Des Yamakasi se livrent : "Sur du béton, tu n’as pas le droit à l’erreur"

par Capucine MOULAS
Publié le 20 octobre 2016 à 22h05
Des Yamakasi se livrent : "Sur du béton, tu n’as pas le droit à l’erreur"
Source : CM/LCI

PARKOUR – Alors que le parc zoologique de Paris célèbre le mouvement des animaux pendant les vacances de la Toussaint, des "traceurs" qui pratiquent la discipline des Yamakasi nous ont raconté leur art martial, entre sport et danse animale.

À quelque deux mètres du sol, Clément est accroupi au bord d’un mur, ses longues dreads domptées par un bandeau noir. La posture chaloupée, les déplacements qui n’épargnent ni mains, ni pieds, la précision des bonds… quand il est en plein parkour, ce "traceur" esquisse les mouvements de son animal fétiche, le singe. Près de lui, Tony, un autre "Yamakasi", exécute un salto arrière en appui sur une paroi. Pour eux, tout est terrain de jeu.

"Imagine un labyrinthe, tu traces un trait rouge qui le traverse en ligne droite. Le trait rouge, c’est nous."
Tony, cascadeur professionnel et "traceur"

Le parc zoologique de Paris, où LCI les a rencontrés, ne fait pas exception. À l’occasion des journées Animouv’ qui célèbrent le mouvement animal du 20 octobre au 2 novembre, ces sportifs atypiques descendent de leurs traditionnels buildings pour faire connaître leur art martial. "Imagine un labyrinthe, tu traces un trait rouge qui le traverse en ligne droite. Le trait rouge, c’est nous", résume Tony qui a "caché" ses activités d’aventurier urbain lors de l’émission Secret Story en 2015.

Le parkour est né simplement, discrètement dans les années 1990. "Pour les fondateurs, c’est le fait d’être parti quelque part et de recevoir un appel de ta mère qui te dit que tu dois rentrer à telle heure, que quelqu’un t’attend, que tu es pressé et que tu dois rentrer vite", raconte Clément en rangeant les tapis d’entraînement. "C’est aussi : ‘Il y a les flics, il faut tracer’", sourit Tony. Du simple fait de franchir des obstacles, une vraie philosophie du déplacement est née quoique "dans le secret" jusqu’en 2001.

CM/LCI
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La sortie du long métrage Yamakasi, réalisé par Julien Seri et Ariel Zeitoun, a été une révélation. Clément avait alors 17 ans. Déjà familier de l’escalade et de la gymnastique, ce fin gaillard du Val d’Oise a commencé à "crapahuté seul", avant de tracer sa route auprès d’adeptes plus expérimentés. Tony, qui se passionnait de hip-hop, a quant à lui trouvé dans le parkour "une façon de s’exprimer autrement", avant de rencontrer les (vrais) Yamakasi près de huit ans après la sortie de leur film.

Un jeu dangereux

En ville comme à la campagne, ces baroudeurs toujours en mouvement volent désormais d’immeubles en rampes d’escalier et de branches en rochers jusqu’à ce que "le corps bloque". Côté légalité, les traceurs sont peu soucieux. "Certains sont étonnés et nous font des réflexions quand on grimpe un immeuble mais le Code pénal ne l'interdit pas", raconte sereinement Tony. La discipline a donc de quoi plaire aux amoureux de la liberté, mais elle n’est pas sans risque. Cicatrices, foulures, cassures et bobos en tous genres font partie du jeu. Une chute peut être fatale. Les traceurs le savent bien.

"Il faut apprendre à gérer sa peur et son égo, se pousser face à cette peur", prêche Clément d’une voix calme. Tony, aujourd’hui cascadeur passionné, ajoute : "J’utilise la peur. C’est en danger que je me sens vivant". Mais les traceurs sont loin d’être de simples casse-cou. Pour l’assurance et l’agilité, il s’agit d’apprendre à devenir instinctif, animal. Fasciné par le puma, le jaguar, le singe ou encore le lémurien, Tony illustre : "Lorsqu’ils atterrissent, les chats savent se réceptionner sur leurs pattes". 

L’instinct animal

Entre quelques discrètes cicatrices, un grand singe tatoué trône sur le dos de Clément, près d’un arbre d’encre au tronc solide. Parce qu’aux tapis de l’entraînement, les traceurs préfèrent toujours l’extérieur. "Sur du béton, tu n’as pas le droit à l’erreur", insiste-t-il. "Dehors, on est concentrés sur ce qu’on fait et c’est généralement sur un tapis que les catastrophes arrivent". Pour lui, le parkour en extérieur est même devenu comme un réflexe.

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"Quand tu marches, tu ne penses plus à tes pieds", compare-t-il en faisant quelques pas. "Pourtant ton cerveau sait qu’il faut éviter les cailloux et poser ton pied de cette manière". Car dans le parkour, tout est question d’adaptation à son environnement. "Je fais 63 kg tout mouillé, je serai plus à l’aise suspendu aux branches. Alors que quelqu’un en surcharge pondérale aura plus de poids à porter mais aura peut-être plus de puissance pour rouler au sol", explique le sportif qui enseigne son art aux plus jeunes. Pour tenir sur la durée, "on se crée une armure physique et mentale", constate-t-il. Le but, résumé en une devise chère aux traceurs : "Être et durer".

Laissez-vous tenter par le parkour et suivez ces yamakasis en herbeSource : JT 20h Semaine
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