Famine en Afrique : "Les conflits sont la première cause"

Publié le 12 avril 2017 à 18h04, mis à jour le 17 avril 2017 à 23h26
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Source : Sujet JT LCI

INTERVIEW - Le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a mis en garde mardi contre le risque d'un nombre de morts "massif" provoqué par la famine dans la Corne de l'Afrique, au Nigeria et au Yémen. Une équipe de TF1 est allée constater la situation sur place.

Une fois encore, les Nations Unies tirent la sonnette d'alarme. En raison de la sécheresse, plus de 20 millions de personnes, confrontés à la famine, sont en danger de mort dans la Corne de l'Afrique. Par le biais du HCR, l'organisation mondiale réclame ainsi 4,4 milliards de dollars à la communauté internationale d'ici le mois de juillet pour aider et nourrir les populations du Yémen, du Nigeria, du Soudan du Sud et de la Somalie. La directrice des opérations pour l'organisation humanitaire Action contre la Faim nous explique la situation.

Vous rentrez de Somalie, quelle est la situation sur place ?

Isabelle Moussard-Carlsen : J'étais dans le Puntland (nord-est du pays) et à Mogadiscio. Au Puntland, les communautés que j'ai rencontrées dans plusieurs villages m'ont dit la même chose : la situation se dégrade très rapidement, avec un assèchement des points d'eau qui génère des mouvements de population important. Celle-ci se dirige vers les villages ou les petites villes où il y a encore de l'eau, ce qui rajoute de la pression sur des ressources déjà limitées. Ces populations, qui affrontent la crise avec une admirable résilience, sont dans un état dégradé depuis plusieurs mois. La plupart ont perdu leur bétail : nous avons vu des carcasses, des chameaux qui ne peuvent plus se relever pour accéder aux points d'eau. Nous sommes très inquiets pour les mois à venir. Sur Mogadiscio, j'ai pu aller dans nos centres où nous mettons en œuvre des traitements pour la malnutrition aiguë sévère pour les enfants de moins de 5 ans. Nos équipes font face à une augmentation presque constante ces derniers mois du nombre d'admission, avec des enfants qui arrivent avec une santé de plus en plus dégradée, et des mères qui arrivent de plus en plus loin pour accéder à ces centres nutritionnels.

Les enfants sont-ils les plus exposés ?

Isabelle Moussard-Carlsen : Ce sont eux les plus vulnérables, mais aussi les femmes, en particulier enceintes. Ces populations sont prioritaires pour nos actions. Au Yémen, nous avons 460.000 enfants en situation de malnutrition aiguë sévère. 

Des millions de personnes menacées par la famine dans la corne de l’AfriqueSource : JT 20h Semaine
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"Les conflits, première cause de la famine"

Au Soudan, des témoignages font état cette semaine d'habitants contraints de se nourrir de feuilles pour survivre. Est-ce la même chose en Somalie ?

Isabelle Moussard-Carlsen : Cela n'a pas été mentionné par mes interlocuteurs durant mes déplacements. Mais chaque pays est spécifique, avec des "poches" plus vulnérables que d'autres. C'est le cas au Sud Soudan, avec des famines déclarées dans certaines d'entre elles. Sur les trois autres pays, on est sur de la pré-famine.

La crise de 2011, durant laquelle 260.000 personnes sont mortes et plus de 12 millions ont été touchées, peut-elle être égalée ?

Isabelle Moussard-Carlsen : Cela va beaucoup dépendre de ce qui va se passer dans les prochains jours et semaines : la capacité ou non de la communauté internationale à réagir, à répondre à cette crise. Il y a un réel enjeu sur l'échelle et la rapidité de la réponse.

Cette crise s'explique notamment par les conflits en cours dans ces régions, mais aussi par la sécheresse qui sévit depuis des mois. Fondez-vous encore un espoir en la fin de celle-ci ?

Isabelle Moussard-Carlsen : Les causes sont multiples en effet, mais les conflits sont la première cause, générant des problèmes de sécurité et donc d'accès à ces populations. Concernant le climat, la Corne de l'Afrique fait face à deux phénomènes : El Nino et El Nina (ndlr : des phénomènes climatiques qui résultent d’un réchauffement des eaux de surface océaniques du Pacifique). Dans les régions où je suis allée, certains habitants n'ont pas vu de pluie depuis quatre ans. On peut avoir de l'espoir qu'il y en aie cette année, même si on assiste à une réelle dégradation. Ces phénomènes climatiques augmentent en intensité et en récurrence.

>> Le site d'Action Contre la Faim


Thomas GUIEN

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