Discriminations salariales : les beaux gagnent-ils plus que les moches ?

Publié le 16 février 2016 à 10h14
Discriminations salariales : les beaux gagnent-ils plus que les moches ?

SOCIÉTÉ - Alors que le défenseur des droits a publié lundi un baromètre révélant que l'apparence est l'un des principaux critères de discrimination à l'embauche, Metronews s'est penché sur les différentes études qui montrent comment un physique disgracieux peut aussi agir sur l'évolution des carrières et des salaires. Une réalité cruelle du monde du travail.

Travail, ton univers impitoyable. Le défenseur des droits a publié lundi une étude montrant une nouvelle fois que, décidément, nous ne ne partons pas tous avec les mêmes chances quand il s'agit de rechercher un emploi : l'apparence physique, met en évidence son baromètre sur le ressenti des chômeurs, serait le second critère de discrimination à l'embauche après l'âge.

Être en surpoids ou mal habillé peut donc nuire au recrutement . Mais une fois que l'on a intégré une entreprise, des kilos en trop ou un physique disgracieux continuent-t-ils à jouer un rôle dans l'évolution des carrières et salaires ? "Oui, c'est tout à fait vrai statistiquement parlant", nous répond le sociologue Jean-François Amadieu, directeur de l'Observatoire des discriminations . Deux principales raisons, aussi logiques qu'implacables, à cet affreux constat selon lui : "Comme à l'embauche vous avez plus de mal à être recruté, vous allez occuper des postes moins bons et négocier un salaire moindre. A l'inverse, séduire son chef ou ses clients par la suite, c'est être bien évalué chaque année, performant, faire une meilleure carrière et gagner plus d'argent."

"Les hommes de taille élevée font une meilleure carrière"

La beauté est évidemment subjective. Pour observer la manière dont l'apparence est susceptible d'agir sur les salaires, Jean-François Amadieu nous indique que l'on peut se référer à des enquêtes réalisées sur des critères objectifs (sans lien direct avec la beauté, bien sûr). Le chercheur Nicolas Herpin, pour l'Insee, avait ainsi publié en 2002 u ne étude mesurant "l'incidence" de la taille des hommes "sur la vie en couple et la carrière professionnelle". Avec un constat cruel (pas exempt de critiques, pointait alors Libé ). Non seulement les moins d'1m70 doivent davantage ramer pour trouver chaussure à leur pied, mais ils partent aussi avec un sérieux handicap dans le monde du travail : "La taille élevée est un atout économique pour l’homme, écrivait-il. À diplôme constant, les hommes de taille élevée font une meilleure carrière professionnelle car leur sont confiées davantage de responsabilités d’encadrement."

De la même manière, on dispose en France d'enquêtes sur la relation entre surpoids et salaire. La dernière étude trisannuelle ObEpi-Roche montrait ainsi que près de 23% des personnes obèses gagnent entre 900 et 1200 euros par mois, le pourcentage chutant à moins de 9% pour les salaires compris entre 3.800 et 5.300 euros.

"Les femmes souvent davantage jugées sur les apparences"

En revanche, l'Hexagone n'a jamais produit d'études qui permettraient de répondre plus directement à la question posée en titre de cet article, sur le lien entre le salaire et le sentiment d'être beau, ou pas. Elles existent toutefois à l'étranger. L'Américain Daniel Hammermesh s'était par exemple attaché à démontrer, dans Beauty Pays (La beauté paie) en 2001, que les personnes belles (du moins celles qui s'auto-évaluent ainsi) ont en moyenne des revenus plus élevés que les autres. Ses conclusions : les hommes avantagés par la nature gagneraient 17% de plus que ceux devant faire avec un physique moins gracieux, la différence de traitement étant de 13% chez les femmes.

A l'inverse, un Apollon ne risque-t-il pas de se faire barrer la route par des supérieurs jaloux, et une femme à la plastique irréprochable être victime du "stéréotype de la blonde" ? "Ce phénomène existe, il a déjà étudié, assure là aussi Jean-François Amadieu. Il ne joue jamais pour les hommes, mais les femmes étant souvent davantage jugées sur les apparences, certaines d'entre elles, à l'embauche et dans la vie professionnelle, peuvent effectivement être confrontées au préjugé 'belle et bête'". Le sociologue vient d'ailleurs de réaliser avec son Observatoire des discriminations un testing dans le département de l'Essonne. "On s'aperçoit qu'un profil de jeune fille très belle va plaire comme assistante de direction, mais beaucoup moins s'il s'agit d'un poste d'agent administratif ou de comptabilité", nous confie-t-il. L'expression "avoir le physique de l'emploi" prend ici tout son sens.

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Gilles DANIEL

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