Festival d'Angoulême : Sandrine Revel : "J'ai voulu reproduire comme une musique intérieure"

par Jennifer LESIEUR
Publié le 29 janvier 2016 à 13h38
Festival d'Angoulême : Sandrine Revel : "J'ai voulu reproduire comme une musique intérieure"

PORTRAIT – Invitée au Festival de la bande dessinée d'Angoulême, qui se déroule jusqu'au 31 janvier, Sandrine Revel vient de remporter le prix Artemisia pour son dernier ouvrage, "Glenn Gould, une vie à contretemps" (Dargaud). Elle y réussit l'impossible : raconter la vie de l'excentrique pianiste canadien en faisant résonner la musique qui le possédait.

Le pianiste canadien Glenn Gould (1932-1982) était l'un des plus grands interprètes de Bach. S'il est devenu une sorte d'icône dans le milieu du classique et au-delà, c'était en partie pour son jeu très détaché, pur et analytique, et pour son comportement un rien étrange. Totalement possédé par la musique, il se contorsionnait en jouant, chantonnait, souriait... Plein de contradictions, d'auto-dérision, Gould a cessé de donner des concerts à 32 ans pour enregistrer ses disques dans la solitude. Beaucoup de biographies ont retracé sa vie d'ermite, mais aucune n'a approché le mystère Gould avec autant de sensibilité que la BD de Sandrine Revel.

Pourtant, l'auteur insiste : elle n'a pas l'oreille musicienne. "J'ai appris le piano sur le tard", précise-t-elle. "Je me suis intéressée à certains pianistes, plutôt dans le jazz, et à Brad Mehldau en particulier. Un ami m'a dit que si j'aimais Mehldau, je devais écouter Glenn Gould. Au début, le personnage m'a davantage fascinée que sa musique. Ce que j'aime avant tout, c'est le travail de l'artiste, la logique qui se crée entre la musique et l'interprète, et les artistes comme lui qui ne vivent que pour leur art m'ont toujours attirée."

De la musique à la bande dessinée

L'idée d'en tirer une BD n'est pas allée de soi pour Sandrine Revel, qui a commencé dans la BD jeunesse. "Je me disais souvent que ce Glenn Gould ferait un personnage de BD incroyable ! Mais je n'avais ni les épaules, ni la maturité. Je ne savais pas non plus par quel bout le prendre, ça a pris beaucoup de temps. J'ai eu un déclic quand j'ai vu sortir des biopics en BD, et j'ai proposé l'idée aux éditeurs par peur qu'on me la pique..." Plonger dans l'univers gouldien a été décisif : "il fallait que je dépasse mes peurs et y aller, montrer ce que j'avais dans le ventre".

La magie de Glenn Gould, une vie à contretemps vient à la fois de la délicatesse de ses aquarelles et de son découpage. Sandrine Revel avait commencé un récit linéaire : "au fur et à mesure que je dessinais les planches, je m'ennuyais terriblement. J'allais vers la facilité et je ne me confrontais pas vraiment au personnage". Elle a donc tout déstructuré, "avec une idée bien en tête, celle de reproduire comme une musique intérieure, avec un certain rythme, des accélérations, puis soudain un silence, des moments plus saccadés..." La prolifération de cases laisse place à une illustration en pleine page, où l'on retrouve par miracle la gestuelle de Gould au piano, sa solitude dans le Grand Nord canadien, ses lubies, son génie. L'intéressé aurait soulevé sa casquette devant tant de justesse et de fidélité.

Glenn Gould, une vie à contretemps, de Sandrine Revel, Dargaud, 128 p., 21 euros.


Jennifer LESIEUR

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