DÉCRYPTAGE –Jean-Christophe Picard, président de l’association de lutte contre la corruption Anticor, nous explique comment les parlementaires français, particulièrement bien lotis à ses yeux, pourraient être mieux contrôlés.
La vie politique sera-t-elle un jour plus morale, plus éthique ? Rien n’est moins sûr. Mais alors que l’affaire Fillon tient le pays en haleine depuis maintenant plus de trois semaines, Jean-Christophe Picard, président de l’association de lutte contre la corruption Anticor, se montre assez pessimiste quant à un éventuel changement dans la pratique de l’action publique. Même s’il ne désespère pas.
En France, ce qui est incroyable, c’est l’incompréhension de la classe politique par rapport aux attentes de la population, déplore-t-il. Ils ne comprennent pas où est le problème et aucun des candidats à la présidentielle, à part peut-être Jean-Luc Mélenchon qui s'est engagé à respecter les recommandations d'Anticor mais sans préciser lesquelles, ne propose de choses concrètes en matière de contrôle du monde politique. (…) Les citoyens doivent s’emparer de cette problématique."
10 propositions concrètes pour changer les choses
Via une pétition lancée sur le site Change.org, Anticor, dont les adhésions ont bondi de 400% après les révélations du Canard enchaîné sur l’ancien Premier ministre, ambitionne donc de mettre cette thématique au cœur de la campagne. Car, explique Jean-Christophe Picard à LCI, "le problème n’est pas tant François Fillon, mais les règles qui permettent ce type d’abus". Pour ce faire, l’association a mis en place une charte éthique comportant dix propositions concrètes et appelle les futurs électeurs à la signer afin d'exiger des candidats qu'ils s’engagent sur ces questions.
Outre le renforcement du non-cumul des mandats, qu’elle défend depuis longtemps, ou le fait que les candidats devraient produire un casier judiciaire vierge afin de se présenter à une élection, Anticor veut notamment mettre fin à l’inviolabilité dont bénéficient les parlementaires. Celle-ci, souligne l’association, leur permet, tout comme au président de la République, "de ne pas être poursuivi pendant la durée de leur mandat même pour des actes étrangers à l’exercice de leurs fonctions".
À noter que l’inviolabilité n’est pas à confondre avec l’immunité, qui regroupe l’ensemble des dispositions assurant aux parlementaires un régime juridique dérogatoire au droit commun dans leurs rapports avec la justice afin de préserver leur indépendance.
Une question morale mais aussi financière
Mais l’association ne s’arrête pas là. Elle souhaite ainsi supprimer les juridictions d’exception comme la Cour de justice de la République (CJR), particulièrement critiquée lors du jugement de Christine Lagarde, mettre fin au système des enveloppes parlementaires, "outil du clientélisme" selon elle, ou encore encadrer plus strictement l’action des lobbyistes, en prohibant toute remise de cadeaux aux élus par exemple. Anticor soutient par ailleurs que l’ensemble des collaborateurs parlementaires soient embauchés par l’Assemblée, et pas directement par le député.
Si ces mesures permettraient selon l’association de moraliser la vie publique, elles constitueraient aussi un moyen d’assainir des finances publiques actuellement en déliquescence. "Le déficit public de la France pourrait être comblé en gérant mieux le problème de la fraude fiscale, poursuit encore Jean-Christophe Picard. C’est un énorme enjeu de politique budgétaire. Tout le monde est victime de la fraude fiscale, puisqu’elle engendre plus d’impôts. Les gens finissent donc par payer, mais ils ne l’ont pas encore bien intégré. Car si on leur demande de se serrer la ceinture c’est en grande partie pour réparer tous ces manquements."