MOUVEMENT - Alors que la grève des journalistes de la chaîne iTélé se poursuit, dans les locaux plusieurs bureaux ont été déménagés afin d'accueillir la rédaction de Direct Matin. Les salariés déplorent ne pas avoir été mis au courant.
La colère des journalistes d'iTélé ne faiblit pas. Alors que le mouvement doit décider lundi 24 octobre de reconduire ou pas la grève initiée en protestation notamment de l'arrivée de Jean-Marc Morandini, les salariés ont dû faire face ce week-end du 22 octobre à un remue-ménage imprévu.
Samedi et dimanche, plusieurs bureaux des journalistes de la chaîne ont été déménagés, pour faire de la place aux nouveaux arrivants : les journalistes de Direct Matin. "La direction, elle, avait prévu ce déménagement, mais sans nous prévenir nous", s'insurge Milan Poyet, journaliste sur iTélé et un des porte-paroles du mouvement gréviste, joint par LCI dans l'après-midi du 23 octobre.
Si tu avais tes affaires sur un bureau, t'étais foutu.
Milan Poyet, porte-parole des grévistes
"On s'est informés nous-mêmes, par des 'tuyaux', mais personne n'a eu de mail. La direction a pris cette initiative alors que le CHSCT [Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ndlr] n'avait pas encore rendu d'avis sur le dossier", continue-t-il. Et selon le journaliste, tout a été balayé. "Si tu avais tes affaires sur un bureau, t'étais foutu." Dossiers en cours, notes de frais, effets personnels... Sur Twitter, le compte du mouvement gréviste a multiplié entre samedi et dimanche les publications d'images montrant des poubelles pleines.
Milan Poyet explique que les bureaux ciblés par ce grand déménagement étaient en partie moins occupés que par le passé en raison des différents changements de programmes depuis l'arrivée de Vincent Bolloré à la tête du groupe Canal Plus. Mais il se pose tout de même quelques questions. "Certains services se retrouvent embêtés. Je ne pense pas qu'ils vont toucher le service politique, mais en ce qui concerne le service culture, le service éco, je me demande où ils vont bien pouvoir aller lundi, en arrivant au bureau." Le journaliste martèle que ses collègues sont dans le noir et cette situation "n'arrange pas les choses", ni les relation avec les dirigeants.
La direction parle d'un "incident"
De son côté, la direction d'iTélé a assuré à l'AFP que ce déménagement relevait davantage d'un cafouillage que d'une volonté de nuire. Les déménageurs "n'avaient pas l'instruction de mettre les affaires de qui que ce soit à la poubelle", expliquant qu'ils "s'étaient trompés". Elle a également reconnu que ce réaménagement des bureaux avait commencé "trop tôt". "Les gens qui vont bouger seront informés à partir de lundi, il y a eu un incident ce week-end concernant les affaires de six ou sept personnes, lié au démarrage un peu précipité de l'opération de déménagement".
Pendant ce temps, déménagement de bureaux et travaux dans les locaux pour permettre l'arrivée de Direct Matin. pic.twitter.com/Nmeb3YnHTe — iGREVE (@greve_i) 22 octobre 2016
Des effets personnels des salariés sont mis à la poubelle. Les journalistes grévistes sur place tentent de récupérer un maximum de choses. pic.twitter.com/2TV7jA5QtB — iGREVE (@greve_i) 22 octobre 2016
La "News Factory" commence mal
Dans la journée du 22 octobre, les salariés d'iTélé s'étaient également énervés après la découverte sur la façade de leurs locaux de l'enseigne "News Factory", nouveau nom que Vincent Bolloré souhaite donner au pôle info de son groupe. Des lettres de la structure se sont cependant décrochées, entraînant le retrait de toute l'enseigne. "La News Factory à terre", décrivait un tweet. La direction a indiqué à l'AFP que ce décrochage était un "incident regrettable, lié à une erreur de fixation de la part du prestataire".
17h51. La "news factory" à terre. #jesoutiensITELE pic.twitter.com/nMa9u3f0rR — iGREVE (@greve_i) 22 octobre 2016
On n'avance pas
Milan Poyet
Ces changements viennent accroître les tensions. Après ce week-end, les grévistes déplorent à nouveau le silence de leur rédaction quant à leurs revendications. "Nos demandes sont pourtant très précises, très claires, très simples, on demande juste la base : pouvoir exercer notre métier convenablement. C'est nous qui tendons toujours la main à la direction, mais sans réponse".
Vendredi, lors du vote de reconduction de la grève jusqu'au 24 octobre, les organisations syndicales d'iTélé avaient demandé au ministère de la Culture et de la Communication la "nomination immédiate" d'un médiateur pour tenter de trouver une issue au conflit. Les journalistes rejettant le projet de "news factory" proposé par leur nouveau dirigeant. La ministre, Audrey Azoulay, avait affirmé le 21 octobre qu'elle soutenait les journalistes de la chaîne. "On attend toujours le médiateur", confie Milan Poyet.
Je suis contre la trumpisation de l'info. Les garanties d'indépendance des journalistes seront renforcées #Itele https://t.co/b0MCZeLifd — Audrey Azoulay (@AAzoulay) 21 octobre 2016
Milan Poyet voit dans le déménagement surprise de ce week-end le symbole de la stratégie Bolloré. "Ils [les dirigeants, ndlr] veulent faire cette chaîne sans nous, ils font même leurs bureaux sans nous, analyse-t-il. Mais nous, on est toujours là et depuis pas mal de temps! "