PROCÈS – La présidente du tribunal correctionnel a procédé ce jeudi à un long interrogatoire de Jawad Bendaoud, jugé pour "recel de malfaiteurs terroristes", comme Mohamed Soumah, lui aussi questionné un peu plus tôt dans la journée. Sans accès de colère, mais enchaînant à toute vitesse des déclarations parfois surprenantes.
Son calme n’aura duré qu’une journée. Au deuxième jour de son procès où il est jugé pour "recel de malfaiteurs terroristes", aux côtés de deux autres prévenus, Jawad Bendaoud est apparu tel qu’on le connaissait. Il n’a pas eu, certes, d’accès de colère comme il avait pu avoir au tribunal de Bobigny et de Paris en 2017, mais a fait quelques remarques malvenues à la présidente et enchaîné plusieurs déclarations qui, dans l'une des salles où le procès était retransmis le procès, ont fait rire l’assemblée, malgré la gravité des faits.
Jawad Bendaoud, 31 ans, est, en effet, accusé d’avoir fourni la planque de Saint-Denis à deux terroristes en cavale après les attentats de Paris et Saint-Denis, qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés en novembre 2015 : Abdelhamid Abaaoud, cerveau des attentats et cousin d’Hasna Aït-Boulahcen et Chakib Akrouh, son complice. Son ami, Mohamed Soumah, a fait l’intermédiaire entre la jeune femme et celui qui deviendra le "logeur de Daech".
Jawad Bendaoud a toujours assuré qu’il ignorait que les deux hommes qu’il avait hébergés étaient des terroristes. Qu’il avait fait ça pour "dépanner". Sans vraiment convaincre…
Je suis rentré chez moi. J’ai regardé ma compagne et mon fils qui dormaient. J’ai roulé un gros joint de beuh, j’ai mangé un sandwich escalope-Boursin, j’ai regardé un film sur Netflix
Jawad Bendaoud
Jawad Bendaoud explique ainsi qu’en novembre 2015, il avait quatre squats, dont celui de la rue du Corbillon à Saint-Denis, où seront abattus Hasna Aït-Boulahcen et les deux terroristes. "Tout le monde le sait, c'est sorti dans la presse, je consommais de la drogue dure. L'appartement (rue du Corbillon, ndlr), il me servait à consommer et pour la descente...", détaille à la présidente le prévenu, dans son survêtement rouge du PSG.
Le soir du 13 novembre 2015 ? Il était dans le salon avec son père et mangeait des "des lentilles au bœuf". Certes, il a vu à la télé qu’il se passait quelque chose mais... "Il y avait une pancarte, j’ai compris qu’il y avait un attentat", reconnaît le prévenu assurant par ailleurs que, pour lui, ça s’était passé à l’étranger et pas en France.
Les images du Bataclan ? Il les a découvertes "dans sa cellule en regardant la télé". Et ajoute : "Le codétenu m’a dit : t’as hébergé un mec, le croque-mort de Daech, il me parle de la vidéo du mec qui traîne des cadavres avec son pick-up. Moi, je savais pas que c’était lui, que c’était Abaaoud, qui était chez moi".
Quand on lui a demandé de rendre service, il dit qu’il n’a rien vu. "On m’a dit que je devais héberger un homme qui s’était fait mettre dehors après une embrouille avec sa femme. Ce mec m’a dit en arrivant : 'J’ai passé trois jours de fils de pute ! Là, je veux faire ma prière, me laver et dormir'. Il y avait des signes que j’ai mal interprété", concède Jawad Bendaoud, faisant référence, notamment, au moment où cet homme lui a demandé de quel côté "il faut se mettre pour prier".
Jawad Bendaoud passera un moment avec eux le 17 novembre, avant de regagner son domicile sans aucun "stress". "Je suis rentré chez moi. J’ai regardé ma compagne et mon fils qui dormaient. J’ai roulé un gros joint de beuh, j’ai mangé un sandwich escalope-Boursin, j’ai regardé un film sur Netflix", relate-t-il l'air sérieux, catogan et lunettes sur le nez.
Snoop Dogg, Lassanna Diarra ou Ben Laden
Puis le 18 novembre 2015 au matin, Jawad Bendaoud dit s’être réveillé à 6 heures. "J'avais 40 textos, 50 appels manqués. On me dit qu’il y a des kamikazes chez moi. Tout le monde parle de ceinture, de kalachnikovs. J’ai envie que ce soit pas vrai, je sors de prison, j’ai fait 10 ans. Je vois le message : 'terroriste chez toi maison'. Je veux pas y croire".
Pour prouver qu’il dit vrai, Jawad Bendaoud ose des comparaisons surprenantes. A la présidente Isabelle Prévost-Desprez, il lance ainsi : " Me dire vous hébergez des terroristes, pour moi, c’est comme dire JoeyStarr il va rejoindre daech". Snoop Dogg, Ben Laden et Lassanna Diarra seront aussi des noms qui sortiront de sa bouche au fil de cet interrogatoire surréaliste.
"On m’a vendu un bœuf bourguignon, j’ai fini avec un couscous"
"Pourquoi hébergez-vous des gens que vous ne connaissez pas ?", insiste la présidente cherchant une explication crédible dans le débit de paroles incessant du prévenu, désormais vêtu d'un t-shirt manches courtes rouge à motifs siglé Kenzo Paris.
"Madame, il y avait un billet à prendre, je ne vais pas cracher dessus, même si c’est 20 euros... Je fais ça depuis longtemps. C’est l’activité que je fais, par du bouche-à-oreille, bouche-à-bouche" déclare Jawad Bendaoud. Et d’ajouter : "On m’a vendu un bœuf bourguignon, j’ai fini avec un couscous (…) Personne ne m’a mis au courant, sur la tête de mon fils, je ne savais pas que c’était des terroristes ".
Lire aussi
Jawad Bendaoud : le procès très attendu du "logeur de terroristes" s'ouvre à Paris
Lire aussi
Assaut de Saint-Denis : le web se régale de Jawad, l’improbable logeur des terroristes
L’audience reprendra demain à 13h30. Le procès doit se poursuivre jusqu’au 14 février prochain.