Nos enfants mangent-ils bien à la cantine ? Deux nutritionnistes passent au crible leurs menus

Publié le 12 octobre 2018 à 12h21, mis à jour le 12 octobre 2018 à 12h55

Source : JT 20h WE

ALIMENTATION - De la maternelle au lycée, la moitié des élèves déjeunent à la cantine. Mais nos chères têtes blondes y mangent-elles sain et équilibré ? Deux nutritionnistes, Florence Foucaut et Raphaël Gruman, ont accepté de passer au crible quatre menus scolaires de différentes villes de France (Paris, Marseille, Vannes et Fontenay-le-Comte en Vendée). Découvrez leur verdict.

Sur les 12 millions d’élèves scolarisés en France, un sur deux déjeune à la cantine en maternelle et primaire, deux sur trois au collège et au lycée. Ça fait beaucoup de "c'est pas bon", "beurk", "j'ai rien mangé"... Car même si la mode du poisson pané carré est en perte de vitesse, beaucoup d'enfants restent réfractaires à la restauration collective.

"J'en vois beaucoup en consultation et il suffit de les interroger pour comprendre que la cantine, ce n’est pas la panacée. Sur le papier, les menus sont la plupart du temps très bien constitués, mais pour que les plateaux soient consommés, la responsabilité porte sur les cuisiniers qui doivent rendre un poisson-légumes appétissant pour des enfants et des adolescents", souligne le nutritionniste Raphaël Gruman, selon qui "plus que l’équilibre, c’est en général le goût qui est en cause" et pousse malheureusement certains enfants à "se rattraper sur le pain". D'énormes progrès ont été réalisés, note de son côté la nutritionniste Florence Foucaut : "Aujourd'hui, les cantines scolaires sont obligées de faire appel à des diététiciens et même à des parents d'élèves pour la constitution de leurs menus. Et elles doivent suivre des recommandations : présenter quatre ou cinq plats dont un laitage, varier les aliments, augmenter la fréquence et la variété des fruits et des légumes, et adapter la taille des portions." 

Pour savoir ce qui est réellement servi à nos enfants à la cantine, nous avons sélectionné quatre menus scolaires de différentes villes de France durant la semaine du 1er au 5 octobre : ceux de Paris 18, Marseille, Vannes et Fontenay-le-Comte en Vendée. Et nos deux experts les ont passés au crible...

A Paris, des menus végétariens "pas très utiles"

Pour Florence Foucaut, "d'un point de vue nutritionnel", ce menu proposé en ce début octobre aux écoliers du 18e arrondissement de Paris "respecte bien les recommandations. Il y a un peu de créativité avec cet amuse bouche 'mousse thon et betterave' du jeudi, mais dans l'ensemble cela manque d'originalité. Bien sûr, c'est un peu compliqué de l'être en restauration collective : il faut que les chefs aient le temps et le matériel", tempère-t-elle. 

D'autre part, se réjouit la nutritionniste, "le Plan alimentation durable, qui prévoit d'introduire un repas végétarien par semaine, est bien respecté". Raphaël Gruman, au contraire, déconseille l'instauration d'un menu végétarien en milieu scolaire. "Personnellement, je ne suis pas fan. Aujourd'hui, on recommande des apports en protéines sur chacun des repas pour les enfants. Or parfois le soir, il n'y en n'a pas à table, donc l'intérêt c'est d'en consommer au moins à midi. C'est indispensable pour la croissance des enfants et leur constitution osseuse", avance le nutritionniste. "Par ailleurs, il est courant de remplacer la viande ou le laitage par du soja, or ce n'est pas bon pour les enfants. Ce sont des phyto-hormones qui peuvent induire au sein de l’organisme des effets comparables aux œstrogènes – les hormones féminines".

"En revanche, poursuit-il, j'approuve l'effort qui est fait du côté du bio, présent sur chacun des menus de la semaine. C'est intéressant car plus on va limiter l'apport de pesticides dans l'alimentation, mieux c'est. On sait aujourd'hui que cela a des incidences sur le développement hormonal, les risques de cancer..."

Ecole primaire : trop de viande à la cantine ?Source : La matinale
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Marseille mise sur les produits locaux

"On mise ici sur le goût et les spécificités locales, comme les raviolis à la brousse et délice de pistou ou le colin jus à l'aneth. Une originalité qu'il est bon de souligner", souligne Florence Foucaut. "D'où vient cette impulsion ?  Est-ce que c'est une demande des parents, est-ce qu'il y a eu un travail en amont sur les épices et sur les herbes ? Quand c'est très original, parfois, ce sont des tests, et si cela ne remporte pas le succès escompté, on ne retrouvera plus ce plat dans les menus. Quoi qu'il arrive, cela va dans le bon sens".

"Je confirme. Ce menu met l'accent sur les labels et les circuits courts", renchérit Raphaël Gruman. "C'est le respect des bons produits et c'est important d'inculquer ça aux enfants, au même titre que le bio. Cela fait partie de l'éducation nutritionnelle scolaire".

A Vannes, "encore trop peu de bio"

"C'est un menu assez minimaliste, pas de fioritures dans les termes utilisés", observe Florence Foucaut. "Par ailleurs, on peut noter qu'il n'y a pas d'entrée le mardi, mais que les parents ne s'inquiètent pas, il s'agit d'un menu à quatre composantes. Dans ces cas-là, d'un point de vue nutritionnel, il y a toujours un fruit cru en dessert et c'est le cas".

"On y trouve aussi peu de bio. C'est souvent une question de budget pour certaines communes", analyse de son côté Raphaël Gruman. "Mais je remarque que les produits locaux et les filières courtes sont privilégiés, du coup ça revient un peu au même".

"Attention aux menus trop élaborés" à Fontenay-le-Comte

"C'est bien d'être original ou de proposer des mélanges sucré-salé, comme ce poisson frais sauce aigre-douce ou cette salade de pomme de terre au surimi sauce ciboulette, mais attention à ne pas proposer des menus trop élaborés à des enfants entre 4 et 6 ans", prévient Raphaël Gruman. "A cet âge là, ils n'ont pas forcément la connaissance des goûts des produits bruts, alors si on associe trop de saveurs différentes, ça ne passera pas. Si on a des produits simples bien présentés, il n'y a pas besoin de mettre des sauces dans tous les sens".

Du poisson frais proposé le lundi au déjeuner, un bon point ? Florence Foucaut opine, mais sans applaudir des deux mains. "Arrêtons de diaboliser les surgelés", explique-t-elle. "Si vous avez suffisamment de personnes pour éplucher les légumes le matin, c'est bien, mais ce n'est pas toujours le cas. Et il faut savoir une chose : quand vous achetez des produits frais sur le marché qui ont été stockés pendant trois jours et récoltés il y a huit jours, au niveau nutritionnel, ils seront moins riches en vitamines et minéraux qu'un produit récolté et surgelé dans les deux heures qui suivent. De plus, on perd moins de vitamines à la décongélation". 


Virginie FAUROUX

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