INFO LCI - Un doctorant de la Sorbonne accuse la police de "violences" en gare de Saint-Denis : l'IGPN saisie

Anaïs Condomines
Publié le 27 septembre 2016 à 9h25, mis à jour le 5 octobre 2016 à 19h26
INFO LCI - Un doctorant de la Sorbonne accuse la police de "violences" en gare de Saint-Denis : l'IGPN saisie
Source : AFP

ENQUÊTE – Un jeune enseignant-chercheur de Paris 1 accuse la police de l’avoir violenté et d’avoir proféré à son encontre des menaces à connotation homophobe, jeudi 22 septembre en gare de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Selon nos informations, l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie.

Guillaume Vadot, jeune doctorant de la Sorbonne, a-t-il été victime de violences policières la semaine dernière à Saint-Denis ? C’est en tout cas ce qu’il affirme depuis le jeudi 22 septembre dans un témoignage en ligne publié sur le site militant d’extrême gauche "Révolution Permanente", dont il est le co-fondateur. Ce texte, où il accuse notamment les forces de l’ordre d’avoir proféré des menaces et des insultes à connotation homophobe à son encontre, a ensuite été posté, puis massivement partagé, sur la page Facebook de l’un de ses collègues.

L’effet amplificateur des réseaux sociaux ayant fait le reste, de nombreux médias, dont LCI, ont tenté de contacter le jeune homme de 28 ans. Mais celui-ci a tenu à poser un embargo sur toute demande d’interview. Et a organisé, lundi, une conférence de presse au cabinet de son avocat, Slim Ben Achour, spécialisé dans les affaires de discrimination. Là, il est revenu sur cette scène qui se serait tenue vers 20h, aux abords de la gare. Et a réitéré, mot pour mot, le témoignage qu’il a couché par écrit le soir de l’altercation présumée. 

J'ai reçu une décharge de Taser. On m'a dit : 'Ça pique ?'
Guillaume Vadot

"Ce soir-là, je rentrais d’une réunion en compagnie d’une collègue", raconte-t-il. "Nous sommes arrivés en gare de Saint-Denis par le RER B et avons entendu des cris stridents. Une dame noire, d’environ quarante ans, menottée, était en train d’être interpellée." Sortant son téléphone, l'enseignant raconte avoir commencé à filmer l’opération de police. "L’un d’entre eux m’a dit que je n’avais pas le droit de filmer dans l’enceinte de la gare. J’en suis donc sorti et j’ai à nouveau déclenché  l’enregistrement."

C’est à ce moment-là, selon le jeune doctorant, qu’un policier lui aurait "attrapé l’épaule gauche". La scène qui aurait suivi, Guillaume Vadot la relate en ces mots : "J’ai été plaqué contre une porte, le visage de profil, j’étais coincé. On m’a fait une clef de bras pendant dix minutes et on m’a crié que j’étais un pédé, qu’on allait me crever là dans les dix minutes. Puis en plaçant une main sur ma fesse gauche, qu’on allait me violer et que j’allais voir si je pouvais continuer à jouer avec la police. J’ai aussi entendu qu’on me parlait de l’Etat Islamique. On m’a demandé si une fois que Daech viendrait à la Sorbonne, je les regarderais en me masturbant. Et enfin, en regardant ma carte d’électeur, on m’a dit : 'Tu habites là ? On va venir chez toi. On va venir à la Sorbonne, ta titularisation tu peux te la mettre'". "C’était assez glaçant", ajoute le jeune homme, militant au NPA. Il assure ensuite avoir reçu une décharge de Taser dans le bras. "On m’a demandé : 'Ça pique ?', j’ai répondu ‘oui’".

Une plainte contre X

Avant de le relâcher, des policiers auraient demandé à Guillaume de leur montrer son téléphone. "J’ai commencé à le déverrouiller quand ils me l’ont arraché des mains. Ils ont supprimé les deux vidéos et sont allés vérifier dans l’onglet 'supprimés récemment'". Des vidéos qu’une manipulation technique a, depuis, permis de récupérer. Les images, que LCI a pu consulter, montrent une femme menottée et maintenue face au mur par les forces de l’ordre, un peu à l’écart d’un attroupement créé à l’extérieur de la gare. Un cordon de policiers discute avec des riverains. La conversation est tendue, mais l’ambiance relativement calme. Quelques secondes plus tard, un policier place sa main devant l’objectif de Guillaume et lui demande de "couper son portable".

Aujourd’hui, il ne compte pas en rester là. Avec son avocat, il a décidé de saisir le Défenseur des droits et de déposer une plainte contre X pour "abus d’autorité", "violences volontaires aggravées", "agression sexuelle aggravée", "menaces", "injures publiques" et "vol" (de cigarettes, ndlr). D’après Me Slim Benachour, cette plainte devrait être déposée dès ce mardi auprès du procureur de Bobigny. Et poursuit : "Nous dénonçons cette pratique de suppression des preuves, qui se développe dans le secret".

Un contrôle a bien eu lieu
La Préfecture de police

Mais qu’en disent, de leur côté, les autorités ? Contactés par LCI pour faire la lumière sur ce témoignage, ni la Direction territoriale de sécurité publique de Bobigny (DTSP 93) ni le cabinet du maire, à Saint-Denis, n’étaient en mesure ce lundi de nous apporter des précisions. En revanche, la préfecture de police de Paris a confirmé à LCI en fin de journée qu'"un contrôle a bien eu lieu le 22 septembre dernier à la gare de Saint-Denis. Des vérifications sont en cours pour déterminer si les faits dénoncés peuvent correspondre à cette intervention." Mardi matin, LCI a appris que l'IGPN avait été saisie pour faire la lumière sur cette histoire.

Car de cette histoire, il reste encore beaucoup de zones d’ombres que les caméras de surveillance de la gare de Saint-Denis, dans le cadre d’une éventuelle enquête, pourraient éventuellement permettre d’éclaircir. Grands absents de ce dossier également : les témoins directs de la scène. Pour l’instant, malgré l'appel que nous avons lancé, nous n’avons pas pu entrer en contact avec une personne présente ce soir-là, à la gare de Saint-Denis.

LCI cherche à recueillir davantage de précision sur cet incident présumé. N’hésitez pas à nous contacter à cette adresse : acondomines@tf1.fr 


Anaïs Condomines

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