Centrafrique : "Réconciliez-vous !", l'appel de l'imam de Bangui

Publié le 3 mars 2014 à 16h05
Centrafrique : "Réconciliez-vous !", l'appel de l'imam de Bangui

INTERVIEW - Réfugié chez l'archevêque de la capitale centrafricaine, l'imam Kobine, président de la communauté islamique du pays, tente de promouvoir le dialogue et la paix dans un pays déchiré par une crise entre chrétiens et musulmans. Il se confie à metronews.

Depuis le début de la crise centrafricaine , musulmans comme chrétiens se sont rendu coupables d'exactions : les dénoncez-vous de la même manière ?
Certains imams rendent compte de la situation avec une vision partiale des choses : ils dénoncent seulement les violences des chrétiens contre les musulmans, sans parler de ce que la Séléka (ex-rébellion musulmane, ndlr) a fait. Mais nous ne pouvons pas faire fi de ce que la Séléka a fait, et qui suscite aujourd'hui ces réactions anti-musulmans. Quand ils étaient au pouvoir, ils n'ont pas su gérer le pays, ils ont pillé et mené des exactions. Si les musulmans centrafricains n'avaient pas opté pour un silence complice, cela n'aurait pas duré plus d'un mois. Si nous voulons la paix, il faut être impartial et condamner toutes les exactions.

Les mouvements terroristes islamiques Aqmi et Boko Haram commencent à s'exprimer sur la crise centrafricaine : redoutez-vous qu'ils en profitent pour tenter de prospérer ici ?
Si la situation insécuritaire perdure et que les frontières restent poreuses, nous craignons en effet qu'ils puissent venir en Centrafrique. Mais nous n'avons rien à voir avec eux ! Ils promettent de venger les musulmans, mais de quoi parlons-nous ? Nous musulmans ne réclamons pas la vengeance, Dieu nous recommande d'être des acteurs de la paix. Et tous les chrétiens ici ne sont pas engagés contre les musulmans, certains les protègent même dans plusieurs paroisses du pays.

Vous ne voyez donc pas cette crise comme un conflit inter-religieux ?
C'est une crise militaro-politique, pas religieuse. A la tête de la Séléka, il n'y a aucun imam ! C'est une coalition qui a été mise en place par des partis militaro-politiques qui n'ont pas bénéficié du programme de désarmement du gouvernement et de ses financements. Donc ils ont gardé leurs armes pour revendiquer leurs droits et ont fini par arriver au pouvoir. A la tête des anti-balaka (chrétiens, ndlr), il n'y pas non plus de pasteur ni de prêtre ! Aucun responsable religieux dans le pays n'a appelé à un affrontement inter-religieux : la preuve, c'est que nous sommes ensemble.

Craignez-vous néanmoins une partition du pays ?
L'islam ne recommande pas d'imposer la religion musulmane. Chacun a le droit de choisir sa religion. Donc diviser le pays pour qu'une partie soit islamique, l'autre chrétienne, non. Nous voulons un Centrafrique uni, indivisible et laïc.

Comment faire ?
Il faut dire à tous : réconciliez-vous ! Dans certains endroits, chrétiens et musulmans vivent toujours en symbiose, donc la réconciliation est possible. La réconciliation produit la paix, interdit la division, produit l'amour. Il faut désamorcer les cœurs.
 


La rédaction de TF1info

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