Déchéance, bagne, prison à vie, peine de mort... Les politiques déraillent-ils face au terrorisme ?

Publié le 25 mars 2016 à 16h39
Déchéance, bagne, prison à vie, peine de mort... Les politiques déraillent-ils face au terrorisme ?

PANIQUE A BORD - Depuis les attentats de novembre, les responsables politiques français rivalisent de propositions pour apporter des réponses symboliques à la question terroriste. Au point, parfois, de faire vaciller les valeurs de leurs familles politiques. Des mesures à la hauteur de l'enjeu ?

Les politiques sont-ils en voie de radicalisation ? Depuis les attentats du 13 novembre 2015, et encore cette semaine après ceux de Bruxelles, les élus français sont lancés dans une course effrénée pour tenter de proposer une riposte nationale à la menace terroriste.

François Hollande avait ouvert le bal, le 16 novembre au Congrès, en proposant d'intégrer dans la Constitution la déchéance de nationalité pour les auteurs d'attentats. Une mesure très symbolique qui n'a cessé de déchirer les responsables politiques et qui pourrait finir très vite aux oubliettes .

Propositions fleuries

Le chef de l'Etat a été suivi, au cours des mois suivants, par les parlementaires à l'origine de propositions de toutes sortes, de plus en plus radicales et ayant au moins un point commun, celui d'être inapplicables au regard des libertés fondamentales. Parmi celles-ci : la réouverture des bagnes ou la création d'un "Guantanamo européen" (Nicolas Dupont-Aignan, DLF), l'internement préventif des suspects fichés S (Laurent Wauquiez et Bruno Le Maire, LR), la "mise sous tutelle" des "Molenbeek français" (Malek Boutih, PS), la perpétuité réelle pour les condamnés (Nathalie Kosciusko-Morizet, LR)... La liste est longue. Jeudi, Xavier Bertrand (LR) franchissait une étape supplémentaire en indiquant qu'il n'aurait "pas voté" l'abolition de la peine de mort en 1981. Un essai transformé vendredi par le député Olivier Dassault :

Mais pourquoi vont-ils si loin ? Interrogé mardi par metronews, le député de la Manche Philippe Gosselin (LR) ne cachait pas sa gêne face à la multiplication des initiatives personnelles. "Il faut éviter la polémique, faire attention à la surenchère, au concours Lépine des mesures contraignantes. Si nous voulons être crédibles, nous devons soutenir des propositions fortes". Le député préférait que les parlementaires se concentrent sur "l'inventaire" des mesures déjà engagées (pas moins de deux lois sur le renseignement, deux lois antiterroristes et une réforme pénale).

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Même son de cloche chez Hervé Mariton, candidat à la primaire de la droite, pour qui "on a déjà un arsenal" pour lutter contre le terrorisme. Récemment, à Marseille, François Fillon ne disait pas autre chose en demandant "d'arrêter de parler de nouvelles lois, de révision constitutionnelle". Selon l'ex-Premier ministre, "l'arsenal législatif existe sur la sécurité et le terrorisme, mais il faut l'appliquer". 

"Faire croire que tout est sous contrôle"

Pour le politologue Thomas Guénolé, "cette surenchère pénale est d'autant plus inutile qu'elle ne dissuadera jamais un kamikaze d'agir. Mais de cette façon, certains responsables politiques veulent donner l'impression qu'ils ont des idées, des solutions, faire croire que tout est sous contrôle. Cela montre aussi un problème d'incompétence sur le sujet abordé". Le politologue en déduit "un décrochage entre les politiques et la population, qui a compris que c'était la foire aux vents". 

Malgré la flambée de propositions symboliques, le pragmatisme semble majoritaire chez les parlementaires. A l'instar de Georges Fenech (LR), qui préside la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de 2015, ils en appellent désormais à un coordination européenne de la lutte antiterroriste. Et rappellent, comme ce député, qu'une grosse partie de la guerre contre le terrorisme se joue actuellement sur le terrain, en Syrie.


Vincent MICHELON

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