Google Maps : chacun sa frontière et les marchés seront bien gardés

Anaïs Condomines
Publié le 27 décembre 2016 à 13h58
Google Maps : chacun sa frontière et les marchés seront bien gardés
Source : AFP

LE DESSOUS DES CARTES - Un expert géographe affirme que le service de cartographie de Google dessine les frontières internationales en fonction de la localisation de ses internautes. L'idée ? Ménager les susceptibilités pour conquérir de nouveaux marchés.

Serait-ce de la diplomatie 2.0 ?  Dans une interview donnée à Libération le 25 décembre, l’expert géographe Jean-Christophe Victor accuse Google Maps, le service de cartographie de Google, de transformer certaines frontières en fonction des pays depuis lesquels ses pages sont consultées. L’objectif, selon le fondateur de l’émission culte d’Arte "Le Dessous des cartes" : conserver, et surtout acquérir, de nouveaux marchés, en brossant tout le monde dans le sens du poil.

"On s’est aperçu que Google Maps mentait" déplore ainsi Jean-Christophe Victor, auteur du récent ouvrage "Le Dessous des cartes Asie". "C’est très embêtant parce qu’il est de plus en plus pris comme référence. Un pays s’exprime par le positionnement de ses frontières, qui peuvent être stables ou bien en litige. Par exemple, Pékin édite des cartes d’après la vision de ses frontières avec le Japon ou avec l’Inde. New Delhi, de son côté, produit ses propres cartes. Or, Google Maps a choisi de ne pas prendre la référence internationale, que sont les cartes des Nations unies, et de s’adapter à la vision de chaque partie."

Google accepte de faire disparaître des territoires entiers pour conquérir des marchés. C’est une profonde malhonnêteté intellectuelle"
Jean-Christophe Victor

Comment a-t-il pu s’en rendre compte ? En parcourant le web à partir de l’Internet chinois par exemple, et en demandant à des référents, aux quatre coins de l’Asie, de se livrer à des expérimentations toutes simples. Résultat : certaines frontières apparaissent, d’autres sont déplacées, en fonction de la localisation de l’internaute. "On a demandé à des chercheurs chinois, japonais, indiens de faire des tests, détaille-t-il. Et on a pu voir que si vous êtes à Pékin, vous avez une certaine frontière dans l’Himalaya et qu’à Delhi, vous en avez une autre. Le même problème existe sur la représentation du Sahara occidental, du Chili, de la Crimée, d’Israël… Google accepte de faire disparaître des territoires entiers pour conquérir des marchés. C’est une profonde malhonnêteté intellectuelle."

Une manipulation déjà dénoncée à plusieurs reprises. En mars 2014, notamment, la crise de Crimée a permis de donner une illustration très concrète des frontières mouvantes de Google Maps. Alors que le gouvernement russe a annoncé, le 18 mars 2014, que la République de Crimée devenait un nouveau sujet fédéral, suite à un Référendum, on a pu voir les tracés se modifier légèrement dans Google Maps. Ainsi, la ligne bleue représentant une Crimée russe pour les internautes russes ( photo de gauche) a magiquement disparu pour les internautes ukrainiens (photo de droite) et s'est transformée en pointillés pour les Européens (ici les Français, photo du centre), n'approuvant guère cette annexion. 

Contactés, les services de Google en France n’ont pas encore répondu à notre sollicitation sur cette question. 

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