Menace d'ouverture des frontières de l'Europe aux migrants : à quel jeu joue le président turc Erdogan ?

Publié le 25 novembre 2016 à 15h13
Menace d'ouverture des frontières de l'Europe aux migrants : à quel jeu joue le président turc Erdogan ?
Source : ADEM ALTAN / AFP

DÉCRYPTAGE - Recep Tayyip Erdogan, le président turc, a menacé vendredi d'ouvrir ses frontières pour laisser passer les migrants vers l'Europe. Un coup de sang qui intervient au lendemain d'un vote du Parlement européen demandant le gel des négociations d'adhésion de la Turquie à l'UE.

"Ecoutez-moi bien. Si vous allez plus loin, ces frontières s'ouvriront, mettez-vous ça dans la tête". Recep Tayyip Erdogan a sorti la sulfateuse ce vendredi, au lendemain du revers infligé à son pays par le Parlement européen. En cause : un vote favorable au gel des négociations d'adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Une décision non contraignante mais qui, si elle venait à le devenir, serait synonyme par ricochet d’ouverture des frontières turques si Erdogan mettait sa menace à exécution. Reste à savoir si l’homme fort d’Ankara ne jouerait pas plutôt la carte du bluff.

L’avertissement que Recep Tayyip Erdogan adresse à l’Europe intervient en effet après un vote qui bouscule son propre calendrier. C'est en tout cas l'avis de Dorothée Schmid, responsable du programme Turquie contemporaine de l'Ifri : "C’est une réaction d’humeur du président Erdogan. Il envisageait déjà d’organiser un référendum pour demander aux Turcs s’ils souhaitent poursuivre la procédure d’adhésion à l’UE. Il n’est pas content d’avoir été pris de court par le Parlement Européen qui a pris l’initiative de poser la question en premier."

"Erdogan veut montrer qu’il est le maitre chez lui"

Un élan de fierté qui ne se traduirait donc pas nécessairement par des actes, donc. "Je ne suis pas sûr qu’ouvrir les frontières suffise à déclencher un nouveau flux de migrants, similaire à celui de l’automne 2015. Il faudrait qu’il les "pousse" dehors", précise Dorothée Schmid. Avant d'ajouter : "Ce risque est néanmoins suffisant pour faire peur aux Européens." Il faut dire que ces derniers comptent plus que jamais sur la Turquie pour juguler la crise migratoire qui tape à leurs portes. Le pacte sur les migrants conclu en mars a en effet permis de réduire à quelques dizaines le nombre de personnes gagnant chaque jour les îles grecques en mer Egée, contre plusieurs milliers au pic de l'exode vers l'Europe au cours de l'été 2015.

De son côté, le président turc semble avoir tout intérêt à ne pas se froisser avec Bruxelles. Déjà, car cette dernière lui alloue une aide de 6 milliards d'euros pour continuer d'accueillir les migrants. Mais surtout, car son avenir passe par une adhésion à l'UE. "Il n’y a pas d’alternative crédible, estime Dorothée Schmid. L’économie de la Turquie est quasiment entièrement intégrée à l’UE, et elle avait l’espoir de devenir un Etat membre influent." 

Signe des tensions entre Ankara et l'UE, Erdogan a agité la menace d'un possible rapprochement avec l'Organisation de coopération de Shanghaï (OCS), coparrainée par la Chine et la Russie. Sauf que là encore, cela semble peu probable. "Ni la Russie ni l’OCS ne constituent une alternative crédible à l’UE. L’économie de la Turquie est quasiment entièrement intégrée à l’UE, et elle avait l’espoir d’être un Etat membre influent. Si elle se retrouve confrontée à la Chine et la Russie, elle ne pourra plus faire la pluie et le beau temps. Elle serait un membre mineur, de second rang, quelque chose qui n’arrange pas Erdogan." Quatre mois après le coup d'Etat avorté, les intentions du président turc semblent donc claires, selon la chercheuse : Erdogan veut montrer qu’il est le maitre chez lui, il considère que ce qu’il fait en interne est légitime."

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Thomas GUIEN

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