Christophe Rocancourt (1 / 2) : "J'aimerais savoir combien ça a coûté au contribuable, de me suivre pendant un an"

par Jennifer LESIEUR
Publié le 8 octobre 2015 à 15h32
Christophe Rocancourt (1 / 2) : "J'aimerais savoir combien ça a coûté au contribuable, de me suivre pendant un an"

JUSTICE – Il a défrayé la chronique dans les années 90 dans la peau de "l'escroc des stars". Aujourd'hui rangé des voitures, Christophe Rocancourt se retrouve malgré lui impliqué dans deux scandales qui ont frappé la célèbre police judiciaire parisienne. Il y répond aujourd'hui dans un livre-enquête, "Scandales au 36" (Robert Laffont), écrit avec le journaliste d'investigation Jean-Michel Décugis. Il nous a reçus chez lui, à Rouen.

La petite rue, charmante, est bordée de maisons à colombages. Christophe Rocancourt nous rejoint en bas. Hésite un instant et décide de faire l'entretien chez lui, plutôt. Il vit dans un bel appartement avec sa compagne, Alexandra, au milieu de beaux livres, de profonds coussins, d'une pendule qui fait tic-tac et d'un chat sociable. On y passerait bien toute la journée, tant le cadre est douillet, si l'histoire qui nous amène ici n'était pas si sérieuse.

En février dernier, la BRI a débarqué ici même. A six heures du matin, en défonçant la porte, comme pour un criminel. Rocancourt est resté stoïque, mais qu'on implique son amie l'a fait bouillir. A la tête de cette perquisition musclée, celui qu'il appellera dans son livre "le petit major" le met en examen pour trafic d'influence, corruption, fraudes. Rocancourt prépare sa défense, la conscience tranquille.

C'est le début de son livre, Scandales au 36, une double enquête sur les deux affaires qui le mettent en cause : celle d'un vaste réseau de corruption qui a fait tomber le patron de la PJ parisienne, et celle des 52 kilos de cocaïne dérobés au siège de la PJ. Un brigadier des Stups, Jonathan Guyot, est le principal suspect. En détention, il a pris pour confident... Christophe Rocancourt, qu'on accuse aujourd'hui d'avoir aidé Guyot à blanchir de l'argent. Pour l'ancien escroc des stars, Scandales au 36 n'est que le début pour prouver son innocence et dénoncer l'impunité de certains policiers haut placés.

C'est un vrai polar, votre histoire...
Je pense d'ailleurs qu'elle sera adaptée un jour ! Mais ce qui est déroutant, c'est que c'est bien la réalité. Il reste des gens qui font leur métier avec conviction, mais la frontière entre flic et voyou a toujours été un peu limite. Aujourd'hui, je crois que c'est devenu plus flagrant, ça tombe dans le domaine public, on cache moins. Si cette affaire avait eu lieu il y a une quinzaine d'années, on n'en aurait pas parlé.

Que voulez-vous prouver ? Votre innocence ou les dérives policières dont vous avez fait l'objet ?
Ces dérives sont extrêmement dangereuses. C'est ce que je dénonce dans le livre, preuves à l'appui. Jean-Michel Décugis a rencontré les protagonistes et mené l'enquête lui-même. Je défie quiconque dans cette histoire de dire qu'il y a eu mensonge. Les faits sont établis. Aujourd'hui, on se plaint de ne pas pouvoir envoyer assez d'hommes pour surveiller les terroristes ; moi, j'aimerais savoir combien ça a coûté au contribuable de me suivre pendant un an, de me mettre sur écoutes téléphoniques, et de venir casser ma porte avec la BRI !

Avez-vous l'impression d'avoir été un bouc émissaire ?
Tout ça était bien orchestré à la base. J'ai eu affaire à un enquêteur qui avait des ambitions personnelles. Moi, de toute ma vie, je n'ai jamais crié au scandale ni à la victimisation. Ça faisait dix ans que j'étais rangé des voitures, on aurait très bien pu me convoquer. A l'époque, j'étais sous bracelet électronique, il me restait quinze jours pour purger ma condamnation partielle dans l'affaire Breillat (Rocancourt avait été accusé par la réalisatrice d'abus de faiblesse, avant d'être partiellement relaxé, ndlr.) Ils le savaient. Alors je voudrais qu'on m'explique pourquoi une telle violence pour venir me chercher. On prend les contribuables pour des vaches à lait.

