Un an à la Maison Blanche : avec Donald Trump, le racisme a-t-il augmenté aux Etats-Unis ?

Publié le 19 janvier 2018 à 14h25
Un an à la Maison Blanche : avec Donald Trump, le racisme a-t-il augmenté aux Etats-Unis ?

HAINE – Donald Trump a officiellement enfilé le costume de président des Etats-Unis il y a un an, lors de son investiture le 20 janvier 2017. Déjà prégnantes, les tensions raciales semblent depuis s’être accrues. Une recrudescence que les événements de Charlottesville, en août dernier, ont étalé à la face du monde. De quoi s’inquiéter ? Éléments de réponse.

"Avec son positionnement clivant, Donald Trump donne un chèque en blanc aux racistes." Spécialiste des Etats-Unis, Marie-Cécile Naves n’y allait pas par quatre chemins lorsque nous lui avions demandé en novembre dernier, un an après l'élection présidentielle américaine, de dresser un constat sur l’état des tensions raciales au pays de l’Oncle Sam. Déjà prégnantes avant l’investiture du milliardaire le 20 janvier 2017, ces tensions semblent s’être accrues depuis son arrivée au pouvoir. Et ce n'est pas la récente polémique sur Haïti et les pays africains qualifiés de "pays de merde", qui l'a contraint le week-end dernier à se défendre une nouvelle fois d'être "raciste", qui ont arrangé les choses. 

"Ses discours ne sont pas que des mots, ils produisent des effets", estimait Marie-Cécile Naves. Aux yeux de la cofondatrice du site chronik.fr, la politique du 45e Commander in chief marque "un recul pour les plus faibles et pour les populations ayant toujours dû se battre pour acquérir ou défendre leurs droits".

"L’année s’est poursuivie dans la continuité de celle de la campagne présidentielle avec un approfondissement des tensions sociales et raciales", jugeait pour sa part, toujours en novembre, l'historien Corentin Sellin, chercheur à l’Ifri. "Les Etats-Unis sont un pays sous tension, ce qui était, il faut le reconnaître, déjà le cas avant Trump. Ces phénomènes dépassent donc sa seule personnalité, même si, on l’a vu, il a l’habitude de jouer avec des allumettes au-dessus d’un bidon d’essence et parfois d’en jeter une dedans." Sans parler de du controversé décret anti-immigration (plusieurs fois retoqué en justice mais partiellement validé par la Cour suprême) ou la construction du mur à la frontière mexicaine, la radicalité et l’imprévisibilité du chef de l’Etat ont-elles attisé un feu déjà brûlant ? Preuve d’une recrudescence au moins générale des tensions, les crimes haineux – souvent motivés par la race, la religion, l’orientation sexuelle, etc. – ont augmenté de 5% entre la fin du mandat d’Obama et le début de l’ère Trump, selon une étude révélée au mois d’août par le Huffington Post

Charlottesville et le suprématisme blanc

Mais pour la plupart des observateurs, les événements de Charlottesville resteront l’un des moments les plus marquants de cette première année au pouvoir. "Après Charlottesville, le président, qui par définition a un rôle de rassembleur et de consolateur en chef, face à ce qui est un drame humain, va dire, et redire, qu’il y avait des gens bien des deux côtés. Sauf que d’un côté, il s’agissait de nazis, de suprématistes blancs. Avec cette équivalence, le choc a été immense", soulignait Corentin Sellin. "Donald Trump a perdu les quelques traces de soutien qu’il pouvait avoir dans la communauté afro-américaine faisant sans doute de lui le président le plus haï de l’histoire par la minorité noire. Il y a eu une véritable césure. Mais, en soit, cet électorat était déjà perdu. Et perdu pour perdu, Trump a préféré remobiliser son électorat à lui sur un thème à la fois identitaire, nationaliste et ethniciste." 

Il ne supporte pas que des noirs soient célèbres et puissent le défier
Marie-Cécile Naves, spécialiste des Etats-Unis

"Trump met à mal l’unité nationale avec tous les discours qu’il tient sur l’extrême droite ou sur les noirs", expliquait encore Marie-Cécile Naves. "Ce qu’il a dit sur les joueurs noirs de la NFL est dans la lignée de Charlottesville et du suprématisme blanc. C’est comme s'il disait que seuls les hommes blancs incarnent l’identité américaine. Il ne supporte pas que des noirs soient célèbres et puissent le défier." De la même manière que sa consœur de l’Iris, Corentin Sellin considèrait aussi la controverse de la NFL comme la suite, presque logique, de Charlottesville. "En NFL, 83% des joueurs sont afro-américains. Quand il entame un conflit avec eux, Trump fait ce que l’on appelle en sciences politique un 'dog-whistling' (que l’on peut traduire par "langage codé", ndlr), c’est-à-dire que, même s’il n’est pas ouvertement raciste, en s’attaquant à ces joueurs noirs, il dit à sa base populaire blanche : 'regardez, je suis de votre côté, du côté de la nation, du drapeau'." 

Une réaction ?

Cette stratégie tiendra-t-elle ? Difficile à dire, mais, de l'autre côté de l'échiquier politique, une partie de la société américaine fulmine et pourrait bien finir par réagir. "Le parti démocrate dit qu’il n’a jamais eu autant de citoyens qui veulent s’engager en politique et l’on a vu d’importantes manifestations pour défendre les droits des minorités, des noirs, des hispaniques, mais aussi des femmes", rapportait Marie-Cécile Naves.

Après le chaos de Charlottesville, un groupe de militants antiracistes avait entrepris, à la fin de l'été, une marche de dix jours entre la petite ville de Virginie et la capitale fédérale pour dénoncer le retour dans la lumière du suprématisme blanc et les violences racistes. L’initiative avait été lancée le 28 août, 54 ans jour pour jour après la "Marche sur Washington pour l'emploi et la liberté" menée par Martin Luther King en 1963, à l’issue de laquelle le pasteur prononça son célèbre discours "I have a dream". Estimés à plus de 200.000 à l'époque, les participants de 2017 n'étaient que quelques centaines. De quoi être pessimiste ? "J’ai des doutes quant au réveil d'une réelle opposition dans le pays", relevait l'expert de la politique américaine Soufian Alsabbagh il y a deux mois. "Tous ceux qui manifestent sont déjà acquis à la cause démocrate, à la gauche américaine. Il faudrait beaucoup plus que ça. On saura peut-être ces prochaines années ce que valent les Etats-Unis et les standards moraux de la nation américaine." 


Alexandre DECROIX

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