"Vendredi" par Michel Tournier : un classique pour deux générations

par Jennifer LESIEUR
Publié le 19 janvier 2016 à 9h57
"Vendredi" par Michel Tournier : un classique pour deux générations

ZOOM – Presque tous les collégiens ont lu "Vendredi ou la vie sauvage" en classe. Devenus adultes, ses lecteurs ont découvert un tout autre récit avec "Vendredi ou les Limbes du Pacifique". Les deux romans ont fait de Michel Tournier l'auteur, sur le tard, de deux classiques de la littérature française.

Michel Tournier avait attendu plus de 40 ans pour entrer en littérature. "Ce que j'avais à dire était à la fois tellement secret et tellement essentiel que j'ai eu besoin d'une longue maturation pour publier quoi que ce soit", avait-il expliqué. Et il a bien fait : en 1967, il obtient le Grand Prix du roman de l'Académie Française pour son premier roman, Vendredi ou les Limbes du Pacifique.

Ont suivi Le Roi des Aulnes, couronné du prix Goncourt en 1970, Les Météores en 1975, Gaspard, Melchior et Balthazar en 1980... Ses neuf romans ont tous été salués par la critique. Mais aucun de ses livres n'aura la même portée que ses deux Vendredi, à la fois inspirés du Robinson Crusoé de Willem Defoe et totalement réinventés.

Pour lecteurs avertis : Vendredi ou les Limbes du Pacifique (1967)

Très imprégné de mythes et de contes, Michel Tournier imagine un Robinson Crusoé comme Defoe n'aurait jamais pu l'imaginer au XVIIe siècle. Naufragé sur une île déserte qu'il baptise Speranza, le Robinson de Tournier devient presque fou de solitude. Très vite, sa situation prend des allures mystiques, décrites avec une écriture d'une beauté incomparable. Robinson va se réfugier dans la "souille", un bain de boue croupie où sa condition d'homme lui échappe peu à peu. C'est à ce moment-là que Vendredi arrive, lui aussi rescapé d'une mort certaine. Robinson lui inculque de force les principes de la civilisation. L'explosion accidentelle de leur grotte les ramène à l'état de nature, Robinson et Vendredi deviennent enfin égaux. Dans des pages sidérantes, Robinson "honore" Speranza. De cette union entre l'homme et la terre naissent des mandragores : le fantastique insuffle alors ce roman dont on ne parviendra jamais à faire le tour, même après plusieurs lectures.

Pour les plus jeunes : Vendredi ou la vie sauvage (1971)

Vendredi ou la vie sauvage constitue la version pour la jeunesse du roman précédent : Michel Tournier aimait beaucoup venir dans les écoles discuter de ce livre. A la place de l'angoisse du naufragé, l'auteur y met en avant la débrouillardise de Robinson pour survivre sur Speranza. Vendredi n'y est pas son esclave, mais son ami. Bien sûr, aucune mention de la "souille" ni des monstrueuses mandragores... On y retrouve cependant ce qui fait l'envoûtement et la profondeur des Limbes du Pacifique : en faisant de Vendredi le héros du livre, devant Robinson, Tournier éveille les jeunes consciences à la condition humaine, au racisme, au récit d'aventures vécu comme une métamorphose intérieure. Une lecture obligatoire en classe de 6e peut ouvrir bien des portes intérieures : Vendredi ou la vie sauvage reste le best-seller de l'écrivain, un tout premier classique à l'égal du Petit Prince de Saint-Exupéry.

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Jennifer LESIEUR

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