"Pourquoi une telle violence pour venir me chercher ? On prend les contribuables pour des vaches à lait."

Le 36, quai des Orfèvres a connu des remous ces derniers temps...
C'est la première fois dans l'histoire du 36 que son patron, Bernard Petit, faisait l'objet d'une perquisition en pleine réunion, avec garde à vue et mise en examen. J'aimerais dire que le 36 n'en était pas à son premier coup. On nous bassine au quotidien sur l'insécurité, on aime faire peur aux gens ; regardez la télé, on est une société d'incultes, c'est terrible... Mais je ne désespère pas, dans mon cas les avocats suivent bien l'affaire et je pense que cette histoire ira jusqu'au bout. De plus, le magistrat de mon affaire est profondément honnête. Il ne regarde pas si la personne en face de lui s'appelle Rocancourt ou si c'est un petit major.

Quel est le but de ce petit major ?
De faire un bon coup dans sa carrière, car on sait que Rocancourt, c'est vendeur. Je n'en tire aucune fierté. Sauf qu'il ne savait pas que j'allais en faire un bouquin. Attention, il y a certains bons flics, certains bons juges d'instruction, comme il y a certains bons voyous ! Moi, je n'ai aucun problème avec la police quand elle fait son travail équitablement. Mais si on n'est pas en sécurité avec notre propre police, que faire ? Et on ne parle pas de petits policiers ici, on parle de la BRIF, d'une certaine élite. Alors, si cette élite commence à se comporter comme ça, on s'arrête où ? Son impunité est extrêmement permissive.

Qu'en est-il des 52 kilos de cocaïne dérobés au 36 ? Le principal suspect, Jonathan Guyot, vous a longuement parlé...
Je ne me prononce pas sur la culpabilité ou non de Jonathan Guyot. Je ne sais pas ce qu'il a fait et je m'en fous. Mais son frère, qui est une pomme pourrie et que je n'ai jamais rencontré alors qu'il prétend le contraire, balance tout le monde. Moi, je ne franchis pas la ligne, je ne m'occupe que de mes affaires. Je ne suis pas le redresseur de torts qui résout leurs salades pourries, au 36 et aux Stups... Je n'ai jamais trempé dans des histoires de came de toute ma vie, et on se doute bien que ce n'est pas de Fleury-Mérogis que je pourrais avoir participé à tout ça.

"Je n'ai aucun problème avec la police quand elle fait son travail équitablement. Mais si on n'est pas en sécurité avec notre propre police, que faire ?"

Vous écrivez que vous respectez les vrais flics et les vrais voyous, mais pas ceux qui oscillent entre les deux...
Je n'ai jamais collaboré, on connaît mon parcours. Et ce qui est intéressant, c'est que dès que les flics sont attrapés, ils se dénoncent tous entre eux. C'est extraordinaire, cette rapidité à se balancer. Ils n'ont même pas le respect de préserver les leurs. Aux Stups, ils sont limite, quand même. Ils ont un fichier sur leurs indics, qu'ils rémunèrent... Il faut qu'ils prennent ce qu'il y a de pire chez les voyous, les balances, et qu'ils leur apprennent à faire leur travail ? On marche sur la tête ! Moi, je n'ai eu que des histoires financières. Il n'y a pas ce fichier-là chez moi.

Que faites-vous en attendant le tribunal ? Vous êtes libre ?
Oui, heureusement. Mais je ne serai complètement libre que lorsque j'aurai les explications des agissements de la BRIF et de ce major. Dans ces cas-là, ils sont pires que certains voyous que je connais. Et j'ai la chance d'avoir un magistrat qui a une parole. En tout cas, je ne lâcherai pas l'affaire, je suis connu pour ça, pour ne pas baisser la tête.
 

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Jennifer LESIEUR

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