Crash de la Germanwings : pourquoi le secret médical fait débat

Publié le 14 mars 2016 à 18h15
Crash de la Germanwings : pourquoi le secret médical fait débat

VOL 4U9525 – Dans un rapport publié dimanche à la suite du crash provoqué par Andreas Lubitz, le BEA recommande d'imposer aux médecins de s'affranchir du secret médical dans le cas où la santé d'un pilote a de fortes chances d'affecter la sécurité des passagers. Pourquoi cette idée fait-elle polémique ? Eléments de réponse.

Un médecin doit-il se délier du secret médical s'il constate qu'un pilote souffre de troubles psychologiques de nature à mettre en danger la sécurité publique ? Près d'un an après le crash de l'A320 de la Germanwings, qui a fait 150 morts, le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA), prend clairement position : les médecins devraient avoir l'obligation d'alerter les autorités lorsque la santé d'un pilote a de fortes chances d'affecter la sécurité des passagers.

EN SAVOIR + >>  Crash de l'avion A320 de Germanwings : ce qu'il faut retenir du rapport du BEA

En proie à des troubles psychiatriques lourds, le copilote de l'avion de ligne allemand, Andreas Lubitz, avait précipité en mars 2015 l'A320 de la Germanwings contre un flanc de montagne, dans les Alpes de Hautes-Provence. L'enquête a établi que plusieurs médecins qui suivaient Andreas Lubitz savaient qu'il était malade, mais que cette information n’est jamais parvenue jusqu'aux autorités aéronautiques ni à son employeur. Une défaillance qui met au jour les limites du secret médical. Comment ce principe fonctionne-t-il ? Quelles sont ses limites ? Et pourquoi sa remise en cause fait-elle débat ? Eléments de réponse.

 Le secret médical, à quoi ça sert ?
Le serment d'Hippocrate, qui peut être considéré comme le texte fondateur de la déontologie médicale, impose un devoir de secret au médecin en toute circonstance. "Le principe du secret médical est l'un des piliers de l'exercice de la médecine", explique à metronews le Dr Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie du Conseil de l'Ordre des médecins. "Il permet de garantir une relation de confiance entre le médecin et le patient. Sans cela, le patient pourrait ne plus venir en consultation et ne serait donc plus pris en charge."

 Des dérogations déjà possibles
Le caractère inviolable du secret médical a été inscrit dans la loi en 1810. Depuis, quelques dérogations ont été introduites. L'article 226-14 du code pénal établit trois cas qui imposent au médecin de s'affranchir du secret médical : si le médecin a connaissance de sévices ou privations, si le patient détient ou envisage d'acquérir une arme à feu ou si le médecin estime que le patient présente un danger immédiat pour autrui qu'il ne peut empêcher le danger autrement.

Actuellement, si un médecin constate qu'une pathologie observée sur un pilote de ligne est susceptible de causer un accident, il ne peut rompre le secret qu'en cas de "nécessité absolue", prévue par l'article 122-7 du Code pénal, et après avoir épuisé toute autre solution. Autrement dit, le "médecin décide en son âme et conscience, au cas par cas", précise le Dr Jean-Marie Faroudja.

  Pourquoi ça fait débat
Le Conseil national de l'Ordre des médecins redoute qu'une telle mesure fasse sauter un verrou. "Aujourd'hui, ce serait le pilote, demain les chauffeurs de bus, après-demain le grand-père au volant", s'alarme le Dr Jean-Marie Faroudja. "Est-ce qu'un jour, le médecin qui apprendra qu'un patient est atteint d'une MST devra prendre son téléphone pour alerter son entourage des risques d'une contamination ? Il faut laisser au médecin la libre appréciation du risque."

A LIRE AUSSI
>>  Crash de la Germanwings : Lubitz aurait consulté des dizaines de médecins avant le drame
>>  Les sombres confidences d'Andreas Lubitz à ses médecins


La rédaction de TF1info

Tout
TF1 Info