Leçon de français avec des enfants roms dans l’école des bidonvilles

par Youen TANGUY
Publié le 2 octobre 2016 à 8h00
Leçon de français avec des enfants roms dans l’école des bidonvilles
Source : Youen Tanguy

REPORTAGE - A Bondoufle, une association se rend deux fois par semaines dans un bidonville pour y animer des ateliers. Le but ? Donner des cours de français et de mathématiques ludiques aux enfants roms qui ne vont pas à l'école. LCI a pu assister à un de ces ateliers.

"Hey, tu t’appelles comment monsieur ?" Lorena n’a que huit ans mais elle parle déjà d’un ton assuré. Cette petite fille aux cheveux courts, affublée d’une longue robe rose à paillettes, vit avec sa famille dans un hangar désaffecté de Bondoufle dans l’Essonne. Une baraque en bois surplombée de grandes bâches orange lui fait office de maison. Des dizaines d’autres installations identiques et quelques caravanes sont réparties dans tout le hangar. En guise de toit, des morceaux de tôle ont été fixés, dont certains sont à moitié arrachés. En tout, une quinzaine de familles et près de 45 enfants âgées de 0 à 16 ans habitent ici.

Lorena est rom. Et elle vit dans un bidonville. Comme la majorité des enfants du camp, elle ne va pas à l’école. Le casse-tête administratif et la réticence de certaines mairies sont des éléments d’explication. Alors, quand les membres de l’association Intermèdes Robinson débarquent avec leur camion, elle a le sourire jusqu’aux oreilles. "On vient deux fois par semaine, le mercredi et le vendredi", détaille Nicolas, un des pédagogues sociaux de l’association Intermèdes Robinson, qui intervient dans plusieurs villes de l’Essonne.

Ils vont rester près de deux heures trente pour donner des cours aux enfants, tout en s’amusant. "Allez tout le monde se prend la main et on forme un grand cercle", explique Laora à l’attention des chérubins. En service civique depuis quelques mois, cette jeune femme aux cheveux cuivrés et au regard rieur a elle-même grandi dans un bidonville. De quoi mettre à l’aise les enfants. L’atelier commence par les présentations. On entonne ensuite des chansons ludiques comme 'Un éléphant qui se balançait'. Le but ? Vérifier qu’ils savent bien compter de 1 à 10 ou connaissent les différents jours de la semaine. Les cinq premières minutes sont particulièrement studieuses. Mais le cercle se casse rapidement, les enfants s’agitent et les rires remplacent les chants. 

A quelques mètres de là, assises dans un petit canapé marron, trois femmes s’amusent du spectacle. L’une d’entre elles, foulard sur la tête et cigarette aux bords des lèvres, susurre quelques mots à sa voisine avant d’éclater d’un rire communicatif. D’autres parents surveillent leurs progénitures, installés sur le marchepied d‘une caravane ou sur des chaises en plastique orange, comme celles que l’on trouve dans les cantines.

On n’est pas là pour remplacer l’école
Nicolas, pédagogue social de l’association Intermèdes Robinson

Fini de jouer, c’est l’heure de se mettre au travail. Les chaises sont réparties autour d’une grande table, installée au centre de la pièce. C’est là que la dizaine d’enfants va s’installer pour faire ses "devoirs". A travers des exercices d’apprentissage ludiques, ils vont apprendre  les mathématiques et la langue française. "On parle français, roumain et tsigane, détaille Nicolas. Mais on utilise le plus souvent le français pour que les enfants s’habituent à le parler, même entre eux". Les exercices sont basiques mais efficaces : remplir des mots manquants, relier un groupe de fruits au nombre correspondant... 

Les plus jeunes ont été installés à côtés, sur de grands tapis de couleurs disposés au sol. Sur l’un d’entre eux, l’atelier 'petite enfance' est dédié aux moins de trois ans. On y joue aux lego, à la dinette ou aux poupées. Sur un autre, les 4-5 ans font du coloriage avant d’être vite rejoints par les plus grands, lassés de faire des maths. "On n’est pas là pour remplacer l’école, admet Nicolas. Le but de l’association est d’offrir un accueil inconditionnel à tous les enfants. Même si l'on reconnait que c’est insuffisant".

Mais certains des enfants vont déjà à l’école. C’est le cas de Cassandra, huit ans, et de quatre autres fillettes du bidonville. "Au début ça a été un compliqué et ensuite on a insisté car beaucoup d’enfants voulaient aller à l’école, raconte Mihaela, la maman de Cassandra. Je suis contente que la mairie ait accepté la demande de scolarisation car je sais que d’autres mairies n’ont pas toujours la même volonté". 

La mairie de Bondoufle nous a confirmé par téléphone que "quatre ou cinq enfants" de ce bidonville allaient à l’école depuis la rentrée. Elle précise que "plus d’une vingtaine d’enfants roms sont scolarisés et répartis dans les huit écoles de la commune". Les sourcils froncés, le regard déterminé, Mihaela s’exclame : "On espère que ce sera bientôt plus". 

Des difficultés à Maubeuge ou à Saint-Ouen

Ce qui s'est bien terminé à Bondoufle ne se déroule pas toujours aussi sereinement dans d'autres communes. "La petite Cassandra a été domiciliée car on lui a fait une attestation de domicile, assure Laurent Ott, président de l’association Intermèdes Robinson. Mais ce document est difficile à obtenir". Dans la plupart des cas, le Centre communal d’action sociale (CCAS) de la commune est censé faire une attestation de domicile administratif, mais de nombreuses mairies refusent. Derniers exemples en date : les villes de Maubeuge ou Saint-Ouen. 

Des préoccupations administratives bien loin de celles des enfants. Dans le bidonville de Bondoufle, l’atelier se termine toujours en musique. C’est Dusko qui est chargé de faire danser les bambins. Assis derrière son piano, la nouvelle recrue de l’association Intermèdes Robinson entonne 'Aven Savore'. En français : 'venez tous'. Un moyen de nous rappeler que la France est aussi le pays du 'vivre ensemble'.

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