SANTÉ - Les autorités françaises veulent interdire l'usage agricole du désherbant controversé d'ici 2022, au grand dam du syndicat FNSEA. Problème : l'Union européenne vient de proposer un prolongement de l'autorisation sur dix ans. Couac du gouvernement ou coup de bluff ?
Le glyphosate n'a pas fini de semer la pagaille au sein du gouvernement. Lundi matin, Christophe Castaner est allé un peu vite en annonçant sur BFMTV que le Premier ministre avait "arbitré", sur le dossier chaud de cet herbicide controversé, et que la France entendant bien faire interdire d'ici à la fin du quinquennat son usage agricole, comme c'est déjà le cas dans les collectivités locales depuis le 1er janvier 2017, et chez les particuliers à partir du 1er janvier 2019.
Une déclaration manifestement précipitée. Dans la foulée, un communiqué d'Edouard Philippe a rectifié le tir, précisant avoir demandé aux ministres de l'Agriculture et de la Transition écologique de lui présenter "avant la fin de l'année" les conditions d'un "plan de sortie" du glyphosate, "compte tenu de l'état de la recherche et des alternatives disponibles pour les agriculteurs". Sur LCI, Nicolas Hulot a également indiqué "qu'aucune décision n'est prise", et que le gouvernement prendrait sa décision "d'ici à la fin de l'année". Christophe Castaner lui-même a fini par faire machine arrière.
La France n'a pas la main
Et pour cause : le dossier, comme le souligne l'ex-ministre de l'Environnement Corinne Lepage, ne peut pas être tranché unilatéralement par la France.
Pipeau !! La décision est européenne et se fait sur10 ans,pas 5.Incompétence évidente. Jusqu ou les mesures contre la sante et le climat ??? https://t.co/Zsipx6kIkJ — Corinne Lepage (@corinnelepage) 25 septembre 2017
En la matière, c'est la Commission européenne qui a la main. Et cette dernière est pour l'heure aux antipodes de la position française. Sur la base des conclusions de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), rendues en mars 2017, Bruxelles vient de proposer au contraire d'autoriser l'herbicide pour dix années supplémentaires. L'ECHA avait estimé, dans son avis, que le produit controversé avait bien une toxicité avérée pour les milieux aquatiques, mais qu'il ne pouvait, en l'état actuel de la recherche, être classé comme cancérogène. Une position qui arrange le syndicat agricole FNSEA, vent debout contre l'interdiction envisagée par le gouvernement français.
La proposition de la Commission européenne doit être soumise au vote des Etats membres, à la majorité qualifiée, début octobre. La France a fait connaître sa position de longue date. Mais lors d'un précédent vote sur le glyphosate, en 2016, sept pays dont l'Allemagne et l'Italie s'étaient abstenus, ce qui avait conduit la Commission à prolonger l'autorisation du produit en attendant de nouvelles expertises des agences européennes. Ces expertises ayant été réalisées, les Etats membres sont aujourd'hui au pied du mur, et rien ne garantit que la position française soit majoritaire lors de ce nouveau round. Ce qui est sûr, c'est que la position européenne s'imposera, qu'elle consiste à interdire ou à prolonger l'utilisation de cette substance contenue notamment dans le fameux Roundup du groupe Monsanto.
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Avis divergents au sein du gouvernement
Ce contexte explique la prudence d'Edouard Philippe et de Nicolas Hulot. Mais la prise de position française peut également apparaître comme un coup de pression supplémentaire sur les Etats membres et la Commission, à quelques jours de ce vote décisif.
Le glyphosate ne cesse de semer le trouble au sein du gouvernement. Il y a quelques jours, le ministre de l'Agriculture Stéphane Travers proposait une voie médiane consistant à prolonger "de cinq à sept ans" l'autorisation de l'herbicide, contre dix ans pour la Commission européenne. Nicolas Hulot, au contraire, veut en finir avec ce produit controversé. Ce qui promet un face-à-face musclé entre les deux ministres, qui doivent plancher ensemble sur le "plan de sortie" demandé par Edouard Philippe. En juin dernier, le ministre de la Transition écologique et solidaire avait déjà remporté un bras-de-fer avec celui de l'Agriculture sur le dossier de l'interdiction des pesticides nicotinoïdes "tueurs d'abeilles".