Bubble Factory, le salon de coiffure où monsieur paie le même prix que madame

par Sibylle LAURENT
Publié le 8 janvier 2016 à 21h21
Bubble Factory, le salon de coiffure où monsieur paie le même prix que madame

REPORTAGE – Le salon Bubble Factory, dans le 12e arrondissement de Paris, a fait sa petite révolution pour la nouvelle année : depuis le 1er janvier, les tarifs sont identiques pour les hommes et pour les femmes. Une idée de l’équipe. Metronews est allé voir.

Ça a toujours été comme ça. Et personne ne s’est jamais demandé pourquoi. Chez le coiffeur, les femmes paient plus cher que les hommes. Pourquoi ? Mystère. Mais Kath Cala, jeune patronne de Bubble Factory, salon de coiffure du 12e arrondissement de Paris, n’aime pas les mystères. Alors elle a décidé de tout remettre à plat. Depuis le 1er janvier, hommes et femmes paient le même tarif. Une petite révolution. De toute façon, Kath, 30 ans, a un immense sourire, de grands yeux, et surtout... du caractère.

"Ce changement de prix, ça fait une bonne année que ça nous trotte dans la tête", explique Kath. "Cette année surtout, on a eu beaucoup de réflexions de clientes, qui nous ont dit : "Le monsieur est arrivé en même temps que moi, on a fait quasiment la même coupe, je paie dix euros de plus que lui." Ce n’est pas nouveau, mais ça ne devenait plus normal, et on le ressentait de plus en plus. On était gênés…"

"On ne se pose pas la question, en soi, c'est un détail"

En fait, cette différence de prix, Kath ne l’explique pas vraiment. "C’est comme la brosse à dents rose qui coûte plus cher que la bleue… Je pense que ces règles ont été créées il y a des centaines d’années, par les hommes. Aujourd’hui, on essaie juste d’égaliser. On ne veut pas que les femmes aient plus d’avantages. Mais on se dit, doucement, qu’une femme a le droit de payer le même prix que son mari." Un prix pour tous. Certains salons le pratiquent déjà. Comme la chaîne Tony and Guy, d’inspiration anglo-saxonne, pays où la pratique est répandue. Mais en France, ces salons restent rares. "Quand j’ai ouvert Bubble factory en 2009, je n’ai pas réfléchi, j’ai fait la bêtise de faire comme les concurrents", raconte Kath. "C’est vrai qu’on ne se pose pas vraiment la question : en soi, c’est un détail. Mais à force de changer des petits détails partout, on peut faire changer les choses."

Alors un soir, elle rassemble son équipe. Et pose le sujet sur la table. "Je leur ai dit : il faut qu’on parle de cette histoire. Qu’est-ce qu’on fait ?" L’an dernier, les hommes payaient 29 euros, les femmes 39. Elle veut instaurer un tarif unique : 35 euros pour tous. Débats dans l’équipe. Certains sont fans, quelques-uns sont plus réticents. Estiment que cette différence, c’est normal, qu’il faut s’y habituer. Que tout ça peut faire fuir la clientèle masculine. Mais Kath tient bon. "On a réussi à convaincre tout le monde", se réjouit-elle. "C’est le moment où jamais pour le faire. Il s’est passé des choses dans ce sens cette année, comme la taxe tampon. Les esprits vont s’ouvrir." Un compromis est trouvé, trois tarifs sont fixés, unisexe : tarif cheveux courts, cheveux long, et coupe transformation, plus travaillée, à 32, 39 et 45 euros.

De nouvelles clientes

La petite bombe a été lancée en douce sur internet , pendant les fêtes, le salon fermé. Alors forcément, le lundi de rentrée, l’équipe appréhendait un peu. Et en fait, la pilule est bien passée. "Nos hommes sont top, ils nous soutiennent", raconte Kath. "Certains nous donnent 40 euros et nous laissent la monnaie. Ça fait chaud au cœur." Et Bubble factory n'a pas désempli. "De nouvelles clientes sont venues, elles nous ont découvert par le communiqué, et ça leur a donné envie de venir chez nous", raconte Kath. C’est sûr, cette histoire de prix, ça lui fait de la pub. Ça a même fait un beau buzz sur Facebook : l’annonce a été vue par 40.000 personnes, relayée par des associations féministes. Tant mieux, même si ce n’était pas prévu. "Je n’ai pas fait ça pour faire de l’argent, je ne sais pas si ça va être rentable, car j’ai beaucoup de clientes aux cheveux courts", dit Kath. "On verra à la fin de l’année."

Justement, devant son miroir, ce vendredi, Louise, cliente depuis mai dernier, se fait rafraîchir sa coupe courte. Et toute cette histoire, elle trouve ça "très amusant" : "Je ne m’étais jamais posé la question des prix", raconte-t-elle. "J’ai toujours pensé que la différence s’expliquait parce qu’il y avait des soins du cheveu, une mise en plis chez les femmes ou parce que c’était plus rapide. Mais maintenant je trouve ça très bien !" Assis dans un coin, Gilles, la cinquantaine, est plus mitigé. Il paie maintenant 32 euros. 3 de plus qu’avant.  "C’est dans l’air du temps, il faut s’habituer à l’unisexe", dit-il. Il continuera à venir : "Moi, ça ne me dérange pas. On va s’habituer. Mais je pense que ça va toucher des jeunes qui n’ont pas de budget." Car le petit changement peut aussi faire perdre des clients. Kath le sait.  "Ce côté féministe ne passe pas chez tout le monde", reconnaît-elle. "Mais finalement tant pis. On va gagner des clients qui sont vraiment dans le même état d’esprit que nous. On a les clients qui nous ressemblent !"

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Sibylle LAURENT

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