MATIGNON - Suivi par les caméras de "Sept à Huit", Edouard Philippe se présente en responsable politique attaché à prendre de la distance avec les événements. Y compris au sujet de la contestation de la réforme du code du Travail, qui ne l'inquiète pas. Ou, plus exactement, pas encore...
Edouard Philippe n'est pas du genre à s'enflammer. Dans le portrait qu'en a dressé le magazine Sept à Huit, dimanche 17 septembre, on voit le Premier ministre boxer, s'amuser en présence de la ministre de la santé de son alimentation déplorable à base de café-soda-barre chocolatée, rencontrer des habitants, retrouver ses concitoyens du Havre, dont il a quitté l'hôtel de Ville peu de temps après son arrivée à Matignon, réunir les ténors du gouvernement et de la majorité. Le tout, toujours avec sang-froid.
La "revanche" de Mélenchon
Que le gouvernement qu'il dirige soit confronté, pour la première fois, à une contestation sociale aussi bien partie que celle contre la loi El Khomri, n'y change rien. Assis dans un salon de Matignon mardi 12 septembre, jour des premières manifestations contre la réforme du code du travail par ordonnances, en compagnie de Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, Edouard Philippe est happé par la mobilisation... et par la place qu'y prend un certain Jean-Luc Mélenchon, principal opposant politique à la réforme.
Ce qui n'est pas sans interpeller -et inquiéter- Brigitte Bourguignon, qui ne peut que constater l'omniprésence médiatique du député de la France insoumise : "Il a tout raflé. Les caméras ne sont que sur lui. On ne voit que ses embrassades, etc. Il est en train de récupérer le truc, quoi." Là où certains y voient une aubaine pour le gouvernement - Christophe Castaner n'a-t-il pas tenté d'expliquer que le 4e homme de la présidentielle essayait de "voler la vedette" aux syndicats ? - Edouard Philippe l'interprète comme une suite logique de la présidentielle.
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La "coagulation" des étudiants à l'esprit
"C'est une forme de revanche sur ce qu'ont donné les urnes, relativise-t-il à propos de celui qu'il affrontera lors de son prochain passage à "L'Emission politique". Donc bon, voilà... C'est le combat politique. Traitons-le comme tel." Un attitude tout en relativisme que le Premier ministre avait déjà incarné le lendemain des mobilisations, là où d'autres avaient préféré souligné les "passions tristes" des manifestants.
Que Jean-Luc Mélenchon manifeste, soit. Mais Edouard Philippe préférerait que le mouvement en reste là. A Brigitte Bourguignon qui s'inquiète d'un embrasement du mouvement chez "les étudiants" ("faudrait pas que ça brûle"), il répond : "Oui, oui. On a tous à l'esprit que ça peut coaguler, parfois, bien sûr." Souvenirs de réformes de 1995 conduites par son mentor Alain Juppé qui avaient été contrecarrées par un mouvement social amplifié par la présence des étudiants. Une inquiétude partagée par un de ses collègues, qui s'alarme auprès du Monde : "220.000 personnes pour une première mobilisation, c'est beaucoup". Début de réponse le 23 septembre avec la marche des Insoumis.