Jon Palais, le premier "faucheur de chaises" à la BNP, est jugé ce lundi : "C'est un peu David contre Goliath"

Anaïs Condomines
Publié le 9 janvier 2017 à 6h00
Jon Palais, le premier "faucheur de chaises" à la BNP, est jugé ce lundi : "C'est un peu David contre Goliath"
Source : AFP

MILITANTISME – Pour dénoncer l’évasion fiscale, Jon Palais a dérobé, avec une quarantaine de militants, quatorze chaises dans une agence de la banque BNP Paribas en octobre 2015. Alors que son procès se déroule ce lundi, le 1er "faucheur de chaises" explique à LCI qu'il a l'intention de centrer l'audience sur l'évasion fiscale.

Qui vole une chaise finit sur le banc des prévenus. Jon Palais l’a appris à ses dépens : il est convoqué ce lundi 9 janvier au tribunal de Dax, dans les Landes, pour avoir subtilisé quatorze chaises dans une agence parisienne de la banque BNP. Une action militante visant à dénoncer la pratique de l’évasion fiscale. 

Tout a commencé le 19 octobre 2015. Avec une quarantaine de militants, Jon Palais entre dans une agence BNP Paribas de la capitale et subtilise donc quatorze chaises. Par la suite, suivant son exemple, l’opération se multiplie dans quarante agences, surtout domiciliées dans le sud de la France. Au total, ce sont 196 chaises qui seront ainsi "fauchées" par le collectif "Action non violente Cop 21". Depuis, la BNP a porté plainte. Et bien qu’il soit aujourd’hui poursuivi pour "vol en réunion" (il risque jusqu'à cinq ans de prison), Jon Palais se retrouvera néanmoins seul à la barre.

Une histoire de symbole

"C’est un peu David contre Goliath, c’est vrai" concède-t-il, interrogé par LCI ce vendredi 6 janvier. "La BNP est l’une des plus grandes banques du monde et je suis un simple citoyen militant. Je n’ai ni leurs moyens financiers, ni leur puissance de communication. Néanmoins, même si je suis le seul prévenu, beaucoup de gens sont derrière moi." Cette "réquisition citoyenne de chaises", comme il l’appelle, "a été comprise et perçue par beaucoup de monde comme un combat juste et nécessaire". 

Mais au fait, pourquoi des chaises ? "C’est le symbole qui compte" nous explique-t-il. "La désobéissance civile, dont nous nous réclamons, ne consiste pas à rendre coup pour coup. Pour protester contre l’évasion fiscale, nous n’allions pas braquer des banques. Nous avons pris les chaises, car elles n’ont aucune valeur matérielle. Ce qu’on prend aux banques ne représente rien par rapport au coût de l’évasion fiscale. Nous pensons symboliser par-là, précisément, le fait que la justice n’est pas rendue."

"Pour certains, c'est vécu comme une agression"

Et le symbole ne s’arrête pas là. Car cette audience au tribunal, Jon Palais ne veut pas qu’elle reste seulement celle des "faucheurs de chaises". Soutenu par Attac, l'association altermondialiste, il veut donc en faire le procès de l’évasion fiscale. Préoccupé en premier lieu par les problématiques écologiques – il a déjà comparu pour avoir survolé une centrale nucléaire avec Greenpeace, en 2013 -, il établit un parallèle entre la lutte contre le réchauffement climatique et les paradis fiscaux.  "Cet argent qui disparaît, c’est autant de moyens qui ne sont pas investis dans un changement de nos modes de vie, dans l’élaboration d’un nouveau système plus respectueux de l’humain, d’une nouvelle énergie, d’une relocalisation de l’économie" avance-t-il.

La BNP absent des paradis fiscaux, selon l'OCDE

La BNP, elle, ne l’entend bien sûr pas de cette oreille. Un porte-parole du groupe détaille auprès de  LCI : "Le vol de chaises n'est pas la raison qui nous a poussés à porter plainte, évidemment. C’est bien l’intrusion dans les agences et le caractère offensant et un peu agressif de ces actions envers nos clients et collaborateurs que nous dénonçons. Ils interpellent, ils filment… pour certains, cela a pu être vécu comme une agression, surtout dans un contexte où dans d’autres villes, les habitants ont déjà enduré des événements difficiles dernièrement." 

Quant aux accusations d’évasion fiscale, la banque "regrette d’être associée à ces débats dans les médias, à cause de cette affaire". Et se targue de ne "figurer dans aucun pays figurant sur la liste de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) recensant les paradis fiscaux". "Nous sommes prêts à en discuter et à aborder cette discussion de manière sereine, mais à chaque fois que nos clients ou collaborateurs seront pris à partie, alors nous répondrons par le droit" conclut-on. 

Défendu par l’ancienne candidate EELV à l’élection présidentielle de 2012 et magistrate Eva Joly, Jon Palais -qui bénéficie notamment de l'appui de Benoît Hamon, candidat à la primaire de la gauche, et de Yannick Jadot, le représentant écolo à la présidentielle- se défend, lui, de toute action violente. "On a transformé notre colère et notre indignation en action citoyenne" précise-t-il, en ajoutant : "Pas question de se résigner. C'est parce qu'on se résigne que l'évasion fiscale reste impunie. Et inversement."

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