Cannes 2014 – Julie Gayet : "En France, on ne doit pas abandonner un cinéma intelligent"

par Jennifer LESIEUR
Publié le 20 mai 2014 à 0h02
Cannes 2014 – Julie Gayet : "En France, on ne doit pas abandonner un cinéma intelligent"

BUSINESS – Il est bon de se souvenir que Julie Gayet est actrice et productrice. Elle est à Cannes pour fêter l'envol réussi d'Ezekiel Film Production, un nouvel acteur de la production cinématographique internationale, qui a notamment soutenu "Sils Maria" d'Olivier Assayas, en compétition officielle cette année. Rencontre.

Avec Ezekiel Film Production, vous lancez une "structure innovante et active qui permet aux financiers et aux artistes de se rencontrer pour promouvoir une nouvelle façon de faire du cinéma..." De quoi s'agit-il ?
Aujourd'hui, il est de plus en plus difficile pour un cinéma dit d'auteur, qui pourrait toucher le grand public, de se financer. Depuis un an, le cinéma doit se réinventer face au numérique, à la télévision connectée... Puis il y a eu le rapport Bonnell qui expliquait que l'arrivée des fonds privés allait devenir une évidence dans le cinéma français. Je m'en suis rendue compte en parallèle. Quand j'ai commencé à produire, c'était pour aider les auteurs à réaliser leur film. D'abord en tant qu'actrice, puis j'ai voulu aller plus loin, en les aidant aussi à trouver une salle de projection, un distributeur... C'est un procédé assez long, mais les fonds privés ne sont pas très habituels en France alors qu'aux Etats-Unis, c'est courant.

Votre associé, le banquier libanais Antoun Sehnaoui, en sait quelque chose...
Antoun Sehnaoui a fait ses études dans la même université américaine que Georges Lucas. Lors de notre rencontre, on s'est dit qu'on pouvait éclairer les financiers sur ce qui paraît évident sur des blockbusters mais compliqué sur du cinéma d'auteur. Cette société, c'est ma première expérience de conseil pour financiers. De leur proposer du sur-mesure, et de mutualiser sur plusieurs projets plutôt que de mettre de l'argent sur un seul film parce qu'on a un coup de cœur. Ezekiel Films Productions, c'est une société qui vient en amont, tout au début des films pour des producteurs qui veulent un projet un peu fou, comme Olivier Assayas qui décide de faire un film en langue anglaise...

Sils Maria , qui est en compétition cette année...
Oui, le fait qu'il soit en anglais est difficile à monter en France. En même temps, il y a des têtes d'affiche comme Juliette Binoche et Chloe Moretz, le film est absolument magnifique, et c'est une grande joie qu'il soit en compétition. Mais qu'Ezekiel se soit trouvé là tout au début du projet donne une assurance au producteur. Il y a une loi en France qui détermine qu'il faut 60% de fonds publics et 40% de fonds privés pour un premier long-métrage, sinon c'est 50-50. L'idée, c'est aussi d'avoir un autre interlocuteur que les habituels que sont les distributeurs, les chaînes de télévision... Notre prochain film sera celui de Ziad Doueiri, qui avait réalisé L'Attentat, puis un film d'animation.

Quel regard avez-vous sur l'avenir du cinéma français ?
Moi, j'aime la diversité du cinéma français. Regardez le cinéma italien, qui était autrefois l'un des plus grands d'Europe. Un jour, ils ont cessé de produire leur cinéma national, et au final le cinéma italien s'est effondré et c'est très difficile pour eux aujourd'hui. En France, il faut rester vigilant et ne jamais abandonner un cinéma intelligent, un cinéma national.

Quels sont vos genres de prédilection ?
J'ai une carrière assez large, j'ai fait des films d'auteur, des films plus commerciaux, des comédies... C'est pareil en musique, j'aime autant la musique classique que le reggae, le jazz... J'aime aussi cette diversité dans le cinéma, et c'est pour ça que si un financier fait appel à moi, je peux écouter ses désirs, traduire ses envies et trouver les producteurs vers lesquels il pourrait se tourner. En tant que comédienne, j'essaie de comprendre le fantasme du réalisateur et de jouer, d'être dans la tête des auteurs – j'ai fait ça toute ma vie...

Et réaliser un jour vous-même ?
(Sans hésitation) Non, non, pas du tout. J'ai une trop grande estime pour les réalisateurs. Là, je travaille justement sur les femmes réalisatrices, je vais voir cette semaine L'Insoumise d'Asia Argento.

Avez-vous le temps de voir des films pendant cette quinzaine ?
Oui, c'est mon métier et ma passion, j'essaie d'en voir le plus possible. Toujours l'attrait de la diversité : Cannes, c'est un tour du monde, on voit des films du monde entier... Un coup de cœur ? Je préfère ne pas en parler. Mais j'avoue avoir pleuré en regardant Party Girl , je l'ai trouvé magnifiquement fait, incroyable, impressionnant.

Qu'avez-vous en chantier ces temps-ci ?
Je vais tourner avec Denis Ménochet un film de Philippe Muyl, c'est une belle histoire d'amour entre une jeune pianiste qui va rencontrer un jeune type illettré et lui apprendre à lire. C'est un très beau film.

Jane Campion vous propose un rôle, vous répondez quoi ?
Oh, j'aimerais bien ! (Rires.)


Jennifer LESIEUR

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