Les Alliés savaient dès 1942 : des documents inédits de l'Onu sur les camps de la mort dévoilés

David DOUÏEB
Publié le 18 avril 2017 à 14h04, mis à jour le 18 avril 2017 à 15h39
Les Alliés savaient  dès 1942 : des documents inédits de l'Onu sur les camps de la mort dévoilés

SHOAH - Des archives de l’Onu sur les crimes commis par les Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale vont être publiées cette semaine par une librairie londonienne. Elles indiquent notamment que les puissances alliées étaient conscientes de l'ampleur de l'Holocauste dès 1942.

Ils étaient gardés secrets depuis plus de six décennies. Des milliers de documents inédits sur le génocide juif émanant de la Commission des crimes de guerre des Nations unies vont être publiés cette semaine par la librairie londonienne Wiener Library, qui soutient l'étude de l'Holocauste, relate The Independant.

Ils montrent notamment que les gouvernements américain, britannique et soviétique savaient dès décembre 1942 qu’au moins deux millions de juifs avaient été assassinés. Et ce alors que "les historiens pensaient que les Alliés avaient appris l’existence des camps d’extermination au moment où ils les avaient découverts (en 1945, ndlr)", affirme à The Independant Dan Plesch, historien britannique qui a exhorté les diplomates, dont Samantha Power, ambassadeur des États-Unis à l'Onu, à publier les documents. 

Des accusations de crimes de guerre établis mais...

Si les Alliés ont établi des accusations de crimes de guerre à partir de cette date, ils n’ont toutefois pas tenté de stopper l’extermination en marche. En mars 1943, le vicomte Cranborne, ministre du cabinet de guerre de Winston Churchill, expliquait ainsi que les juifs ne devraient pas être considérés comme un cas particulier et que l'Empire britannique accueillait déjà trop de réfugiés pour leur offrir un refuge.

Toujours selon Dan Plesch, les membres du ministère américain des Affaires étrangères craignaient par ailleurs que les relations économiques germano-américaines soient mises à mal après la guerre si des poursuites contre les dirigeants nazis se concrétisaient.

Réécrire les chapitres cruciaux de l'histoire en utilisant ces nouvelles preuves
Howard Falksohn, archiviste de la Wiener Library

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L’historien ajoute que les décideurs britanniques et américains estimaient que certains chefs nazis étaient "nécessaires pour reconstruire l'Allemagne et faire face au communisme qui, à l'époque, était considéré comme un danger majeur". Mais face à la médiatisation de la libération des camps au cours de l'été 1945, les dirigeants alliés ne s'opposèrent finalement pas à la tenue du procès de Nuremberg (intenté contre 24 des principaux responsables du Troisième Reich).

"Il se pourrait bien que les gens puissent réécrire les chapitres cruciaux de l'histoire en utilisant ces nouvelles preuves", note de son côté l’archiviste de la Wiener Library Howard Falksohn, cité par The Guardian. Contacté par LCI,  le spécialiste de la Shoah Florent Brayard se montre quant à lui (beaucoup) plus nuancé quant au caractère inédit de ces révelations : "Les travaux historiques ont souligné depuis des années le tournant de décembre 1942. La seule information qui m'était inconnue est l'estimation du nombre de victimes à cette date et de celui des victimes potentielles". 

Et l'historien français d'ajouter : "Le fait que certains documents n'aient pas été mis à la disposition des chercheurs auparavant est regrettable, mais pas très étonnant. Il y a encore en Angleterre ou en Russie de nombreux dossiers qui n'ont pas été ouverts, en particulier ceux des services secrets".

A noter que les documents seront mis en ligne par la librairie dans le courant de la semaine. 


David DOUÏEB

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