Dons du sang pour les homosexuels : pourquoi ça coince encore ?

Anaïs Condomines
Publié le 12 octobre 2018 à 18h13, mis à jour le 24 octobre 2018 à 12h00
Dons du sang pour les homosexuels : pourquoi ça coince encore ?
Source : AFP

DISCRIMINATION - La fin de la différence de traitement pour les homosexuels en matière de don du sang, ce n'est pas pour tout de suite. C'est du moins ce que laisse penser le rejet par l'Assemblée nationale d'un amendement proposant d'établir le même temps d'abstinence que pour les hétérosexuels. Mais au fait, qu'est ce qui coince exactement ?

En 2016, la réforme prenait des allures de promesse. Deux ans plus tard, il n'en est toujours rien. L'Assemblée nationale a rejeté jeudi 11 octobre l'amendement qui proposait d'en finir avec la différence de traitement dans l'accès au don du sang pour les hommes homosexuels. Depuis un arrêté de Marisol Touraine sous le précédent quinquennat, ces derniers ne sont plus écartés des circuits de transfusion, mais une condition leur est toutefois imposée : ils doivent au préalable déclarer une année d'abstinence, quand les personnes hétérosexuelles peuvent se contenter de quatre mois. Devant la possibilité de lisser ce différentiel, les députés ont préféré le statu-quo.

Pourtant, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, se dit elle-même en faveur d'une réduction du temps d'abstinence pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, dans le cadre des dons du sang. Alors pourquoi, tandis qu'elle s'est presque montrée précurseuse dans ce domaine en rendant caduque la loi de 1983 - qui interdisait le don du sang aux gays - la France fait-elle à présent du sur-place ? En clair, qu'est-ce qui coince encore ?

Une question politique ?

Côté gouvernement, la ministre Agnès Buzyn occupe une position ambivalente. Même si elle rappelle son engagement de "retirer le critère des douze mois d'abstinence" et assure que celui-ci "n'a aucun fondement scientifique", elle a commencé par déposer un amendement pour supprimer cette mesure dans la proposition de loi, avant de se raviser.

Dans son entourage, on explique : "Cet amendement n'avait pas le soutien du gouvernement, non pas pour des raisons de fond - nous soutenons l'idée de modifier ces critères d'accès au don - mais pour des raisons de forme : faire relever de la loi la définition des critères rend toute modification lourde et complexe. Nous souhaitons maintenir la définition des critères au niveau du règlement pour conserver une réactivité nécessaire en cas d'épidémie qui conduirait à exclure du don certaines populations." Très concrètement, il s'agirait de faire passer sous peu cette mesure par un arrêté et non par une loi, afin de rendre toute dérogation plus facilement envisageable. 

Le ministère précise par ailleurs que des concertations sont lancées avec les différents acteurs concernés. La prochaine réunion du comité de suivi devrait avoir lieu le 14 novembre prochain. L'association Gaylib, rattachée au mouvement Radical, fait justement partie de ce comité de suivi. Sa présidente Catherine Michaud confirme à LCI que des réunions ont d'ores et déjà eu lieu. Mais pour elle, si la France traîne des pieds aujourd'hui, c'est pour une raison plus psychologique que politique ou scientifique. "En 2016, à l'époque où a été levée l'interdiction d'accès des homosexuels aux dons du sang, des associations comme les hémophiles de France avaient freiné le processus. Je crois qu'il faut dépasser le cap des traumatismes passés des scandales sanitaires, parmi lesquels peut-être le scandale du sang contaminé."

Pas de vacances pour le don du sangSource : Sujet JT LCI
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Comportement à risque VS orientation sexuelle

Joël Deumier, président et porte-parole de SOS Homophobie, demande de son côté une plus grande pédagogie de la part de la ministre. "Nous trouvons extrêmement regrettable que cet amendement ait été rejeté. Il y a deux principes à concilier : la sécurité des transfusions sanguines et l'absence de discrimination. Donc soit cette différence de traitement est justifiée par des études scientifiques, auquel cas la différence de traitement peut être recevable, soit elle n'est pas justifiée et dans ce cas on est dans la discrimination pure. La ministre doit donc s'expliquer aujourd'hui."

Il vous suffit de mentir pour donner votre sang. C'est absurde.
Catherine Michaud, présidente de Gaylib

D'une seule voix, les deux associations en reviennent à leur toute première revendication : "le seul critère à observer dans le circuit de la transfusion est le comportement à risque, quelque soit l'orientation sexuelle de la personne." Et Catherine Michaud d'insister sur un process actuel des plus "hypocrites". "Sur ce formulaire préalable", dit-elle, "il vous suffit de mentir pour donner votre sang. C'est absurde".


Anaïs Condomines

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