La CPI vacille, le droit d’ingérence est mort

MICHEL SCOTT
Publié le 19 novembre 2016 à 10h58
La CPI vacille, le droit d’ingérence est mort
Source : ONESPHORE NIBIGIRA / AFP

EFFET DOMINO - En quelques jours, 3 pays africains ont décidé de ne plus reconnaître la Cour Pénale internationale, et la Russie vient d’annoncer le retrait de sa signature. On craint l’effet domino. Retrouvez comme chaque semaine l'édito de Michel Scott, éditorialiste et spécialiste de l'actualité internationale à TF1.

Le monde est bel et bien entré dans une ère nouvelle. Car si l’élection de Donald Trump porte en elle autant d’inconnues que de promesses contradictoires, elle vient confirmer une tendance lourde dans le champ des relations internationales. Une tendance initiée en fait bien avant ce 8 novembre 2016 : le retour à la souveraineté des Etats-Nation.

Si l’on considère que les deux décennies qui ont suivi la chute du mur de Berlin ont été celles du Droit, que dis-je, du Devoir d’ingérence –de la Guerre du Golfe de 1991, à l’intervention libyenne de 2011 an passant par le Kosovo et la guerre d’Irak de 2003- un tournant s’est opéré avec les printemps arabes. Face au chaos engendré par la chute des régimes policiers du pourtour méditerranéen, la pensée stratégique de l’occident a fait sa mue. Plus question désormais d’exporter nos modèles démocratiques, ou de voler au secours de la veuve et de l’orphelin. Les peuples sont souverains, ils ont les régimes qu’ils méritent, et ils n’ont qu’à se débrouiller.

La non-ingérence absolue, autrefois apanage idéologique de la seule Chine, est le crédo en devenir du Monde
Michel Scott

La première conséquence de ce changement est le cours pris par la guerre en Syrie : à force de ne pas vraiment aider l’opposition à Bachar el Assad, cette dernière s’est radicalisée, les sous-traitants régionaux (Iran, Turquie, Arabie Saoudite) ont eu les mains libres pour intervenir au mieux de leurs intérêts, et l’on a fini par laisser Vladimir Poutine régler le problème (si l’on peut dire) à sa manière. Que la coalition dirigée par les Etats-Unis qui tente actuellement de reprendre Mossoul soit en fait composée au sol à 90% de soldats locaux –on est loin de la Guerre du Golfe pour le coup- n’est que l’illustration de cet état de fait. Et quand la France intervient au Sahel, c’est surtout pour défendre la stabilité des gouvernements en place.

Trois pays africains ne reconnaissent plus l'instance

C’est donc dans ce contexte qu’il faut comprendre la menace pesant sur la Cour Pénale Internationale. Le statut de Rome signé en 1998, instaurant la CPI à partir de 2002, avait inauguré un concept : aucun dictateur de par le monde ne serait désormais plus à l’abri de poursuites judiciaires. Or en quelques jours, 3 pays africains (en photo , le vote du parlement du Burundi pour le retrait) ont décidé de ne plus reconnaitre l’instance, et la Russie vient d’annoncer le retrait de sa signature. On craint l’effet domino. L’institution onusienne est critiquée pour son parti-pris supposé : elle viserait toujours les mêmes (9 inculpés sur 10 sont actuellement africains). D’où l’initiative prise à la hâte par le Tribunal de La Haye ces dernières heures : cibler aussi les Etats-Unis pour leur pratique de la torture après le 11 septembre en Afghanistan et ailleurs. Si ce n’est pas une tentative désespérée pour conjurer le mauvais sort qui lui pend au nez…

Depuis 2011, on ne compte plus les alternances démocratiques ratées en Afrique : au Burundi, au Congo-Brazzaville, au Gabon, sans que la communauté internationale s’en émeuve davantage. L’Egypte du Général Sissi est un partenaire sécuritaire qu’on ne critiquera plus. Dans un monde fait de menaces terroristes, les pays souverains sont devenus des remparts. La non-ingérence absolue, autrefois apanage idéologique de la seule Chine, est le crédo en devenir du Monde selon Trump.

L’expansion planétaire des idéaux démocratiques ne va pas forcément s’en porter mieux. 


MICHEL SCOTT

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