Après s'être rapproché de Taïwan, Donald Trump s'attaque à la Chine

par Alexandros KOTTIS
Publié le 5 décembre 2016 à 10h05
Après s'être rapproché de Taïwan, Donald Trump s'attaque à la Chine

TENSIONS – Deux jours après s’être entretenu avec la présidente de Taïwan, rompant ainsi avec 40 ans de diplomatie américaine, Donald Trump s’en est directement pris à la Chine sur Twitter, dimanche 4 décembre.

Une critique formelle et publique, sur son réseau social préféré. Habitué des sorties controversées et provocatrices, Donald Trump a franchi dimanche 4 décembre une nouvelle étape dans ses prises de positions. Et c’est au tour de la Chine de se retrouver au centre de ses attaques.

"Est-ce que la Chine nous a demandé si c’était OK pour nous qu'elle dévalue sa monnaie (rendant la compétition plus difficile pour nos sociétés), taxe lourdement nos produits importés dans leur pays (les Etats-Unis ne les taxent pas) ou qu'elle bâtisse un vaste complexe militaire en mer de Chine du sud ? Je ne crois pas !" a tweeté le président élu.

En s’en prenant ouvertement à l'Empire du Milieu sur sa politique économique - quelques mois après avoir accusé le pays asiatique d'être à l'origine d'un "hoax" sur le réchauffement climatique, Donald Trump jette le trouble sur l'avenir des relations diplomatiques entre les deux pays.

"Une seule Chine" ?

D'autant que cette sortie s’inscrit dans un contexte tendu entre les deux puissances, deux jours après que Donald Trump a accepté un appel téléphonique de la présidente de Taïwan, un pays dont l'indépendance n'est pas reconnue par la Chine. Cet entretien, officiellement pour féliciter Trump de sa victoire à la présidentielle, constitue une première depuis 1979, et a fortement déplu à Pékin.

Car depuis 40 ans, Washington a toujours soutenu la politique d'"une seule Chine", ce qui l'a conduit à rompre ses relations diplomatiques avec Taïwan, territoire insulaire doté d’un gouvernement indépendant depuis 1949. Cette discussion peut-elle s’entendre comme les prémices d’une reconnaissance de l’Etat taïwanais, bousculant la stabilité diplomatique entre la Chine et les Etats-Unis ?

S’il est pour l’heure difficile de prévoir la volonté de Donald Trump en matière de politique internationale, ces dernières sorties ont le don de susciter de nombreuses réactions, traduisant la tension ambiante.

Une tendance à offenser

Ce samedi, au lendemain de l’entretien téléphonique, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a informé que la Chine avait protesté auprès de Washington, rappelant que le principe de "la 'Chine unique' est la base politique des relations entre la Chine et les Etats-Unis". Mais Wang Yi s’était voulu rassurant, expliquant que Donald Trump et Xi Jinping avaient envoyé un "signal très positif sur le développement des relations" bilatérales, et pointant la responsabilité de Taïwan. 

Après les tweets virulents de dimanche soir, doit-on s’attendre à une nouvelle tentative d’apaisement du ministre chinois ? A en croire Christopher Hill, ancien secrétaire d’Etat en Asie de l’est et du Pacifique, les tweets de dimanche soir vont rendre "la Chine furieuse". "C’est un exemple de ce qu’il va régulièrement se passer avec cette nouvelle administration, cette tendance à offenser", s’est inquiété ce connaisseur de la région.

Dans le camp du président élu, on s’est attaché tout le week-end à minimiser la conversation entre la présidente taïwanaise et Donald Trump. Il ne s'agissait de "rien de plus" qu'une conversation de courtoisie, a souligné Mike Pence, le futur vice-président, tandis que la directrice de campagne de Trump appelait à ne pas se projeter sur les intentions du 45e président des Etats-Unis. "A ce stade, ce n'était qu'un coup de fil [...] Quand il aura été investi commandant en chef, il exposera clairement la totalité de ses intentions. Les gens ne devraient pas surinterpréter la chose", a déclaré Kellyanne Conway.

Conflit d'intérêts

Loin de surinterpréter, le New York Times expliquait le même jour que ce rapprochement diplomatique avec Taïwan pourrait être lié à des motivations personnelles. Le quotidien américain révèle en effet que la Trump Company serait très intéressée par un pharaonique projet de réorganisation urbaine, "le plus gros projet de développement dans l’histoire de Taïwan". 

Le Taoyuan Aerotroplis, entamé en 2014 et évalué à plusieurs milliards de dollars, cherche aujourd’hui des investisseurs pour mener à bien ses travaux. La Trump Company serait très intéressée, et aurait envoyé une représentante en septembre, informe le NYT. La politique du futur président serait-elle guidée par les intérêts privés du milliardaire ?

La très attendue nomination du futur secrétaire d’Etat devrait donner de sérieuses indications sur les intentions du 45ème président américain. Les cinq prétendants au poste, confirmés dimanche par Mike Pence, sont l'ancien maire de New York Rudy Giuliani, l'ancien candidat à la présidentielle Mitt Romney, l'ancien directeur de la CIA le général David Petraeus, le sénateur Bob Corker et l'ancien ambassadeur à l'ONU John Bolton.

Il s’agira alors d’exposer clairement les contours de la future diplomatie américaine, dont les fondements ne cessent d’être bousculés par Donald Trump.


Alexandros KOTTIS

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