Exclusif - Marc Levy à New York : "Dans 'L'horizon à l'envers', il y a un côté Roméo et Juliette 3.0"

Publié le 11 février 2016 à 10h48
Exclusif - Marc Levy à New York : "Dans 'L'horizon à l'envers', il y a un côté Roméo et Juliette 3.0"

BEST-SELLER – Jeudi 11 février, Marc Levy sort son 17e roman, "L'horizon à l'envers" (Robert Laffont). L'auteur français le plus lu à l'étranger, qui attend l'arrivée imminente d'une petite fille, a reçu Metronews dans le quartier de West Village, à New York, où il vit. Conversation à bâtons rompus sur les genres littéraires, la cryogénisation et les chagrins d'amour.

Vous allez être papa pour la troisième fois, à l'abri de la promotion folle qui entoure d'habitude la sortie de vos livres... Qu'est-ce que cela change pour vous ?
Dans ma vie, j'ai toujours mis les choses graves d'un côté et les moins graves de l'autre... Quand on a passé des nuits et des nuits à écrire un roman, avec passion, on ne peut pas ne pas avoir le trac, mais il suffit de regarder le JT pour relativiser ses angoisses. Le fait de ne pas aller en France pour la sortie, c'est étrange mais... oui, ça enlève un peu de pression. Je suis assez pudique, et au bout de plusieurs jours de télés et de radio, je suis presque gêné de l'attention qu'on m'accorde, je n'ai pas inventé un vaccin contre le cancer ! Mais tout ça n'enlève rien au vrai trac, qui est celui d'attendre la réaction des lecteurs.

Même en sachant que vous en aurez toujours, des lecteurs ?
Justement, c'est d'autant plus important de ne pas les décevoir. Je ne connais pas un comédien qui, même après 30 ans de carrière, n'a pas le trac en entrant sur scène.

Avec L'horizon à l'envers, vous signez un roman d'anticipation. Il y a bien une histoire d'amour, mais elle marquée par une expérience neurologique qui paraîtrait folle si elle n'était pas basée sur une histoire vraie...
Cette histoire m'a été inspirée par deux personnes qui je remercie à la fin du livre. Kim Suozzi est une jeune femme qui a décidé de se faire cryogéniser, et son compagnon, Josh Schisler, a été très présent dans cette démarche. J'ai été très touché par ce couple, comme dans le roman, il y a un côté Roméo et Juliette 3.0... Et j'ai beaucoup pensé à eux pendant l'écriture, à ce qu'ils avaient ressenti, ça a été un moteur d'écriture énorme. Je pense vraiment que dans son positivisme, mon livre leur ressemble.

"Cette histoire m'a été inspirée par une jeune femme qui a décidé de se faire cryogéniser"

Tout en repoussant les frontières du réalisme ?
Mon premier roman, Et si c'était vrai ?, racontait l'histoire d'une femme dans le coma, qu'un seul homme pouvait voir et entendre. Et je n'ai jamais reçu un coup de téléphone de la haute autorité du coma pour me demander : 'dis donc, c'est quoi ces conneries ?' Personne ne s'est demandé si c'était possible ou pas ! Ça ne veut pas dire pour autant qu'il ne faut pas travailler, il faut rendre l'impossible crédible, mais il n'y a pas d'interdit.

C'est votre 17e roman. Que vous ont apporté ces 17 ans de carrière ?
De cultiver du mieux que je pouvais ce que m'a apporté l'écriture, à savoir la liberté. J'ai grandi à une époque où il y avait moins de lois, moins d'interdits qu'aujourd'hui, mais où les esprits étaient beaucoup moins ouverts... C'est paradoxal. Quand j'avais 15 ans, si on levait le doigt pour faire part d'une idée, 9 fois sur 10 on vous répondait que c'était impossible. Et peut-être parce que je n'étais pas très bon élève à l'école, j'ai eu envie de me battre, pacifiquement, contre cette armée des "pas possible". Ce que m'a apporté l'écriture dans la vie, c'est une délivrance, une liberté extraordinaires. Tout à coup, je pouvais rendre les choses possibles.

Y a-t-il des choses que vous avez voulu éviter à tout prix ?
De ne jamais m'enfermer dans un genre. Beaucoup de mes confrères ont été les écrivains d'un genre et ça leur a très bien réussi : Simenon, Agatha Christie... Les écrivains qui m'ont marqué, Romain Gary, Camus ou Hemingway, n'ont jamais été des écrivains d'un genre. Moi, j'ai souvent changé de genre. J'ai adoré Le Livre des Baltimore de Joël Dicker, car il n'appartient à aucun genre, il raconte une histoire absolument magnifique, où tout fonctionne. Pour moi, c'est ça, le roman, et c'est ce que j'essaie de faire, petit à petit. J'espère que L'horizon à l'envers n'est pas le roman d'un seul genre : ce n'est pas qu'une histoire d'amour ou de futur, c'est aussi une histoire du présent. J'aimerais emmener mon lecteur vraiment ailleurs. Et quand je dis ailleurs, c'est dans un horizon qu'il ne connaît pas.

"J''espère que L'horizon à l'envers n'est pas le roman d'un seul genre"

Qu'avez-vous vu de plus fou dans vos recherches pour L'horizon à l'envers ?
J'ai vu imprimer en 3D la matrice d'un rein, qui a été maintenu en culture cellulaire pour devenir un vrai rein. Incroyable. Dans les années 1990-2000, on disait qu'on était entrés dans la médecine moderne, et là, quand vous voyez ce que préfigure 2020, on a l'impression que la médecine de 2000 n'est déjà plus dans le même siècle. Et surtout, quand on pense à tout ce qui va se passer quand on aura ouvert la porte...

La porte ?
La médecine a été bouleversée par le séquençage complet de l'ADN, alors je n'ose imaginer ce qui se produira quand on ouvrira la porte du cerveau... Un chercheur m'a dit que tous les serveurs du monde entier suffiraient tout juste à stocker la mémoire d'un cerveau humain. C'est intéressant quand on pense qu'on est plusieurs milliards... Voilà une question passionnante à se poser, c'est de se demander si on est capable de gérer trop de souvenirs ? De gérer mille émotions ? Si on arrive à accéder aux portes de la mémoire, les psychanalystes n'auront plus de travail !

Et si on pouvait effacer nos chagrins d'amour, comme dans Eternal Sunshine of the spotless mind...
J'en ai connu quelques-uns... Quand j'ai vu ce film, je me souviens m'être dit en sortant que je ne voudrais pas qu'on efface mes chagrins d'amour : ce sont eux qui créent un jour le bonheur en amour. Si vous vous ne souvenez pas que vous avez fréquenté un mufle, comment allez-vous apprécier un gentleman ? En revanche, ce qui serait très pervers, c'est qu'on puisse modifier nos souvenirs... C'est un sujet que j'avais abordé dans Si c'était à refaire, avec un angle très différent, pas du tout futuriste.

EN SAVOIR + >> Marc Lévy chez metronews, part 2 : "Les New Yorkais ne râlent jamais"


La rédaction de TF1info

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