Poutine - Erdogan : itinéraire d'un amour tumultueux

Publié le 8 août 2016 à 14h39
Poutine - Erdogan : itinéraire d'un amour tumultueux

RELATION - Engagées dans une procédure de divorce il y a de cela quelques mois après l'épisode du bombardier russe abattu par l'aviation turque le 24 novembre dernier, la Russie et la Turquie, dont les deux chefs d'Etat se rencontrent ce mardi 9 août, semblent à présent enclins à reconstruire leur union.

C’est au jeu de "je t’aime, moi non plus" que se livrent depuis des mois Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan. Mais plutôt que la voie du divorce, le chef d'Etat russe et son homologue turc semblent avoir choisi le chemin de la réconciliation.

Ce mardi 9 août, Recep Tayyip Erdogan rend visite à Vladimir Poutine à Saint-Pétersbourg. C’est la première fois que les deux hommes se rencontrent depuis le crash d’un bombardier russe abattu par l’aviation turque au-dessus de la frontière le 24 novembre 2015.

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Engagement avec l'UE

"Un coup de poignard dans le dos" avait fait savoir à l’époque le chef du Kremlin. Celui-ci n’avait pas hésité à prendre des mesures de rétorsion, en rompant par exemple les relations commerciales avec Ankara et en appelant ses ressortissants à ne plus se rendre en Turquie. Un véritable coup de canif  porté à l’économie du pays, particulièrement dépendante du tourisme. Au premier semestre 2016, le nombre de touristes russe aurait chuté de 87 %.

Depuis cette rupture avec son voisin russe, la Turquie a notamment essayé de se rapprocher de l’Union européenne, notamment via des négociations sur la question des migrants. Submergée par le flot de réfugiés, l’UE s’est appuyée sur la Turquie pour tenter d’endiguer cet afflux qu’elle ne parvenait pas à contrôler.

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"Le monde occidental a été en contradiction avec les valeurs qu’il défend."

Mais quelques mois plus tard, Recep Tayyip Erdogan exprime ouvertement sa méfiance et estime que l'UE tarde à remplir sa part du contrat : "Nous sommes aujourd’hui en août et il n’y a toujours pas d’exemption de visas. L’Union européenne ne se comporte pas de façon sincère avec la Turquie", a-t-il affirmé au journal le Monde

Des mots très forts, nourris là aussi d’un constat né après l’échec avorté du coup d’Etat contre le président turc. "J’aurais souhaité que les leaders du monde occidental réagissent également à ce qui s’est passé en Turquie et qu’ils ne se contentent pas de quelques clichés pour condamner [la tentative de putsch]. Au lieu de faire preuve d’empathie, les dirigeants occidentaux ont eu la réaction opposée. Cela nous attriste, c’est inacceptable", a-t-il déclaré au Monde.

Du pain bénit pour Vladimir Poutine, premier homme d’Etat à avoir décroché son téléphone pour condamner la tentative de putsch d’une partie de l’armée turque directement auprès du président. "Vladimir Poutine m’a appelé pour me présenter ses condoléances, il ne m’a pas critiqué sur le nombre de militaires ou de fonctionnaires limogés, poursuit-il dans le journal Le Monde. Un Etat a le droit de recruter et de licencier les fonctionnaires qu’il souhaite, la Turquie n’a jamais posé ce type de question à ses partenaires occidentaux.  Le monde occidental a été en contradiction avec les valeurs qu’il défend."

Adultère maîtrisé

Une initiative qui pourrait à nouveau rebattre les cartes de l’échiquier géopolitique, alors même que la Turquie commençait à flirter avec l'UE. Surtout que la bienveillance de Poutine à l’égard de son homologue turc pourrait s’inscrire dans un contexte, où depuis quelques semaines, Ankara et Moscou recommencent à se faire mutuellement du pied.

"Les deux pays ont compris qu'ils avaient plus à perdre qu'à y gagner économiquement, explique à metronews Jean Marcou, spécialiste de la Turquie. "A titre d'exemple, la Russie exporte du gaz en masse à son voisin turc. Mais ce dernier pourrait aussi aller voir du côté du Moyen-Orient, comme au Qatar ou d'autres pays de la région, pour profiter d'hydrocarbures. Et ce n'est pas du tout dans l'intérêt de la Russie que la Turquie lui tourne le dos". Et vice versa".  

Fin juin, Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine s’étaient entretenus pour la première fois par téléphone depuis l’épisode du pilote russe abattu au-dessus de la frontière syrienne. L'échange a accouché de la décision de rétablir une normalisation des échanges commerciaux entre les deux pays. Et quelques jours après, Erdogan a envoyé un courrier, lui présentant des excuses pour la destruction du bombardier Su-24. Une manière de remettre définitivement le train de la réconciliation en marche. 

Alors concrètement, cette rencontre, ce mardi entre les deux chefs d’Etat pourrait-elle signer leur lune de miel ? Une chose est sûre en tout cas selon Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, pour justifier ces retrouvailles : "Les deux dirigeants ont réussi à tourner la page… " 


La rédaction de TF1info

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