Infractions terroristes en comparution immédiate : "On ne peut les juger à la va-vite"

Propos recueillis par Aurélie Sarrot
Publié le 2 janvier 2017 à 17h48
Infractions terroristes en comparution immédiate : "On ne peut les juger à la va-vite"
Source : SIPA

JUSTICE - Le président du Tribunal de Grande Instance de Paris, Jean-Michel Hayat l’avait annoncé mi-novembre et depuis ce lundi, certains dossiers terroristes "simples" peuvent être jugés en comparution immédiate. Me Christian Saint-Palais, président de l'Association Des Avocats Pénalistes, s’insurge, comme de nombreux avocats, contre ce projet devenu réalité.

Vous êtes vent debout contre ces nouvelles comparutions immédiates. Pour quelles raisons ? 

Me Christian Saint-Palais : Nous sommes très critiques en général à leur égard. Nous critiquons la façon dont se déroulent ces audiences, notamment à Paris. Ce sont des audiences dans lesquelles l’avocat a peu de contact avec celui qu’il va défendre, l’entretien est extrêmement rapide. Elles sont souvent précipitées du fait de leur charge. Pour ces  infractions terroristes, la garde à vue des mis en cause peut durer jusqu’à 96 h. Ils sont ensuite placés au dépôt, dans des conditions de retenue très difficiles. Ils peuvent  rester là jusqu’à 20 heures. Ces mis en cause, affaiblis et fatigués, rencontrent ensuite leur avocat pour le seul et unique entretien qui a pour objectif de préparer l’audience dans laquelle va se jouer le prononcé d’une peine qui peut aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement, vingt ans en récidive….

Sont concernées notamment par ces comparutions immédiates les infractions pour consultations de sites djihadistes, le non-respect d’interdiction de sortie du territoire ou d’assignation à résidence, l’apologie du terrorisme…  La préparation des audiences en un temps réduit sera-elle plus difficile ? 

Me Christian Saint-Palais : Bien évidemment. Autrefois les comparutions immédiates concernaient les flagrants délits, ce n’est pas toujours le cas aujourd’hui. Avant, il n’y avait que l’enquête postérieure à ce fait qui était dans le dossier. Aujourd’hui, les faits peuvent être assez anciens comme ce serait le cas en matière de terrorisme avec, par exemple, des consultations de sites djihadistes repérées il y a longtemps. S’ensuivent une enquête, souvent des écoutes téléphoniques, une interpellation et une personne jugée dans le prolongement de son interpellation. L’audience a lieu immédiatement après l'interpellation, mais plus forcément après la commission des faits. Résultats : les dossiers sont de plus en plus volumineux, mais le temps dédié pour les consulter beaucoup  trop court. L’avocat n’y a accès qu’au moment où il rencontre le client, très peu de temps avant la comparution. 

Les dossiers sont de plus en plus volumineux, mais le temps dédié pour les consulter beaucoup trop court"
Christian Saint-Palais

Redoutez-vous ces nouvelles audiences ? 

Me Christian Saint-Palais : Je suis très préoccupé par la qualité de la décision judiciaire qui va être rendue. Aujourd’hui, chaque fois qu’est évoquée une proposition de loi, une réforme de la procédure, la seule préoccupation des législateurs est de savoir comment gérer le nombre de dossiers qui s’accumulent et le flux des audiences. On ne cherche à répondre qu’à cette question,  en ne se préoccupant plus de la qualité de la réponse judiciaire. Or,  quand on est en comparution immédiate, la personnalité de celui qui est jugé est très peu connue, faute de temps et, dans certains cas, d’expertise psychiatrique. S'il est simple dans les faits d’établir par exemple la consultation de sites djihadistes, il n’est pas simple de comprendre les raisons de cette attraction pour des idées. Ce qu’il faut pour garantir la qualité d’une bonne décision judiciaire, c’est connaître, en prenant le temps, la personnalité de celui qui comparait. Ce qui ne sera pas le cas avec ces comparutions. Nous sommes guidés par des principes auxquels nous devons rester arrimés à savoir : le temps pour la défense, l’écoute de celui qui comparait, l’examen des arguments qu’il veut présenter. Rappelons que les mis en causes dans ces dossiers de terrorisme "à intensité basse" encourent 10 ans d’emprisonnement, et 20 ans en récidive. On ne peut les juger à la va-vite. 

Les mis en causes dans ces dossiers de terrorisme 'à intensité basse' encourent 10 ans d’emprisonnement, et 20 ans en récidive. On ne peut les juger à la va-vite"
Christian Saint-Palais

Terrorisme : certains dossiers pourraient être jugés en comparution immédiateSource : Sujet JT LCI
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