Burundi : un génocide se prépare-t-il à l'ombre de la communauté internationale ?

Publié le 16 novembre 2016 à 17h01
Burundi : un génocide se prépare-t-il à l'ombre de la communauté internationale ?
Source : STRINGER / AFP

DROITS DE L'HOMME – Un rapport de la FIDH publié mardi dénonce les crimes qui se déroulent au Burundi depuis le printemps 2015. En cause : la réélection du du président Nkurunziza, qui a opté pour la répression après un coup d'Etat manqué juste après le scrutin.

Conserver le pouvoir. Quitte à enclencher une dynamique génocidaire. C'est l'implacable logique orchestrée depuis un an et demi au Burundi par le président Pierre Nkurunziza, selon un rapport de Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH). Publié ce mardi, ce pavé de 200 pages illustre la "descente aux enfers" d'un pays où la crise aurait fait plus de 1.000 morts, de 300 à 800 disparus et où 8.000 personnes sont détenues pour des motifs politiques.

"Pierre Nkurunziza est prêt à tout", assure à LCI Florent Gell, responsable du bureau Afrique à la FIDH. "La donne a changé depuis le 13 mai 2015, après la tentative de coup d'Etat de l'un de ses anciens compagnons de route, Hutu comme lui. Le régime y a vu un danger majeur et a décidé d'accroitre la crise de façon ethnique : "puisqu'il y a des contestataires Hutus, trouvons-nous un ennemi commun, les Tutsis, pour nous contraindre à l'union entre Hutus."

"Disparitions forcées, exécutions sommaires à huis clos"

Très vite, la situation bascule. En particulier à partir de décembre 2015, après l'attaque de casernes militaires à Bujumbura, la capitale, par des groupes armés rebelles. "Disparitions forcées, exécutions sommaires à huis clos, lieux de détention secrets, recours aux fosses communes, crimes sexuels, musellement de la presse et des ONG", énumère le rapport, qui évoque aussi une pratique généralisée de la torture.

Pour mieux cibler sa répression, le régime aurait même décidé d'établir "un recensement ethnique au sein des administrations publiques pour distinguer les Hutus des Tutsis". Aux manettes : des forces du régime et du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, selon l'ONG. Mais aussi et surtout les Imbonerakure, à la fois organe de la jeunesse et la milice pro-pouvoir. Le rapport relève aussi des exactions commises par des groupes armés de l'opposition, notamment les Forces républicaines du Burundi (Forebu) et la Résistance pour un État de droit (RED-Tabara).

Retrait de la CPI

Pour orchestrer à sa guise ses crimes, le régime a peu à peu baisser le rideau sur le pays. "En particulier depuis le 11 décembre 2015 : il y a eu des attaques rebelles attaqués au sein de la capitale et le régime en a profité pour mener des opérations de représailles (voir vidéo ci-dessous). Il y a eu environ 150 disparitions, mais nous avons dénombré dans les rues au moins 154 exécutions d'une balle dans la tête, les victimes ayant les mains liées dans le dos. Cela a suscité une vague de contestation internationale. Le pouvoir s'est donc dit que s'il voulait continuer à réprimer, il fallait le faire à huis clos", souligne Florent Gell. 

Archives décembre 2015 - Burundi : une centaine de morts dans des quartiers contestataires de BujumburaSource : Les vidéos infos
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Le tout de pair avec un isolement croissant du régime, qui coupe les ponts avec la communauté internationale : en octobre, Bujumbura, vivement critiqué par l'Onu, a ainsi rompu toute coopération. Et, surtout, a annoncé son retrait de la Cour pénale internationale (CPI), entraînant plusieurs pays africains dans son sillage. Une décision qui ne doit rien au hasard puisque, selon la FIDH, "tous les critères et les conditions de la perpétration d'un génocide sont en place" dans ce pays déjà ravagé par une guerre civile meurtrière entre 1993 et 2005.


Thomas GUIEN

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