Eglises et hôtels attaqués au Sri Lanka : ce que l’on sait

Publié le 24 avril 2019 à 16h49

Source : JT 13h Semaine

ATTAQUES – En ce dimanche de Pâques, huit attaques ont été perpétrées contre des hôtels et des églises au Sri Lanka. Selon un bilan encore provisoire, plus de 350 personnes ont perdu la vie dont 45 enfants et adolescents. Les autorités gouvernementales en sont certaines : c'est le mouvement islamiste local, le National Thowheeth Jama'ath (NTJ) qui est à l'origine des attaques suicides et l'Etat Islamique a revendiqué ces attaques. On fait le point sur la situation.

Ils se rendaient à la messe de Pâques, comme de nombreux catholiques de par le monde. Le Sri Lanka a été le théâtre ce dimanche d’attaques meurtrières perpétrées contre des hôtels et des églises. Plus de 350 morts dont 45 enfants et adolescents sont à déplorer. Face à la menace terroriste, le gouvernement de ce pays insulaire situé au sud de l'Inde, dans l'océan Indien, a décrété un couvre-feu et le blocage temporaire des réseaux sociaux - afin d'éviter la propagation de fausses nouvelles. 

Les vols intérieurs ont par ailleurs été suspendus dans ce pays qui compte 1,2 million de catholiques romains et 270.000 chrétiens, selon un rapport de 2012 du département du recensement et des statistiques sri lankais. Voici ce que l’on sait de ces attaques sanglantes qui ont révulsé le monde entier : 

Que s’est-il passé ?

Plusieurs explosions meurtrières sont survenues dimanche matin 20 avril au Sri Lanka. A Colombo, la capitale, trois hôtels de luxe (Kingsbury, Shangri-La et Cinnamon Grand) ainsi que l’église Saint-Anthony ont été visés. Deux autres églises, localisées respectivement à Negombo (au nord de Colombo) et à Batticaloa (est de l’île) ont également été frappées. 

Quelques heures plus tard, deux nouvelles explosions sont survenues. L'une a touché un hôtel de Dehiwala, banlieue sud de Colombo. Une autre s'est produite dans une maison d'Orugodawatta, banlieue nord de la capitale, où un kamikaze s'est fait exploser lors d'une opération policière. Un quatrième hôtel était visé mais l'attentat a échoué. 

Au Cinnamon Grand Hotel de Colombo, situé près de la résidence officielle du Premier ministre, un Sri-Lankais, qui s'était enregistré à l'hôtel la veille sous le nom de Mohamed Azzam Mohamed, a enclenché sa bombe dans la file de clients, venus profiter d'un buffet de Pâques dans un restaurant de l'établissement.

"Il était huit heures 30 du matin. Il y avait beaucoup de familles", a raconté à l'AFP un employé. "Il est allé au début de la queue et s'est fait sauter", a-t-il ajouté. "Un manager qui accueillait les clients fait partie de ceux qui ont été tués sur le coup (...) C'était le chaos.", précise-t-il.

À l'hôtel Shangri-La, situé à proximité, un photographe de l'AFP a constaté d'importants dégâts dans un restaurant au second étage: les vitres ont été soufflées, des fils électriques pendaient du plafond. Le ministre des Réformes économiques Harsha de Silva a fait état de "scènes horribles" à l'église Saint-Antoine et dans deux des hôtels visés où il s'est rendu. "J'ai vu des morceaux de corps éparpillés partout", a-t-il tweeté.

Gabriel, un chrétien sri-lankais d'une trentaine d'années, a eu son frère blessé dans l'attaque de l'église Saint-Sébastien de Negombo, localité située à une trentaine de kilomètres au nord de la capitale et surnommée "la petite Rome" pour ses nombreuses églises. "Mon frère était à la messe du matin, lorsque l'explosion s'est produite. Un bout du toit est tombé sur lui et il saignait abondamment de l'oreille", a-t-il raconté à l'AFP. Une vidéo prise dans l'une des églises touchées montrait de nombreux corps recroquevillés, le sol jonché de décombres et couvert de sang, les murs grêlés par les éclats. La violence de l'explosion a soufflé des parties du toit, laissant entrevoir le ciel.

Quel bilan ?

Depuis l’annonce du drame ce dimanche matin, le bilan n’a eu de cesse de s’aggraver. On dénombre ce mardi 321 morts dont 45 enfants et adolescents ainsi que plus de 500 blessés. Parmi les victimes, 39 étrangers. Tous n'ont pu être identifiés pour l'heure. "Certains des corps sont mutilés et il est compliqué de les identifier", a déclaré à l'AFP un responsable des Affaires étrangères. "Il y a beaucoup de personnes blessées dont certaines dans un état critique", a ajouté cette source. 

Parmi les nationalités étrangères touchées, l'Inde paie le tribut le plus lourd avec dix citoyens tués, suivie de la Grande-Bretagne avec six morts. Au moins quatre Américains sont morts et plusieurs autres grièvement blessés, selon le département d'État. Madrid a annoncé la mort de deux Espagnols et les Pays-Bas ont fait part de trois Néerlandaises tuées. Ce mardi, les médias britanniques évoquent huit de leur ressortissants décédés. Mike Pompéo a annoncé, ce dimanche en fin d'après-midi que "plusieurs" américains avaient été tués lors de ces attentats et le ministre des affaires étrangères danois évoque trois de ses ressortissants tués. 

Trois des quatre enfants du milliardaire danois Anders Holch Povlsen, qui était en vacances au Sri Lanka avec son épouse, ont été tués. La Chine, l'Arabie saoudite, la Turquie, le Portugal, l'Australie et le Bangladesh font notamment partie des nations touchées, selon le ministère des Affaires étrangères sri-lankais.

