Emmanuel Macron, le ministre que ses camarades adorent détester

Violette Robinet et Antoine Rondel
Publié le 6 mai 2016 à 22h20
Emmanuel Macron, le ministre que ses camarades adorent détester
Source : AFP/SIPA

REPOUSSOIR – Emmanuel Macron aime s'attaquer aux totems de la gauche. Les fonctionnaires, les 35 heures... Il aime aussi proposer quelques réformes hors-cadre. Ce qui ne plait pas toujours, aussi bien chez les ténors socialistes qu'au plus haut sommet de l'Etat.

Mouvement "En marche!", 35 heures, ISF, statut des fonctionnaires… Le ministre de l’Economie Emmanuel Macron agace nombre de responsables socialistes pour ses prises de position jugées trop éloignées des idéaux de la gauche ou par sa façon de faire cavalier seul. A se demander si l'hôte de Bercy ne sert pas d'épouvantail de droite au gouvernement pour se racheter une conscience de gauche à bon compte devant ses électeurs. Et ce n'est pas son statut de bête des sondages – à gauche, en tout cas – en vue de 2017 qui vont arranger les choses.

Michel Sapin

Après "Macron est un con", Michel Sapin aurait trouvé une autre insulte pour désigner son colocataire de Bercy. Le ministre des Finances surnommerait Emmanuel Macron "le taré du troisième étage", selon Le Parisien du vendredi 6 mai, le troisième étage désignant le bureau du ministre de l'Economie dans les locaux du ministère qu’ils partagent. Une preuve de plus des tensions qui subsistent entre les deux tauliers de Bercy.

Jean-Marc Ayrault

L'ex-Premier ministre, reconverti aux Affaires Etrangères, n'a guère apprécié que son collègue de l'Economie envisage de faire des infidélités à François Hollande. "Il doit se concentrer essentiellement sur son travail parce que si l'économie va un peu mieux, on n'est pas encore sortis de la crise", a-t-il taclé, au lendemain d'une interview dans laquelle Emmanuel Macron expliquait ne pas être "l'obligé" du Président.

Michel Sapin, bis

"En marche !" annonce tout fier de lui le ministre. Mais il ne rallie pas tellement autour de lui. Et certainement pas son colocataire de Bercy, le ministre des Finances Michel Sapin. Qui, comme le rapporte Le Figaro, ne se lasse jamais de rabaisser son cadet : "Il a plutôt une belle gueule et un sourire craquant... et c'est beaucoup de buzz" ; de le tancer sur son efficacité : "Faire de la politique quand on est ministre, c'est bien. Mais il faut d'abord faire son travail" ; son sens politique "Nier les clivages, c'est simplement être ailleurs" ; ou son manque de légitimité : "Se frotter au suffrage universel, c'est utile".

Manuel Valls

"C'est moi le chef du gouvernement. C'est moi le chef du gouvernement. Je ne crois pas qu’on puisse en douter." Compris, monsieur le ministre de l'Economie ? Si "le chef du gouvernement" a jugé utile de faire ce rappel mercredi 9 décembre sur RMC, c'est qu'Emmanuel Macron s'est senti pousser des ailes  en songeant à rapatrier le RSI, le régime social des indépendants, dans le régime général. Si le diagnostic sur les échecs du RSI est partagé par Valls, pas question d'envisager une seconde la solution prônée par le patron de Bercy. Une fois de plus, donc.

Claude Bartolone

De la part du candidat socialiste pour la région Ile-de-France, point de haine. Mais un tacle bien senti, jeudi 12 novembre au micro des Indés-LCI-metronews, alors que le président de l'Assemblée nationale était interrogé sur la dernière polémique soulevée par le golden boy de Bercy. Alors que le ministre de l’Economie s'était dit favorable "à titre personnel" à la rémunération des fonctionnaires au mérite, Claude Bartolone a rétorqué : "Emmanuel Macron, je l’aime beaucoup, il dit des choses indispensables à la modernisation du pays, mais il aurait mieux fait de se taire." Sympathique mais ferme.

Stéphane Le Foll

"Qu'est-ce que c'est que ce type de la gauche caviar qui n'a jamais foutu les pieds à Solférino ? Je ne l'ai jamais vu au PS !" Cet extrait du livre Frères ennemis, dont les bonnes feuilles ont été dévoilées dans L'Obs , est on ne peut plus clair. Stéphane Le Foll a un peu de mal avec son collègue de Bercy. Fidèle de François Hollande, le porte-parole du gouvernement nourrit une certaine amertume devant le statut de chouchou d'Emmanuel Macron auprès du président (voir encadré).

Ségolène Royal

Lors d'une interview au lance-flammes sur CNN, le ministre de l’Economie a qualifié les syndicalistes qui s'en étaient pris aux dirigeants d'Air France lundi 5 octobre de "personnes stupides". Le soir-même de l'interview, la ministre de l'Ecologie a remis en place son collègue : "Chercher à opposer les salariés les uns aux autres, ça n'a jamais marché." En ajoutant : "Je ne veux pas critiquer un ministre." Cela va sans dire.

