TENSIONS RACIALES - Un rassemblement de groupuscules d'extrême-droite à Charlottesville (Virginie) a dégénéré samedi. Une voiture a foncé sur des contre-manifestants, faisant 1 mort et 19 blessés. L'état d'urgence a été décrété dans l'Etat de Virginie.
De violents affrontements ont éclaté samedi 12 août entre groupuscules de l'extrême droite américaines réunis à Charlottesville, en Virginie, et militants antiracistes. En fin de journée, une voiture - conduite par un militant d'extrême droite - a foncé sur des contre-manifestants, faisant un mort - une femme de 32 ans - et 19 blessés, selon les autorités locales. Quinze autres personnes ont été blessées lors d'affrontements.
Le gouverneur de la Virginie avait auparavant déclaré l'état d'urgence et la police avait interdit le rassemblement. Le conducteur de la voiture, un jeune homme de 20 ans originaire de l'Ohio, a été arrêté, selon la chaîne de télévision américaine CNN. Il a été identifié comme s'appelant James Alex Fields Jr. Le FBI et les autorités fédérales ont ouvert une enquête. Trois autres personnes ont pour l'instant étaient interpellées dans le cadre des violences observées au cours de la journée.
Une voiture fonce dans la foule
De nombreux témoins ont filmé le moment où la voiture, une Dodge Challenger, a foncé dans la foule, alors que les anti-racistes occupaient un carrefour. On y voit le véhicule de couleur gris foncé dans un autre, avant de repartir en marche arrière.
Car plows into a crowd of peaceful protesters demonstrating against white nationalists in #Charlottesville . pic.twitter.com/GUEQRBw790 — Kevin Rincon (@KevRincon) 12 août 2017
This is the car that plowed through a crowd at the #UniteTheRight rally. Stopped along Monticello Ave. pic.twitter.com/7Uf4lHfAf9 — Dean Seal (@JDeanSeal) 12 août 2017
ku-klux-klan, néo-nazis... des suprémacistes blancs face à des contre-manifestants antiracistes
Les groupuscules de droite radicale et identitaire américaine, dont le Ku Klux Klan et des néo-nazis, s'étaient réunis pour dénoncer le projet de Charlottesville de déboulonner la statue du général sudiste Robert Lee, favorable à l'esclavagisme pendant la guerre de Sécession américaine (1861-1865). Le rassemblement a été baptisé "Unite the Right Rally" ("Rassemblement Unir la droite"). La veille, des militants d'extrême droite avaient défilé, flambeaux en mains, près de la statue.
Certains militants, professant la suprématie de la race blanche, brandissaient des drapeaux confédérés, un symbole considéré comme raciste par de nombreux Américains. Un porteur de drapeau nazi a également été pris en photo par l'un des nombreux journalistes présents sur place.
Emblematic indeed #Charlottesville pic.twitter.com/qTvTB3BpSa — Andy Campbell (@AndyBCampbell) 12 août 2017
De nombreux manifestants étaient armés comme le permet la loi dans l'Etat de Virginie. Des membres de milices d'extrême droite se sont positionnés en tenue paramilitaire, fusil semi-automatique en bandoulière, non loin des forces de l'ordre très sollicitées. D'autres groupes, habillés de noir et de blanc et équipés de boucliers, ont chanté "blood and soil" ("le sang et la terre"), un slogan associé à l'idéologie nazie.
Unidentified militia has arrived at #EmancipationPark ahead of the #Charlottesville rally with guns in tow. pic.twitter.com/zCLCBU78PF — Craig Stanley (@_CraigStanley) 12 août 2017
They're chanting "Blood and Soil" as they approach Lee Park in #Charlottesville pic.twitter.com/2hPmJv9sq0 — Christopher Mathias (@letsgomathias) 12 août 2017
Des premiers heurts ont éclaté entre manifestants et contre-manifestants avant même le début du rassemblement, avec des échanges de coups et des bouteilles projetées, selon une journaliste de l'AFP sur place.
Clashes have started. Keep in mind, the rally doesn't start officially until noon. #charlottesville #rally pic.twitter.com/DswIVyE6RB — Craig Stanley (@_CraigStanley) 12 août 2017
Peu avant 17h30 (heure française), les autorités de Charlottesville ont déclaré un état d'urgence localisé, une mesure permettant de mobiliser davantage de moyens policiers. Le gouverneur de la Virginie avait appelé vendredi les habitants à éviter de se rendre à ce rassemblement, pour lequel un détachement de la Garde nationale de l'Etat a été mis en alerte.
La police en tenue anti-émeute a finalement décidé, peu après, d'interdire la manifestation prévue et a procédé à l'évacuation du parc public où elle se tenait. Les forces de l'ordre ont procédé à plusieurs interpellations.
