Polémique autour de Laurent Wauquiez : le détachement, antichambre dorée des élus

Publié le 15 septembre 2017 à 15h24
Polémique autour de Laurent Wauquiez : le détachement, antichambre dorée des élus

DROITS ACQUIS - Laurent Wauquiez est au centre d'une polémique pour s'être mis en détachement du Conseil d'Etat, un régime avantageux, où il n'a travaillé que deux mois en 13 ans. Pourtant, il est loin d'être le seul à poursuivre cette pratique de plus en plus contestée. De quoi s'agit-il exactement ?

"Emploi fictif" pour le député PS Olivier Faure, "assisté" pour d'autres... Depuis deux jours et un article de Lyon Capitale relatif au détachement de Laurent Wauquiez de sa fonction de maître des requêtes au Conseil d'Etat, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, candidat à la présidence des Républicains, est au cœur de toutes les critiques. 

L'article en question ciblait l'arrêté du 4 septembre 2017, qui permet à l'élu - et potentiel favori pour prendre la tête du parti LR - de se consacrer à ses fonctions politiques tout en continuant à cumuler les points de retraite et l'avancement lié à cette fonction au Conseil d'Etat. Comme il ne s'agit pas de son premier détachement, Laurent Wauquiez a au total cumulé l'équivalent de 13 années de droits à la retraite, alors qu'il n'a exercé que deux mois d'activité, depuis 2004, au sein de la prestigieuse institution. Pourtant, Laurent Wauquiez est loin d'être le seul à recourir à cette pratique légale. 

Un parachute confortable pour les élus locaux

Ce qui peut choquer aujourd'hui est, comme le revendiquait Laurent Wauquiez dans son post Facebook publié jeudi, une pratique entièrement légale. La loi stipule que "le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite". Il continue, par conséquent, à cotiser à la caisse de retraite d'origine, quelle que soit la durée de son détachement. 

Ce que l'élu ne précise pas, c'est que la loi offre - outre la démission pure et simple - une autre option aux fonctionnaires partis rejoindre des fonctions électives, un poste dans l'administration voire un emploi dans le secteur privé. Il s'agit de la mise "en disponibilité" d'un fonctionnaire, placé à sa demande hors de son administration d'origine. Mais s'il choisit cette option, il cessera immédiatement de bénéficier de ses droits à l'avancement et à la retraite... La jurisprudence spécifique du Conseil d'Etat puis la loi de moralisation de 2013 ont d'ailleurs contraint les parlementaires nationaux et européens à se mettre en disponibilité, et non en détachement de leur corps d'origine. Mais les élus locaux - dont Laurent Wauquiez fait partie, ayant achevé son mandat de député en juin dernier - échappent à cette obligation et peuvent opter pour le détachement, bien plus avantageux.

Laurent Wauquiez n'est pas le seul

Comme le soulignait Jean-François Copé vendredi sur France Info pour soutenir son camarade LR, Laurent Wauquiez est loin d'être le seul à y avoir eu recours. Chez les hauts responsables politiques passés par les grands corps de l'Etat, c'était même souvent la règle. Parmi ceux qui ont eu recours au détachement figure notamment François Hollande, qui a continué de cumuler les points de retraite hors de son administration d'origine, la Cour des comptes, durant ses mandats. Il n'a jamais démissionné. 

Idem pour Laurent Fabius, actuel président du Conseil constitutionnel, qui s'était mis en détachement du Conseil d'Etat en 1978, avant d'entamer sa longue carrière politique. Le député LR de l'Yonne Guillaume Larrivé, membre du Conseil d'Etat depuis 2002, où il est maître des requêtes, s'est lui aussi mis en détachement en 2012, lorsqu'il a été élu à l'Assemblée nationale, après avoir occupé diverses fonctions au sein des ministères. 

Edouard Philippe, le spécialiste

L'un des cas les plus exemplaires de détachement est celui d'Edouard Philippe. Affecté à la section du contentieux du Conseil d'Etat entre 1997 et 2002, l'actuel Premier ministre s'était mis en disponibilité avant les législatives, pour être réintégré aussitôt après sa défaite. Il s'était remis en disponibilité immédiatement pour devenir directeur général des services de l'UMP, puis pour entrer dans un cabinet d'avocat en 2005. En 2007, il avait demandé, cette fois, un détachement (le régime, donc, qui permet l'avancement et la retraite) pour entrer dans le groupe Areva. Réintégré au Conseil d'Etat en 2010 (et promu "conseiller maître"), il a été à nouveau détaché, le même jour, pour prendre ses fonctions de maire du Havre, tout en exerçant au sein d'un cabinet d'avocats. Il a été réintégré en 2012... Pour être immédiatement détaché afin de devenir député... 

Mais à l'heure où les pratiques politiques sont appelées à changer, sur fond de loi de "moralisation" de la vie publique, certains élus ont anticipé d'eux-mêmes leur situation. Après avoir profité du régime du détachement en 2002, pour devenir députée, puis en 2007, pour entrer au gouvernement, Valérie Pécresse a définitivement démissionné du Conseil d'Etat avant d'être élue présidente de la région Ile-de-France. L'ex-députée Nathalie Kosciusko-Morizet et l'actuel ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, avaient fait de même début 2015, choisissant de démissionner de l'administration pour se consacrer à la vie politique. Quand on veut...


Vincent MICHELON

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