"Je savais qu'il avait dû en blesser d'autres" : plusieurs femmes accusent le créateur des "honest trailers" de harcèlement sexuel

Anaïs Condomines
Publié le 9 octobre 2017 à 7h48, mis à jour le 9 octobre 2017 à 7h54
"Je savais qu'il avait dû en blesser d'autres" : plusieurs femmes accusent le créateur des "honest trailers" de harcèlement sexuel
Source : AFP

TÉMOIGNAGES - Avis de tempête sur les "honest trailers". Le créateur de ce format vidéo très populaire sur YouTube, Andy Signore, est actuellement accusé de harcèlement sexuel par des dizaines de jeunes femmes. L'une d'entre elles, Emma, la première à avoir pris la parole, témoigne auprès de LCI.

Les révélations du New York Times au sujet de Harvey Weinstein, producteur hollywoodien accusé de harcèlement sexuel, montrent déjà leurs effets, notamment celui de libérer la parole. Dès le vendredi 6 octobre, plusieurs jeunes femmes ont partagé leur expérience de stagiaire ou de cinéaste débutante auprès d'un poids lourd de l'industrie de la vidéo en ligne, Andy Signore, créateur de la chaîne YouTube "Honest Trailers". Toutes l'accusent de harcèlement sexuel.

"Honest Trailers", c'est un format YouTube développé par la chaîne Screen Junkies - suivie par plus de 6 millions d'abonnés - et dont les vidéos ultra-virales revisitent de manière humoristique et efficace les bandes annonces de films. Une boîte de choix pour les jeunes sortis d'écoles de cinéma qui veulent se lancer dans le milieu. Ce fut le cas, à une époque, pour Emma et April, les deux femmes à l'origine des accusations. 

"Je me branle en pensant à toi en sous-vêtements!!!"

C'est Emma qui, la première, a ouvert la voie. En fin de semaine dernière, cette Californienne a expliqué sur Twitter et Facebook comment, alors qu'elle était en stage non rémunéré chez Screen Junkies voilà sept ans, elle a reçu des messages de la part de son patron : "Il est tombé sur des photos de pin-up que j'avais faites. Il m'a envoyé un message pour me dire que j'étais bonne et il l'a joué en mode blague en disant 'LOL, je me branle en pensant à toi en sous-vêtements!!!' Quand j'ai essayé de l'envoyer balader, il a proposé de venir me voir pour faire ça devant moi (....). Vous devez comprendre que ce gars était mon boss. Il était en position de pouvoir, j'étais complètement inexpérimentée, je travaillais pour lui gratuitement dans l'espoir qu'il puisse un jour m'offrir du travail. Donc j'ai répondu : 'Je suis flattée, mais non merci'. (...) J'ai essayé de passer à autre chose, mais cela me met en colère de voir des amis féministes qui postent sur Facebook les vidéos 'honest trailers'".

J'ai été entendue"
Emma

LCI a contacté Emma. Celle-ci nous a expliqué qu'elle a décidé de parler à la suite du scandale Weinstein : "Cette histoire a été le déclencheur. J'ai lu un tweet, à cette occasion, qui rappelait à quel point les femmes qui veulent entrer dans l'industrie du cinéma deviennent des victimes des hommes. Et ça m'a mise tellement en colère." Pourtant, ce n'est pas la première fois qu'Emma en parle en public. "Je l'avais déjà raconté sur Facebook et mentionné sur Twitter quelques fois. Mais personne, à part mes amis proches, ne s'en est jamais soucié. Là, c'est différent, j'ai reçu des soutiens incroyables, j'ai été entendue."

Rapidement, elles sont plusieurs à lui emboîter le pas. April, par exemple, raconte qu'elle s'est retrouvée, lors d'un événement pour "Screen Junkies", dans un hôtel à Los Angeles : "Andy est passé sans que je lui demande. Il a sorti un sex-toy de son sac et a essayé de l'utiliser sur moi. Il a pris des photos de moi sans ma permission et a fouillé dans mon téléphone pendant que j'étais dans la salle de bain." La jeune femme indique aussi qu'elle s'est plainte de ce comportement aux ressources humaines de l'entreprise... En vain. 

Des échanges similaires avec d'autres jeunes femmes

Devin, quant à elle, était une fan d'Andy Signore. Encouragée par la prise de parole des autres femmes avant elle, elle rend publics ses échanges avec le vidéaste. "Il m'a demandé mon âge et si je sortais avec des mecs plus âgés, explique-t-elle. Il expliquait que, si je m'habillais sexy, je pourrais avoir une chaîne YouTube et m'a demandé de poser comme une 'étudiante sexy de 20 ans'". 

Et elles sont encore nombreuses, anonymement ou à visage découvert, à partager les textos, messages Twitter et e-mails qu'elles disent avoir reçus par la star de YouTube. A chaque fois apparaît le même vocabulaire, à base de "lol", "je ne veux pas être bizarre", ou encore "tu aimes les hommes plus âgés ?"

Andy Signore suspendu puis viré

Emma, de son côté, se dit heureuse que d'autres prennent la parole, même si elle n'est pas étonnée des témoignages qu'elle voit passer : "Je savais qu'il avait dû en blesser d'autres. Un comportement pareil, c'est rarement un incident isolé. Je savais que si je faisais le premier pas, d'autres suivraient." Aujourd'hui, elle ne demande rien, même si elle a changé de carrière après cet épisode. "Mais j'espère qu'April, qui a été rejetée par les ressources humaines, recevra la justice qu'elle mérite."

Andy Signore, contacté par nos soins, n'a pas répondu à notre sollicitation. Quant au groupe Defy media, qui possède la franchise Screen Junkies, il indique sur Twitter que le créateur de la chaîne YouTube a été dans un premier temps suspendu, "pendant qu'une enquête est menée". "Nous avons étudié les accusations faites contre Andy Signore et nous nous préparons à y répondre et à prendre les mesures appropriées". La suspension a ensuite été commuée en licenciement ce dimanche, Screen Junkies évoquant un comportement "choquant et inacceptable".


Anaïs Condomines

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