Ouverture d'une information judiciaire : tout comprendre de l'affaire des assistants parlementaires du MoDem

Hamza Hizzir, Vincent Michelon
Publié le 20 juillet 2017 à 15h05, mis à jour le 20 juillet 2017 à 15h17
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Source : Sujet JT LCI

DÉCRYPTAGE - Le parquet de Paris a ouvert le 19 juillet une information judiciaire dans l'enquête sur les emplois d'assistants parlementaires européens par le MoDem, des chefs "d'abus de confiance, recel d'abus de confiance et escroqueries". Une affaire qui a provoqué les démissions de trois ministres, Sylvie Goulard, François Bayrou et Marielle de Sarnez . De quoi parle-t-on ?

Un peu moins d'un mois après la démission des trois ministres MoDem du gouvernement, François Bayrou, Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard, l'enquête qui a provoqué leur départ rebondit. 

Le parquet a indiqué jeudi à LCI avoir ouvert une information judiciaire le 19 juillet "contre personne non dénommée, des chefs d'abus de confiance, recel d'abus de confiance et escroqueries". C'est une nouvelle étape dans cette affaire qui avait conduit à l'ouverture, le 9 juin, d'une enquête préliminaire confiée à l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales. De quoi s'agit-il ?

Un livre et des révélations

La justice cherche à déterminer si le MoDem a employé des collaborateurs aux frais du Parlement européen. Certains attachés parlementaires (19 eurodéputés seraient concernés) sont soupçonnés d’avoir occupé des emplois fictifs, selon des informations qui ont été dévoilées par France Info. Le Canard enchaîné a mis en cause nommément François Bayrou et Marielle de Sarnez dans cette affaire. Les enquêteurs cherchent à faire la lumière sur les rémunérations de ces collaborateurs, à la fois employés par le parti et par le Parlement, et parvenir à distinguer les missions distinctes exercées pour ces deux employeurs. 

Cette affaire aurait pu éclater il y a trois ans. À l’époque, Corinne Lepage, alors députée européenne MoDem, s’était émue de certaines pratiques dans un livre. Elle y dénonçait le recours à de nombreux "emplois fictifs" pour "assurer le secrétariat des uns et des autres"... Avant d’ajouter : "Lorsque j’ai été élue au Parlement européen en 2009, le MoDem avait exigé de moi qu’un de mes assistants parlementaires travaille au siège parisien. J’ai refusé en indiquant que cela me paraissait d’une part contraire aux règles européennes, et d’autre part illégal." Aucune enquête n’avait été ouverte à l'époque. Corinne Lepage a en revanche été entendue comme témoin mardi 20 juin dans l'enquête du parquet de Paris. Depuis, un ex-collaborateur du MoDem entendu par la justice a confirmé des "arrangements", des accusations rejetées en bloc par François Bayrou. 

Emplois fictifs présumés au MoDem : un ancien collaborateur confirme des arrangements, Bayrou répliqueSource : JT 20h WE

Un cas a notamment été épinglé par Le Canard enchaîné, celui de Karine Aouadj. Assistante personnelle de François Bayrou dès 2007, elle a, selon l'hebdomadaire satirique, signé en 2010 un avenant pour devenir assistante parlementaire locale de Marielle de Sarnez. Dans un premier temps, la moitié de sa rémunération aurait été prise en charge par le Parlement européen, avant que cela ne passe aux deux tiers. Des sources proches du président du MoDem ont cependant certifié au Canard Enchaîné qu’elle était "la collaboratrice personnelle de François Bayrou" et qu'elle "n’a jamais travaillé pour l’Europe". De nombreux avenants de détachement de ce genre auraient été signés au sein du parti centriste, suspecté d’avoir ainsi allégé ses finances durant plusieurs années sur le dos du Parlement européen.

Charge à la justice, désormais, de faire le tri entre le travail effectué pour le parti et celui dédié aux missions européennes. Mais surtout de déterminer si ces pratiques sont légales ou non, ce qui n’a pas été établi. Toutefois, cette affaire pose moins une question légale que morale. Si Sylvie Goulard, François Bayrou et Marielle de Sarnez ont dit adieu à leur portefeuille ministériel, c’est d’abord pour éviter que cette procédure ne vienne empoisonner les débats sur la "loi pour la confiance dans la vie démocratique", dont le gouvernement, et le MoDem en particulier, avaient fait un symbole fort. 

François Bayrou explique que le parti voulait "recaser un maximum de salariés"

Dans une interview au journal Sud-Ouest, François Bayrou s'est exprimé sur cette affaire. Il a reconnu que le MoDem traversait "une mauvaise passe" et cherchait "à recaser un maximum de salariés" tout en affirmant qu'il n'a jamais recouru à des emplois fictifs. "Dans une période de mauvaise passe comme toutes les formations politiques en ont connu, vous cherchez à recaser un maximum de salariés, des gens de confiance. Ils se trouve que les parlementaires européens recherchaient des assistants locaux. On leur a recommandé ces gens-là. Les deux parties étaient bien contentes", a déclaré au quotidien l'ancien Garde des Sceaux. 

"Où est l'irrégularité là-dedans ? (...) C'est pareil avec un agriculteur qui ne peut plus supporter le poids d'un salaire. Il cherche un voisin qui a besoin d'un mi-temps. Je répète ma formule : l'emploi au MoDem a été normal, régulier et légal. J'ajoute moral" a insisté François Bayrou, pour qui "on a monté une affaire tout à fait infondée".


Hamza Hizzir, Vincent Michelon

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