Des attaques terroristes en représailles à l'attentat de Christchurch ?

Ce lundi 22 avril, le gouvernement a indiqué que les attaques suicides étaient l'oeuvre du NJT, National Thowheeth Jama'ath. Il y a dix jours, le chef de la police nationale, Pujuth Jayasundara, avait donné l’alerte en affirmant que le NTJ projetait "des attentats suicides contre des églises importantes et la Haute commission indienne".  

Huit personnes ont été arrêtées en lien avec la vague d'attaques, a annoncé d'abord le Premier ministre. Plus tard, la police a parlé de treize hommes interpellés, appartenant tous au même groupe radical, puis de 24 personnes arrêtées et enfin de quarante personnes.

Le NTJ (National Thowheeth Jama'ath) s'était fait connaître l'an passé en lien avec des actes de vandalisme commis contre des statues bouddhistes. "Nous devons aussi examiner les raisons pour lesquelles les précautions adéquates n'ont pas été prises", a dit le Premier ministre. Il a ajouté que la première des priorités du gouvernement était d'"appréhender les terroristes". "Avant toute chose nous devons nous assurer que le terrorisme ne se manifeste pas au Sri Lanka", a-t-il dit. 

L'Etat Islamique revendique l'attaque

Ce mardi 23 avril, le vice-ministre de la Défense a déclaré que selon "les premiers éléments de l'enquête sur les attentats qui ont fait plus de 300 morts au Sri Lanka, notamment dans des églises, montrent qu'ils ont été commis en représailles au carnage des mosquées de Christchurch en Nouvelle-Zélande". "Les investigations préliminaires ont révélé que ce qui s'était passé au Sri Lanka avait été commis en représailles à l'attaque contre les musulmans de Christchurch", a déclaré devant le Parlement Ruwan Wijewardene, en référence à l'attaque qui a fait 50 morts le 15 mars dans deux mosquées de la grande ville du sud de la Nouvelle-Zélande.

A la mi-journée, l'Etat Islamique, via son agence de propagande Amaq a revendiqué les attentats. "Les auteurs des attaques ayant visé des ressortissants des pays de la Coalition (anti-EI) et les chrétiens au Sri Lanka avant-hier sont des combattants de l'EI", a annoncé le groupe jihadiste sur son agence de propagande Amaq.   

Où en est l'enquête ?

Les autorités ont admis mercredi 24 avril, une "défaillance" de l'État en matière de sécurité. "Il y a clairement eu une défaillance de la communication de renseignements (...) Si l'information avait été transmise aux bonnes personnes, cela aurait pu permettre d'éviter ou minimiser" ces attentats, a reconnu le vice-ministre de la Défense.

Au cours d'une conférence de presse organisée ce mardi 23 avril, le Premier ministre Ranil Wickremesinghe a reconnu que "le pays aurait pu éviter ces attaques - ou du moins, réduire leur nombre". Tous les poseurs de bombes n'ont pas été identifiés, selon lui. Il a ajouté que toutes les personnes arrêtées étaient de nationalité srilankaise, précisant que d'autres suspects étaient encore en fuite, armés et dangereux car en possession d'explosifs. Le Premier ministre a également indiqué qu'un quatrième hôtel était visé mais que l'attentat a échoué. 

Deux frères sri-lankais islamistes, figurant parmi les kamikazes, ont joué un rôle-clé dans les attentats de dimanche dans l'île, a indiqué la police  l'AFP. Les deux frères, âgés entre 20 et 30 ans, dont les noms n'ont pas été révélés, étaient d'origine aisée et fils d'un riche commerçant d'épices. Selon les policiers, ces suspects, qui sont morts dans les attaques, dirigeaient une "cellule terroriste" familiale et jouaient un rôle-clé au sein du NTJ.

Les enquêteurs ignorent toutefois encore si les attaques sont le fait de cette seule "cellule", ou d'équipes séparées mais coordonnées. On ne sait pas en l'état si ces frères étaient en contact avec les autres kamikazes. Samedi, les deux frères ont chacun pris une chambre dans les hôtels de luxe Cinnamon Grand et Shangri-La, situés face à la mer à Colombo. Ils se sont fait exploser dans leur hôtel respectif le lendemain matin au buffet du petit-déjeuner, à peu près au même moment. 

Si l'un des deux frères avait donné de faux détails sur son identité lors de son enregistrement à la réception de l'hôtel, l'autre avait en revanche inscrit sa véritable adresse. Cela a guidé la police jusqu'à leur résidence familiale à Orugodawatta (nord de Colombo), quelques heures seulement après les explosions. "Lorsque les forces spéciales sont allées là-bas pour enquêter, la femme d'un des frères a actionné des explosifs, se tuant avec ses deux enfants", a déclaré un responsable policier. Trois commandos de la police ont également péri dans la déflagration, qui a causé l'effondrement du plafond. "C'est une cellule terroriste opérée par une famille", a indiqué un autre enquêteur. "(Les frères) avaient l'argent et la motivation. Ils dirigeaient la cellule et on suppose qu'ils influençaient le reste de leur famille."

Plusieurs membres de cette famille se trouvent actuellement aux mains de la police. L'enquête veut déterminer s'il y a eu une influence étrangère dans la radicalisation et comment deux jeunes hommes de famille aisée sont arrivés à prendre part à ces attentats. La police britannique a, pour sa part, envoyé des agents spécialistes du contre-terrorisme. Ainsi que le FBI, comme l'a indiqué Alaina Teplitz, ambassadrice américaine au Sri Lanka et aux Maldives. "Nous travaillons en collaboration avec les autorités srilankaises. Nous apportons toutes nos ressources et le FIB", a-t-elle dit à NPR.


La rédaction de TF1info

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