We are breaking down and relocating - being hit with tear gas bombs. My view from behind the barricade: pic.twitter.com/iGKaFb5oXT — Craig Stanley (@_CraigStanley) 12 août 2017
Le 8 juillet dernier, quelques dizaines de membres du Ku Klux Klan s'étaient déjà rassemblés dans cette ville, mais avaient trouvé face à eux des manifestants antiracistes plus nombreux. Beaucoup plus de militants de la droite nationaliste étaient attendus ce samedi, notamment grâce à la présence de différents responsables de la mouvance "Alt-Right", pro-Trump et très présente sur les réseaux sociaux.
Un hélicoptère s'écrase en marge du rassemblement
Plus tard, ce samedi, les autorités ont annoncé qu'un hélicoptère s'était écrasé dans une zone boisée de la ville, à 11 kilomètres au sud-ouest de Charlottesville. Un nouveau drame qui a fait 2 morts, les passagers de l'appareil. CNN explique qu'il s'agit de deux soldats de la patrouille de l'Etat de Virginie, le lieutenant général H. Jay Cullen, 48 ans et le soldat Troke Berke MM Bates, 41 ans. "Ils patrouillaient pour assurer la sécurité du public suite aux évènement de Charlottesville", détaille un communiqué de la police. L'enquête pour déterminer les circonstances exactes du drame est toujours en cours.
Trump condamne les violences... mais pas l'extrême droite
Nous avons des gens qui sont venus ici pour provoquer la confusion, le
chaos et le trouble
Maurice Jones, directeur municipal de Charlottesville
"Nous avons des gens qui sont venus ici pour provoquer la confusion, le chaos et le trouble, lesquels ont provoqué trois décès", a déclaré Maurice Jones, directeur municipal de Charlottesville incluant les deux morts de l'accident d'hélicoptère au nombre des victimes.
Le maire démocrate de la ville, Mike Signer, a réagi sur Twitter : "J'ai le coeur brisé qu'une vie ait été perdue ici. J'invite les personnes de bonne volonté à rentrer chez elles".
I am heartbroken that a life has been lost here. I urge all people of good will--go home. — Mike Signer (@MikeSigner) 12 août 2017
Plus tard dans la soirée, le conseil municipal de Charlottesville, réuni en urgence, a habilité le chef de la police à interdire les rassemblements et mettre en place un couvre-feu. "Nous faisons pleinement confiance au chef Thomas pour prendre la décision finale, en application de la loi régionale", a-t-il écrit sur Facebook.
Le président américain a lui même commenté les événements de Charlottesville, en direct sur Facebook. Donald Trump a condamné les violences qui ont fait un mort samedi à Charlottesville, sans vouloir pointer de responsabilités sur les manifestants ou sur leurs opposants. "Nous condamnons dans les termes les plus forts possibles cette énorme démonstration de haine, de sectarisme et de violence venant de diverses parties", a-t-il déclaré depuis Bedminster (New Jersey), où il passe ses vacances.
Avant l'annonce de cette première victime, le président américain avait commenté les violences sur Twitter. "Nous devons TOUS être unis et condamner tout ce que cette haine représente. Il n'y a pas de place pour ce type de violence aux États-Unis. Soyons unis ensemble !", a-t-il affirmé sur Twitter.
We ALL must be united & condemn all that hate stands for. There is no place for this kind of violence in America. Lets come together as one! — Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 12 août 2017
Sans le nommer, la candidate malheureuse à la présidentielle Hilary Clinton, a réagi au tweet du président : "Chaque minute où nous permettons à cela de se poursuivre par un encouragement tacite ou par une inaction est une honte et un danger pour nos valeurs".
Every minute we allow this to persist through tacit encouragement or inaction is a disgrace, & corrosive to our values. — Hillary Clinton (@HillaryClinton) 12 août 2017
Barack Obama a choisi de citer Nelson Mandela : "Personne ne naît en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, ou de ses origines, ou de sa religion".
"No one is born hating another person because of the color of his skin or his background or his religion..." pic.twitter.com/InZ58zkoAm — Barack Obama (@BarackObama) 13 août 2017
Le ministre de la justice américaine, Jeff Sessions, a pour sa part affirmé que "quand de telles actions sont suscitées par l'intolérance raciale et la haine, elles trahissent nos valeurs fondamentales et ne peuvent être tolérées".
Les participants, censés venir de tous les Etats-Unis, ont rencontré des difficultés à se loger : la plateforme de location d'appartements Airbnb a annulé un nombre inconnu de comptes liés à l'extrême droite, en mettant en avant ses principes d'accueil indépendamment des origines ethniques. Jason Kessler, l'organisateur du rassemblement, avait estimé sur Twitter que cette mesure équivalait à une "attaque contre la liberté d'expression et les droits civiques".