Martine Aubry

C’est la maire de Lille qui a le plus frontalement fait part de son agacement à l’égard du locataire de Bercy, qui a remis en question fin août les 35 heures dont elle a été l’artisane quand elle était ministre du Travail. "Ras-le-bol" d’Emmanuel Macron , a-t-elle lâché mercredi, lors de sa conférence de rentrée. "C'est le ministre de l'Economie, il doit mettre toute son énergie à accélérer la croissance et l'emploi", a-t-elle tancé, commentant ses propos sur le statut des fonctionnaires. "Je ne retire rien de ce que j'ai dit, ni dans le positif, ni dans le ras-de-bol", a-t-elle d’ailleurs encore martelé vendredi.ionnaires.

Jean-Christophe Cambadélis

Le premier secrétaire du PS a abondé vendredi dans le sens de celle qui l’a précédé à la tête du parti. Son "ras-le-bol" est "partagé, y compris dans l'exécutif", a-t-il estimé. "Je [m]'imagine mal [lui] tresser des couronnes, d'autant que le président de la République et le Premier ministre ont recadré ses propos", a-t-il jugé, ajoutant que la formule de la maire de Lille "était raide mais je la crois partagée, y compris dans l'exécutif". Début septembre 2015, les deux hommes s’étaient rencontrés pour aplanir leurs différends après les propos de Macron sur le temps de travail à l’université d’été du Medef...

Claude Bartolone, bis

La tête de liste Ile-de-France pour les régionales n’a pas non plus goûté les propos de l’ancien banquier sur le statut des fonctionnaires. "Je le dis et le répète : j'ai beaucoup d'amitié pour Emmanuel Macron. Mais je lui dis : 'Emmanuel, fais attention. Il y a des choses que tu dis qui te font du tort et nous en font aussi'. En nous faisant du tort, ça ne fait pas de bien au pays", a prévenu le président de l’Assemblée nationale dimanche dernier au micro de RTL.

Marylise Lebranchu

Au gouvernement, le jeune ministre agace également. Sa collègue Marylise Lebranchu l’a elle aussi appelé à plus de réserve après ses sorties remarquées. "Un ministre n'est pas libre de ses propos. Il faut être extrêmement prudent, parler le moins possible", lui a rappelé la ministre de la Fonction publique.

François Rebsamen

D’autant plus qu’Emmanuel Macron aurait tendance à vouloir empiéter sur les plates-bandes des autres ministres. En juin, François Rebsamen avait ainsi jugé nécessaire de le renvoyer dans ses cordes. "Le travail, c’est moi ; lui, il s’occupe d’économie", avait expliqué celui qui était alors à la tête du ministère du Travail , après un entretien d’Emmanuel Macron aux Echos dans lequel il appelait le gouvernement à "continuer à réformer en profondeur le marché du travail". A son arrivée en poste, sa remplaçante rue de Grenelle Myriam El Khomri aurait d'ailleurs été mise au parfum. "La première chose à faire, c’est de marquer son territoire par rapport à Macron", lui aurait conseillé un membre du gouvernement, selon Libération .

Michel Sapin, ter

Le ministre des Finances Michel Sapin aurait lui mal supporté les interventions récurrentes d’Emmanuel sur le dossier grec.  Au point qu'un de ses conseillers a rapporté à la presse qu'il avait l'habitude de traiter Emmanuel Macron de "con". Rumeur contredite par l'intéressé, qui n'avait toutefois pas démenti son énervement.

Axelle Lemaire

La tension serait également palpable avec la secrétaire d’Etat au numérique Axelle Lemaire. "Elle le trouve insupportable, il la trouve nulle. Ils ne peuvent pas se voir, ne se parlent pas", indique à Libération un membre du gouvernement. En juin, Emmanuel Macron, son ministre de tutelle, aurait tenté d’obtenir la tête de celle qui fait elle aussi figure de jeune première au sein du gouvernement. Sans succès.

Manuel Valls, bis

Officiellement, entre Manuel Valls et Emmanuel Macron, tout allait bien. Pendant un temps, du moins. Si le chef du gouvernement a jugé bon de recadrer son ministre après sa sortie sur le statut des fonctionnaires, réaffirmant son attachement au statut de la fonction publique, il a assuré le soutenir "jusqu’au bout". De nouveau interrogé sur le sujet sur le plateau de Des paroles et des actes, le Premier ministre s’en était sorti par une pirouette, "Emmanuel, tu n’as pas fait ça ?" avant d’ajouter qu'il préférait "des gens compétents avec une forte personnalité dans (son) gouvernement." Mais en coulisses, Manuel Valls serait parfois excédé par son ministre le plus populaire, qui joue les francs-tireurs à gauche et lui dispute le statut de personnalité de gauche préférée des Français. A l'époque du vote sur la "loi Macron", Valls agacé, n’aurait pas cessé de marteler: "Ce n'est pas la loi Macron, c'est la loi du gouvernement!"

Les frondeurs

Si le Front de gauche fait de la démission d’Emmanuel Macron un préalable au rassemblement de la gauche, le ministre de l’Economie est devenu, pour les frondeurs du PS, le symbole de la politique sociale-libérale du gouvernement. "On a fait partir Arnaud Montebourg pour moins que cela. Emmanuel Macron s'est un peu spécialisé dans des provocations consistant finalement à utiliser la rhétorique et des mots de la droite et à les endosser comme un ministre supposé de gauche", l’a dézingué devant la presse Laurent Baumel , figure de l’aile gauche du parti socialiste, après ses propos sur les fonctionnaires.


Violette Robinet et Antoine Rondel

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