Irak : "La bataille de Mossoul est d’une importance considérable dans la lutte contre Daech"

Publié le 17 octobre 2016 à 15h15
Irak : "La bataille de Mossoul est d’une importance considérable dans la lutte contre Daech"
Source : AFP

INTERVIEW - Attendue depuis de longs mois, la bataille de Mossoul a été lancée ce lundi matin par les forces armées irakiennes pour reprendre à Daech son principal bastion dans le pays. LCI décrypte les enjeux de cette offensive avec Karim Pakzad, chercheur à l’IRIS et spécialiste de l’Irak.

L’offensive attendue depuis de longs mois est désormais lancée. Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a annoncé ce lundi matin le début de la bataille de Mossoul, censée permettre à ses troupes, appuyées notamment dans les airs par la coalition internationale menée par les Etats-Unis, de chasser les djihadistes de Daech de leur principal bastion en Irak. LCI décrypte les enjeux de cet assaut avec Karim Pakzad, chercheur à l’IRIS et spécialiste de la région.

LCI : En quoi la bataille de Mossoul est-elle importante dans la lutte contre Daech ?

Karim Pakzad : Cette bataille est d’une importance considérable pour plusieurs raisons. D’abord, Mossoul est, après Bagdad, la plus grande ville irakienne. Trois millions de personnes y vivaient avant l’arrivée de Daech, et 1,5 million y habitent toujours aujourd’hui. C’est la cité arabe sunnite par excellence. 

Mossoul est aussi la capitale irakienne de Daech. Par sa richesse et sa position géographique stratégique, la ville est d’une importance capitale. L’offensive lancée pour la récupérer est donc déterminante. 

Doit-on s’attendre à de longs combats malgré un rapport de force qui semble déséquilibré ? 

Tout à fait. On est là face à une guerre asymétrique. Il ne s’agit pas de deux armées se faisant face, comme on a pu le connaître lors de la Seconde guerre mondiale ou lors de conflits dits "classiques". Si la force numérique et technologique de l’armée irakienne semble largement supérieure, en face, il y a quelques milliers de jeunes qui sont déterminés, animés par une idéologie extrêmement fanatique et qui n’ont pas peur de la mort. 

Les combats vont avoir lieu de maison en maison, de quartier en quartier
Karim Pakzad, chercheur à l’IRIS

Le fait que la bataille se déroule dans une ville complique la situation. Pour reprendre l’exemple de la Seconde guerre mondiale, un parallèle peut être fait avec Stalingrad, où l’armée d’Adolf Hitler avait finalement perdu malgré une force supérieure. À Mossoul aussi, les combats vont avoir lieu de maison en maison, de quartier en quartier. 

Outre la protection des civils, dont les djihadistes se servent comme boucliers humains, l’armée irakienne va devoir penser à sa propre sécurité. Daech a eu deux ans pour préparer sa défense. Des terrains, des rues, des bâtiments peuvent être minés. La progression sera donc lente. 

Comment les populations civiles perçoivent-elles le lancement de cette offensive ? 

Certains jeunes ont été enrôlés et endoctrinés par Daech. Mais, à part cette minorité, les habitants de Mossoul – même ceux qui avaient accueilli les djihadistes sous les applaudissements en juin 2014 – ont changé d’avis sur Daech. Ils ne s’attendaient pas à une vie aussi dure, une vie de terreur. Beaucoup d’entre eux ont fui la ville, malgré les champs de mines alentours, préférant risquer leur vie plutôt que de subir ce quotidien. 

Cette bataille, si elle est remportée par l’armée, peut-elle signer la fin de Daech en Irak ?   

La fin militaire, oui. Mais cela ne veut pas dire que Daech n’existera plus en Irak. L’organisation a toujours une influence au sein de la communauté arabe sunnite. Elle reste capable de mener des attentats-suicides dans le pays, et à Bagdad notamment (les djihadistes ont d’ailleurs revendiqué une attaque kamikaze perpétrée samedi dans un quartier chiite de la capitale, ndlr). 

La potentielle défaite de Daech à Mossoul peut entraîner un esprit de vengeance chez les djihadistes
Karim Pakzad, chercheur à l’IRIS

Le risque de représailles est donc bien réel ? 

Absolument. Et bien au-delà de l’Irak et de la Syrie. Depuis la proclamation du califat (le 29 juin 2014), Daech a gagné en influence auprès des organisations terroristes partout dans le monde. Aqmi, Boko Haram, Ansar Beit Al-Maqdess (le mouvement djihadiste égyptien rebaptisé depuis Wilayat Sinaï, ndlr)… : tous ces groupes se sont ralliés à Daech. Il en est de même en Libye et en Afghanistan, où l’organisation est bien présente. 

Mais en Occident aussi. La potentielle défaite de Daech à Mossoul peut entraîner un esprit de vengeance chez les djihadistes. La France participant à la coalition, le gouvernement français devra renforcer sa vigilance sur son territoire. L’Allemagne ou la Belgique ne semblent pas épargnées non plus.

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Alexandre DECROIX

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