Quitter ou conserver l'euro : dilemme à la grecque

Publié le 23 juin 2015 à 19h43
Quitter ou conserver l'euro : dilemme à la grecque

REPORTAGE - Les derniers mois ont poussé une minorité de Grecs, lassés par l’austérité à s’interroger sur la place du pays dans l’euro. Le rapport des habitants à la monnaie unique devient parfois ambigu.

Des devantures en ruines taguées, des commerces aux grillages baissés, des immeubles sur lesquels prolifèrent les étiquettes "à vendre"... Le long de la grande rue Ipokratous, au coeur d’Athènes, les vestiges de la crise économique s’amoncèlent. Installée depuis 2005 dans sa petite boutique spécialisée dans la vente de trains miniatures, Angela s’attriste de l’érosion du quartier. "Avant la crise, il y avait dix magasins de trains miniatures ici, raconte cette femme de 47 ans. Maintenant, nous ne sommes plus que quatre. Les années passent les commerces ferment toujours."

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Affectée par la chute de ces entreprises familiales et petits commerces qui constituaient le tissu économique, Angela craint souvent l’avenir. Aussi, alors que la question du retour à la drachme (l'ancienne monnaie grecque), et d’un “Grexit” (une sortie de la Grèce de la zone euro) reviennent dans tous les débats, l’électrice de Syriza (parti de gauche radicale au pouvoir), à l’origine pro-euro, s’interroge. "La priorité absolue est de ne pas aller vers plus de rigueur. Augmenter la TVA (une volonté des créanciers dans certains secteurs), par exemple, ce serait le pire pour nos entreprises. Dans ce cas, un retour à la drachme, en dernier recours, pourquoi pas ?”

Tout sauf l'austérité

D’après un sondage Public issue pour le quotidien Avgi - proche des partis de gauche -, diffusé le 21 juin, si un referendum sur le choix de la monnaie était organisé, 65% des Grecs choisiraient l’euro contre 31% pour le retour à la drachme. Le chiffre reste minoritaire mais il a progressé ces cinq derniers mois, à mesure que se durcissait le bras de fer entre le pays et ses créanciers (BCE, FMI, Commission européenne) sur la question cruciale de la dette nationale.

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Lundi, lors du sommet des chefs d’Etat de la zone euro , Athènes a de nouveau fait d’autres propositions, qui devront être validées avant le 30 juin. Ces longues tractations diplomatiques font naître l’impatience chez les citoyens. Les plus en colère en viennent à imaginer qu’un "Grexit" pourrait être préférable à l’austérité. Anita, avocate athénienne, en fait partie. A plusieurs reprises, la blonde a manifesté devant le Parlement, à Athènes, sous une bannière “Pas plus de sacrifices pour l’euro”, aux côtés de manifestants pro-gouvernement. Selon cette femme de 39 ans, "le pays a déjà trop reculé face aux créanciers, sur les privatisations par exemple. Si Syriza recule encore lors de la signature d’un accord, sur les TVA, les retraites... il ne faudra pas céder. Sortir de la zone euro, plutôt que d’accepter ca !"

"Ce genre de tendance anti-euro existe partout, même en France"

A quelques kilomètres de la rue Ipokratous, des conversations bruyantes émanent des cafés bondés de la place Kolonaki. Une atmosphère nonchalante se dégage des terrasses du quartier huppé de la capitale, généralement fréquentées par la bourgeoisie athénienne. Attablé à l’une d’entre elles, Ioannis affiche une mine sérieuse. Le Grec de 35 ans estime que la “sortie de l’euro serait une véritable tragédie”. Cet ancien informaticien reconverti dans le tourisme craint pour ce secteur en plein boom : le pays et ses innombrables îles attendent quelque 25 millions de visiteurs cette année.

"En cas de retour à la drachme, il y aurait un contrôle de capitaux et des conséquences sociales que l’on ne mesure même pas", alerte le jeune entrepreneur, qui vote à droite. “Je n’y crois pas. Même si au sein du parti Syriza, certains parlent de sortir de la zone euro, ils ne le feront pas. Ce genre de tendance anti-euro existe partout, même en France”.

A l’instar de Ioannis, ils sont nombreux à vouloir afficher leur attachement à la monnaie unique en cette période de doute. Au cours de la dernière semaine, deux manifestations “pro-euro” se sont tenues place Syntagma. Les drapeaux grecs se mêlaient aux européens, sous les slogans : “Restons dans l’Europe !”


La rédaction de TF1info

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