Christiane Taubira : une démission qui pose (tout de même) question

par Nicolas MOSCOVICI
Publié le 27 janvier 2016 à 11h56
Christiane Taubira : une démission qui pose (tout de même) question

GOUVERNEMENT - Mercredi, la démission de Christiane Taubira du ministère de la Justice a été officialisée. Un départ qui, dans son calendrier au moins, a surpris et qui pose quelques questions. Tentative d’explication.

► Quand cette démission a-t-elle été actée ?
Selon plusieurs sources concordantes, la démission de Christiane Taubira a été scellée par François Hollande samedi matin, en présence de Manuel Valls, avant le départ du président de la République pour un voyage officiel en Inde. "Le président de la République, le Premier ministre et la garde des Sceaux en étaient arrivés (...) à la conclusion commune et partagée que la cohérence devait conduire à son départ du gouvernement", a déclaré une source citée par l’AFP.

L’annonce de la démission de Christiane Taubira - et son remplacement par Jean-Jacques Urvoas, un proche de Manuel Valls - n’est intervenue que ce mercredi matin, au retour du chef de l’Etat dans l’Hexagone. Si le départ de la garde des Sceaux était dans l’air depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, les observateurs pouvaient s'attendre à la voir quitter le gouvernement plutôt mi-février, dans le cadre d’un mini-remaniement qui devrait voir Laurent Fabius quitter le quai d’Orsay pour rejoindre le Conseil constitutionnel . Reste une interrogation : Christiane Taubira a-t-elle claqué la porte du gouvernement ou a-t-elle été débarquée par le couple exécutif ?

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► Pourquoi maintenant ?
L’annonce de la démission de la ministre de la Justice intervient le jour-même où Manuel Valls vient défendre, auprès de la commission des Lois de l’Assemblée nationale - dont le président n’était autre que Jean-Jacques Urvoas -, le projet de révision constitutionnelle voulu par François Hollande après les attentats du 13 novembre. Et notamment, son article 2, explosif, consacré à la déchéance de nationalité.

Une mesure qui hérisse l’aile gauche de l’échiquier politique et contre laquelle Christiane Taubira s’était élevée avec fracas en fin d’année dernière. Le 21 décembre dernier, la garde des Sceaux affirmait, sur une radio algérienne, que la déchéance ne figurerait pas dans le projet de réforme constitutionnelle, avant d’être contredite par François Hollande en personne quelques jours plus tard. "Christiane Taubira s’est trompée", avait pour sa part jugé Manuel Valls. Une phrase lourde de sens dans la bouche d’un Premier ministre, qui, on le sait, entretenait depuis le début du quinquennat des relations orageuses avec la locataire de la place Vendôme.

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Même si elle ne fait pas explicitement référence à ce projet polémique, dans le tweet qu’elle a publié mercredi matin à l’annonce de sa démission Christiane Taubira ne cachait pas son amertume : “Parfois résister c’est rester, parfois résister c’est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l’éthique et au droit”, a-t-elle ainsi écrit dans un message directement adressé au président et son Premier ministre.

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► Quelles conséquences politiques ?
En mettant fin aux fonctions de Christiane Taubira - à qui il a exprimé "sa reconnaissance pour son action", soulignant "son rôle majeur dans l’adoption du mariage pour tous " - François Hollande prend le risque de froisser encore un peu plus son aile gauche. Après les départs du gouvernement, au fil du temps, de Cécile Duflot, Arnaud Montebourg, Aurélie Filippetti ou Benoît Hamon, la ministre de la Justice constituait la dernière "caution de gauche" de l’équipe Valls. Avec sa démission, le gouvernement gagne donc "en cohérence" pour les derniers mois de mandat. En revanche, à seize mois de la prochaine élection présidentielle, l’actuel locataire de l’Elysée voit de facto sa majorité se rétrécir encore.

A droite, la démission de Christiane Taubira a été accueillie avec satisfaction, celle-ci étant régulièrement brocardée pour son soi-disant "laxisme" en matière pénale. Pour autant, l’opposition perd là sa "cible préférée" et la possibilité - largement exploitée jusqu’ici - de s’engouffrer dans les polémiques dont était régulièrement l'objet celle qui, jusqu’à ce week-end, était la patronne de la Justice française.

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Nicolas MOSCOVICI

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