Quand le président chinois se fait chantre du libre-échange… pour mieux éviter les critiques contre la Chine ?

Publié le 18 janvier 2017 à 14h48
Quand le président chinois se fait chantre du libre-échange… pour mieux éviter les critiques contre la Chine ?
Source : Michel Euler/AP/SIPA

IMPROBABLE – Présent au Forum économique mondial de Davos, une première pour un président chinois, Xi Jinping a livré mardi un vibrant plaidoyer pour le libre-échange. Pour mieux éviter les critiques contre son pays ?

Qui aurait cru voir un jour un dirigeant communiste se faire le chantre du libre-échange ? Pas grand monde, a priori. Et pourtant : mardi au Forum économique mondial de Davos (Suisse), réunion annuelle du gotha économique international, le président chinois Xi Jinping a livré un vibrant plaidoyer pour la mondialisation. Pour mieux masquer les problèmes de son pays ? Plusieurs voix l’affirment. 

Dans un discours de près d'une heure, ciselé de paraboles – "l'économie mondiale est un grand océan", "la mondialisation est une lame à double tranchant" – et de références littéraires – Charles Dickens ou Abraham Lincoln par exemple – le chef de la deuxième puissance mondiale a en tout cas su conquérir son auditoire. "Nous devons dire non au protectionnisme" car "il est impossible de stopper les échanges de capitaux, technologies et produits", a-t-il notamment martelé, visant implicitement Donald Trump et ses menaces de barrières douanières.

Faites ce que je dis, pas ce que je fais

"Brillant", "sage, mesuré", "très encourageant"… : les superlatifs ne manquaient pas dans les allées du forum pour définir le discours du président de l’Empire du Milieu. Mais les spectateurs auraient-ils été bernés, sinon légèrement mystifiés, par des mots sans s’être intéressés aux actes ? L’hypothèse se tient. Car si Xi Jinping a su enthousiasmer Davos, Pékin poursuit en réalité une politique peu favorable à l'ouverture et un interventionnisme hostile aux firmes étrangères. 

"C'est ironique et contradictoire" de faire de du dirigeant chinois un chantre du libre-échange, estime ainsi Willy Lam, professeur à l'Université chinoise de Hong Kong. À ses yeux, la détermination de Pékin à ouvrir son marché s'est même "détériorée" depuis l'arrivée de Xi Jinping au pouvoir en 2012. Ces dernières années en effet, le gouvernement chinois n'a cessé de renforcer les groupes étatiques, d'intensifier les contrôles sur les mouvements de capitaux, de mener campagne contre les "idées occidentales" ou encore de durcir la censure sur l'internet.

En réalité la Chine poursuit agressivement une politique mercantile et protectionniste
Victor Shih, professeur à l’Université de Californie, spécialiste de l’Empire du Milieu

Des pans entiers de l'économie, dominés par des groupes d'Etat ou dans lesquels la Chine veut favoriser des "champions nationaux", restent par exemple encore fermés aux sociétés étrangères. Au mieux, celles-ci sont contraintes de s'associer à des firmes locales pour pouvoir s’implanter dans le pays. Et ce alors même que les entreprises chinoises multiplient les acquisitions en Europe ou en Amérique. 

"La mondialisation, cela ne signifie pas simplement exporter et racheter des actifs à l'étranger", grince le président de la Chambre de commerce américaine, William Zarit. Même son de cloche du côté de Victor Shih, de l'Université de Californie, pour qui la Chine "est engagée dans l'exercice de contrôle des capitaux le plus sophistiqué et le plus vaste du monde". Et ce professeur d’économie politique spécialiste de l’Asie de rappeler qu'"en réalité la Chine poursuit agressivement une politique mercantile et protectionniste". 

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Alexandre DECROIX

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