasion spectaculaire, violente, explosive. Sa fin de cavale, un peu moins : au bout de six semaines, il s'est fait cueillir dans son sommeil dans un B&B Hôtel de Pontault-Combault. Trois années en arrière, Redoine Faïd jurait pourtant devant les caméras de télévision à qui voulait l'entendre : "S'échapper de prison, aujourd'hui, c'est impossible". Parole de braquo.

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Maud VALLEREAU

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