Homme de paix ou utopiste : dans la communauté juive du Marais, l'image contrastée de Shimon Peres

par Simon HENRY
Publié le 28 septembre 2016 à 15h41
Homme de paix ou utopiste : dans la communauté juive du Marais, l'image contrastée de Shimon Peres
Source : Simon HENRY

REPORTAGE - Souvent associé à la signature des accord d'Oslo en 1993, l'ancien président israélien et Prix Nobel de la Paix, décédé dans la nuit de mardi à mercredi, jouit en réalité d'une image en demi-teinte parmi la communauté juive établie dans le quartier du Marais à Paris. Entre adulation et scepticisme, les témoignages varient.

Ce mercredi matin, vers 8h, rue des rosiers dans le 4e arrondissement de Paris, l’annonce du décès de Shimon Peres, l'ancien président israélien, commence tout juste à se répandre. Mais la disparition dans la nuit de mardi à mercredi de cette figure historique, grand artisan notamment de la signature des accords d’Oslo en 1993, ne laisse entrevoir qu’une émotion mesurée dans le quartier emblématique de la communauté juive de la capitale. 

Dans une synagogue à l’abri des regards, le rabbin Alain Levy vient à peine d’apprendre la nouvelle quand nous l'interrogeons. Mais au moment de lui demander quel sentiment le traverse en ce jour funeste pour l'Etat hébreu, il ne montre aucun signe émotionnel particulier, sinon du respect pour un homme qui aura marqué l’histoire. "C’était une personne éminemment respectée, qui a œuvré pour la paix dans son pays. Après que vous-dire de plus... Il mérite d’être honoré comme il se doit", souligne-il sobrement. 

"23 ans après les accords d’Oslo, rien n'a vraiment bougé"

Devant une école élémentaire du quartier, un cercle de parents s’est formé en attendant l’ouverture de l’établissement. La mort de Shimon Peres n’est que brièvement évoquée au détour d'une discussion. Et le nom du co-Prix Nobel de la Paix 1994, n'est là encore associé qu'à un seul mot : la paix. "C’est un grand homme qui a perdu la vie. J’espère qu’il y aura des personnes à l’avenir qui auront la volonté de maintenir la flamme de l’espoir comme il a pu le faire dans le passé", confie Sacha, 46 ans. 

Las, 23 ans après les accords d’Oslo, le conflit israélo-palestinien n’a guère connu d’avancées notables. Pire, une solution peine aujourd'hui à être imaginée. La montée du terrorisme ou la création du mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie sont autant d’éléments qui ont mis fin aux quelques espoirs que Shimon Peres suscitait de son temps. "Il nous a fait rêver en incarnant cet idéal de paix. J’étais la première à y souscrire.  Mais en réalité, rien n’a vraiment bougé. Et de toute façon l’assassinat politique de Yitzakh Rabin par un juif extrémiste (ndlr : le 4 novembre 1995), qui considérait la signature de l’accord de paix comme un affront,  était un message clair pour tous ceux qui se berçaient d’illusions quant à une paix durable à propos d’un conflit vieux de 50 ans et qui ne trouvera sans doute jamais de débouchés", se désole cette jeune greffière, qui préfère s'exprimer sous couvert d’anonymat.

"Je ne l'oublierai jamais"

Bouillonnant dans son coin à mesure que la discussion s'éternise, l'une de ses amies prend soudainement la parole. Elle s’emporte : "Vous savez pourquoi de plus en plus de personnes renoncent au dernier moment à faire leur Alya (ndlr : terme désignant l'immigration des juifs en Terre sainte)  ? La raison est simple : ils ne veulent pas se mélanger avec des terroristes (ndlr : expression, qui, dans ses mots, est utilisée pour désigner les Palestiniens). Et je crois que le temps d’un  Shimon Peres est révolu. L’État d’Israël a besoin de quelqu’un qui sache tenir son pays. Pour moi, un retour en arrière n’est plus possible". 

Dans une rue perpendiculaire à la rue des rosiers, Michel tient une boucherie. Couteau à la main et prêt à dépecer sa viande, il raconte qu’il a lui-même discuté avec  Shimon Peres. C’était en Israël, "dans les années 90", lors d’une conférence sur la résolution du conflit israélo-palestinien. Un souvenir qu’il n’est pas prêt d’oublier. "J’ai été subjugué par cet homme, il dégageait quelque chose de très fort. Bien qu’il occupait un poste de ministre à ce moment-là, et qu’il n’avait pas forcément beaucoup de temps à me consacrer,  il a tout de même pris le temps de discuter. Au terme de cet échange, j’ai réalisé que c’était un homme de cœur. Comme chaque personnalité politique de premier plan, Shimon Peres a ses détracteurs, l'accusant notamment d'utopie ou de colporter constamment des belles paroles." "Mais moi en ce qui me concerne, je l’oublierai jamais", conclut-il.

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